FINANCES - Les mesures d'urgence prises fin 2018 pour répondre à la crise des Gilets jaunes se font sentir dans le budget de la France. Ces choix assumés sont-ils en contradiction avec les engagements d'Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle ?
Laisser filer la dette publique pour financer les besoins du pays et doper l'investissement, ou respecter scrupuleusement nos engagements européens ? Comme Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande avant lui, Emmanuel Macron se trouve, à la moitié de son mandat, face à un choix qui pourrait à nouveau l'isoler sur la scène européenne.
Dans une interview accordée la semaine dernière à The Economist, le chef de l'Etat s'en est pris vertement à la fameuse "règle d'or" du déficit public, jugeant que "le débat autour du 3% des budgets nationaux est un débat d'un autre siècle" et appelant ses partenaires européens à privilégier l'investissement, à l'image de la Chine ou des Etats-Unis, quitte à creuser le déficit des Etats.
Et comme ses prédécesseurs, Emmanuel Macron s'apprête à enfreindre certains engagements de la France pour répondre à la crise sociale qui agite le pays, en particulier depuis le mouvement des Gilets jaunes. Ce faisant, le président de la République est également sur le point de revenir certains engagements de sa campagne de 2017.
Que disait Emmanuel Macron en 2017 ?
Durant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron était le seul des candidats à promouvoir le strict respect de l'engagement français auprès de l'UE. Il promettait tout d'abord à ne pas dépasser la fameuse règle des 3% de déficit public, y voyant la condition sine qua non pour "rétablir la confiance avec nos partenaires européens". "Nous promettons ce que nous savons tenir", assurait alors son document de campagne.
Le candidat d'En Marche s'engageait surtout à "ne pas léguer une dette insoutenable à nos enfants" et, de ce fait, à "réduire la part des dépenses dans la richesse nationale à 52% en 2022", et à atteindre, cette même année, "l'objectif à moyen terme de solde structurel soit 0,5 point de PIB".
Il précisait que "ne pas réduire nos dépenses courantes et notre dette serait irresponsable pour les générations à venir", mais aussi que "ne pas investir pour leur futur le serait tout autant", assurant qu'il fallait "sortir de la logique purement comptable du coup de rabot".
Où en est-on ?
Selon le projet de loi de finances pour 2020, la France devrait afficher l'an prochain un déficit public de 2,2%, en baisse de 20 milliards d'euros, "le plus faible enregistré dans notre pays depuis 2001". Un chiffre en deçà de la règle des 3%, comme l'avait promis Emmanuel Macron lors de sa campagne. Mais nettement supérieur aux engagements initiaux de la France, qui promettait encore à la Commission européenne, au printemps 2018, de descendre sous la barre des 1%. Et parmi les plus élevés de la zone euro, puisque seule l'Espagne connaît un déficit supérieur.
S'agissant des dépenses publiques, la trajectoire diverge des engagements initiaux, à moins qu'elle ne soit sérieusement corrigée au cours de deux dernières années du quinquennat. Ces dépenses devraient non pas diminuer, mais augmenter de 0,7% en 2019 et 2020. La part de la dépense publique dans le PIB atteindrait toujours 53,4% du PIB en 2020. L'exécutif assure malgré tout qu'il obtiendra "une réduction de près de 3 points de ce ratio sur le quinquennat".
Quant à la dette qu'Emmanuel Macron promettait de réduire, selon le document budgétaire, "elle commencerait à décroître en 2020". Mais timidement : 98,7% du PIB, contre 98,8% en 2019. L'écart est très important avec les engagements initiaux d'Emmanuel Macron, de l'ordre de 5,4 points de PIB, selon le rapport de la Cour des comptes sur les finances publiques, publié en juin 2019. Selon l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), la dette française ne commencerait en réalité à reculer qu'à partir de 2021.
Là encore, la trajectoire de la France est en décalage avec celle de ses partenaires, comme le montre le graphique de la Cour des comptes ci-dessous. En Allemagne, la dette représentait par exemple 61% du PIB début 2019.
"Les ambitions en matière de réduction du déficit public pour 2022 ont été fortement revues à la baisse", a conclu la Cour des comptes, qui estime que le programme du gouvernement "conduit à reporter à l’horizon 2021 et 2022 l’essentiel des efforts de rétablissement des comptes de notre pays". Le 22 octobre, la Commission européenne s'est également inquiétée de la trajectoire retenue, estimant que l'effort de la France pour réduire sa dette était égal à zéro.
Le poids des mesures d'urgence
La modification de la trajectoire budgétaire initiale tient en grande partie aux mesures "d'urgence" prises fin 2018 pour répondre à la crise des Gilets jaunes, dont le coût global a été estimé à 10 milliards d'euros. Ces mesures comprenaient le gel de la hausse de la taxe sur les carburants, l'extension de la prime d'activité à 1,2 million de personnes (3 milliards d'euros), la défiscalisation des heures supplémentaires (3 milliards), la réduction de la CSG pour une partie des retraités (1,3 milliard) ainsi que la prime annuelle pour les salariés, reconduite en 2020.
A ces 10 milliards se sont ajoutés les 5 milliards d'euros de réduction de l'impôt sur le revenu pour les premières tranches de contribuables, ainsi que la réindexation des petites retraites. Soit un total de 17 milliards d'euros de dépenses qui n'étaient pas prévues initialement, et qui s'ajoutent à d'autres mesures fiscales du gouvernement pour réduire les prélèvements obligatoires. D'autres efforts financiers ne sont pas chiffrés pour l'heure, et pourraient alourdir la note, comme le plan en faveur des hôpitaux qui devrait être annoncé mercredi prochain.
S'endetter pour être plus résilient ? Dans ses "perspectives 2019-2021 pour l'économie française", l'OFCE souligne que ces mesures en faveur du pouvoir d'achat ont permis à la France de résister au ralentissement économique européen, et que cette bonne résistance hexagonale pourrait faire passer la France... devant ses partenaires en matière de croissance dans les prochaines années.
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