Caricatures : la France "ne va pas changer" son droit "parce qu'il choque ailleurs", prévient Macron

Publié le 16 novembre 2020 à 10h50
Caricatures : la France "ne va pas changer" son droit "parce qu'il choque ailleurs", prévient Macron
Source : KENZO TRIBOUILLARD / POOL / AFP

COUVERTURE - Dans une série d'entretiens, le président Emmanuel Macron a rappelé son attachement à la liberté d'expression, un droit que la France "ne va pas changer (...) parce qu'il choque ailleurs". Le chef de l'État a aussi critiqué la couverture des médias anglo-saxons des récents attentats djihadistes en France.

Emmanuel Macron reste droit dans ses bottes : la France "ne va pas changer" son droit sur la liberté d'expression "parce qu'il choque ailleurs". Dans un entretien au Grand Continent, publié ce lundi 16 novembre, le président a regretté le timide soutien international après les derniers attentats dans le pays. Ces dernières semaines, la France a subi trois attentats djihadistes : une attaque à l'arme blanche fin septembre qui a fait deux blessés près des anciens locaux de Charlie Hebdo, la décapitation le 16 octobre du professeur d'histoire-géographie Samuel Paty qui avait travaillé avec ses élèves sur les caricatures du prophète Mahomet et une attaque au couteau qui a fait trois morts fin octobre dans la basilique Notre-Dame de Nice. 

"Il y a cinq ans, quand on a tué ceux qui faisaient des caricatures (dans Charlie Hebdo), le monde entier défilait à Paris et défendait ces droits. Beaucoup de condoléances ont été pudiques", a-t-il noté dans la revue en ligne, "et on a eu, de manière structurée, des dirigeants politiques et religieux d'une partie du monde musulman  - qui a toutefois intimidé l'autre, je suis obligé de le reconnaitre - disant : 'ils n'ont qu'à changer leur droit'. Ceci me choque et en tant que dirigeant, je ne veux choquer personne, je suis pour le respect des cultures, des civilisations, mais je ne vais pas changer mon droit parce qu'il choque ailleurs."

Après l'assassinat de Samuel Paty, il avait exprimé son soutien à la liberté de caricaturer. Son gouvernement avait lancé une série de procédures judiciaires et administratives contre des associations musulmanes françaises soupçonnées de complaisance avec l'islamisme radical. À la suite de quoi, le président turc Recep Tayyip Erdogan l'avait accusé de défendre le blasphème contre l'islam, et avait appelé au boycott des produits français. À l'instar de plusieurs pays musulmans.

Le combat de notre génération en Europe, ce sera un combat pour nos libertés
Emmanuel Macron, président de la République

Pour le président de la République, "c'est précisément parce que la haine est interdite dans nos valeurs européennes, que la dignité de la personne humaine prévaut sur le reste, que je peux vous choquer, parce que vous pouvez me choquer en retour. Nous pouvons en débattre et nous disputer parce que nous n'en viendrons jamais aux mains puisque c'est interdit et que la dignité humaine est supérieure à tout". Mais "nous sommes en train d'accepter que des dirigeants, des chefs religieux, mettent un système d'équivalence entre ce qui choque et une représentation, et la mort d'un homme et le fait terroriste - ils l'ont fait -, et que nous soyons suffisamment intimidés pour ne pas oser condamner cela", a poursuivi le chef de l'État.

"Ne nous laissons pas enfermer dans le camp de ceux qui ne respecteraient pas les différences. C'est un faux procès et une manipulation de l'Histoire", a assuré Emmanuel Macron. De ce fait, "le combat de notre génération en Europe, ce sera un combat pour nos libertés. Parce qu'elles sont en train de basculer", a-t-il averti dans ce long entretien accordé à la revue éditée par le Groupe d'études géopolitiques, une association indépendante domiciliée à l'École normale supérieure (ENS).

De nombreux journaux (...) légitiment ces violences
Emmanuel Macron, président de la République

Par ailleurs, le président Macron s'est plaint auprès du New York Times de la couverture par plusieurs médias de la langue de Shakespeare des récents attentats djihadistes en France, les accusant de "légitimer" la violence de par leur incompréhension du contexte français. "Lorsque la France avait été attaquée il y a cinq ans, toutes les nations du monde nous avaient soutenus", a-t-il déclaré, cité dans un article en version française du quotidien américain publié dimanche 15 novembre. "Et quand je vois, dans ce contexte, de nombreux journaux qui je pense viennent de pays qui partagent nos valeurs, qui écrivent dans un pays qui est l'enfant naturel des Lumières et de la Révolution française, et qui légitiment ces violences, qui disent que le cœur du problème, c'est que la France est raciste et islamophobe, je dis : les fondamentaux sont perdus", a ajouté le chef de l'État.

Dans le même article, le journaliste Ben Smith écrit qu'Emmanuel Macron accuse les médias anglophones, et américains en particulier, de chercher "à imposer leurs propres valeurs à une société différente". Il leur reproche, toujours selon Smith, de ne pas comprendre "la laïcité à la française - une séparation active de l'Église et de l'État qui date du début du XXe siècle".


La rédaction de TF1info

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