Les élus locaux peuvent-ils vraiment acheter des doses du vaccin russe Spoutnik V ?

Publié le 15 avril 2021 à 12h00, mis à jour le 15 avril 2021 à 15h26

Source : TF1 Info

CHACUN POUR SOI – Le maire de Nice et le président de la région PACA ont révélé avoir passé des accords pour acheter des doses du vaccin russe, autorisé ni en Europe, ni en France. En ont-ils le droit ?

Mise à jour du 15/04/2021 :

Renaud Muselier a annoncé ce mercredi 14 avril avoir précommandé 500.000 doses du vaccin Spoutnik V. Nous avons donc décidé de remettre en avant cet article publié deux semaines avant, lorsque Christian Estrosi avait confié en avoir fait de même.

C'est une petite phrase confiée à demi-mot par le premier. Assumée pleinement par le second. Évoquant la lenteur de la campagne vaccinale en France, Christian Estrosi affirmait, mardi 30 mars sur BFMTV vouloir recourir à "tout ce qui peut nous permettre de monter en puissance". Quitte à se procurer "ce vaccin utilisé dans 48 pays dans le monde" : le Spoutnik V. Interrogé pour savoir s'il avait d'ores et déjà passé des précommandes du vaccin russe, le maire de Nice avait alors déclaré qu'on "peut le considérer comme tel". Une méthode qui a plu à Renaud Muselier. Le président de droite de la région Paca a annoncé ce mercredi 14 avril avoir réalisé une précommande de 500.000 doses du vaccin. 

Des négociations légales

Pourtant, les deux élus Les Républicains savent bien qu'il ne leur appartient pas de négocier avec les laboratoires. La France a en effet fait le choix de la solution européenne pour être certaine de peser sur ce marché ultra concurrentiel. Or, en acceptant de se ranger derrière la Commission européenne, les États membres se sont engagés à ne mener aucune négociation parallèle. Seulement, cette obligation ne s'applique qu'aux "fabricants de vaccins avec lesquels des discussions sont en cours au niveau de l'UE", comme l'écrit la Commission sur son site. Spoutnik V n'en fait pas partie. 

La France ou une collectivité territoriale peuvent donc commercialiser avec tous les laboratoires qui ne sont pas en discussion avec la Commission. Si Bercy rappelle auprès de LCI que la compétence vaccinale est gérée par l'État, la municipalité est tout de même légitime sur ce dossier. Elle peut en effet invoquer la "clause générale de compétence", qui permet à une collectivité d'intervenir dans "toutes les matières qui présentent un intérêt public local". Christian Estrosi avait donc raison quand il soulignait sur BFMTV que, "comme il n'y a aucune commande européenne sur le Spoutnik V, ça veut dire que commercialement nous pourrions passer des commandes". 

Les choses sont toutefois plus compliquées pour Renaud Muselier. Les régions ne disposent en effet pas de cette clause. S'ils peuvent réaliser des appels d'offre, ils sont limités à leurs compétences. 

Illégal d'administrer le vaccin

Cela veut-il dire que ces élus pourront bientôt immuniser leurs administrés avec Spoutnik V ? Non, et on en est encore loin. Il y a une première limite, d'ordre technique, à cette éventualité. La production du vaccin. En effet, toutes les usines situées en Union européenne sont exclusivement dédiées aux contrats signés par la Commission européenne. Elles fonctionnent à plein régime "sept jours sur sept et 24 heures sur 24", d'après le Commissaire européen chargé des vaccins. Il est donc peu probable que l'une d'entre elles s'arrête pour fabriquer des produits pour la seule ville de Nice.

La deuxième limite est d'ordre légal. Il est pour le moment interdit aux soignants français d'administrer ce vaccin. Il n'a ni le feu vert de l'Agence européenne des médicaments, ni celui du régulateur français. Et les choses ne devraient pas changer avant l'été. Il faudra attendre au moins "la fin du mois de juin" avant d'être autorisé au sein de l'UE, a averti le secrétaire d'État français aux Affaires européennes. En effet, la première étape de l'examen, la "revue scientifique" ne s'écoulera pas avant la mi-juin, comme l'a précisé Clément Beaune devant la Commission des Affaires européennes du Sénat. Et ensuite "il y a une dernière étape […] qui prend encore quelques semaines". À cette échéance-là, les doses de vaccin devraient être moins rares qu'aujourd'hui. L'exécutif assure que "30 millions de personnes" auront été vaccinées d'ici la fin du mois de juin

Les élus ont donc le droit de précommander des doses. Mais ils auront du mal à les produire et il sera ensuite impossible d'immuniser les administrés au moins avant l'été. Seul intérêt : dans le cas où le régulateur européen puis français, venaient à donner leur feu vert. La région disposerait alors de quelques stocks d'avance. A condition que, comme ce fut le cas pour les masques, l'État ne décide de les réquisitionner dès leur réception. 

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Felicia SIDERIS

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