Municipales : pourquoi une nouvelle loi de report a été votée ce lundi ?

Publié le 8 juin 2020 à 15h54, mis à jour le 9 juin 2020 à 17h50
Le scrutin du second tour est prévu le 28 juin 2020.
Le scrutin du second tour est prévu le 28 juin 2020. - Source : DENIS CHARLET / AFP

ÉLECTIONS - Les députés ont adopté lundi un projet de loi permettant d'anticiper un nouveau report du scrutin si la situation épidémiologique le nécessitait. Une obligation juridique, alors que le Conseil scientifique devrait lever dans quelques jours les doutes sur l'organisation du second tour le 28 juin.

C'est un curieux objet juridique que les députés ont adopté lundi en première lecture. Le projet de loi "portant annulation du second tour" des élections municipales anticipe, comme son nom l'indique, un report et une annulation des deux tours du scrutin dans les quelque 5000 communes où un second tour devait être organisé pour désigner les nouvelles équipes municipales. Par un effet de cascade, ce report doit entraîner, via un projet de loi organique séparé, le report d'un an des élections sénatoriales prévues en septembre 2020.

Et pourtant : ce texte aux lourdes conséquences juridiques, qui devait être examiné mercredi au Sénat, a de bonnes chances d'être en grande partie caduque d'ici sept jours et de ne jamais être appliqué. La commission des lois au Sénat a d'ailleurs choisi, mardi, de supprimer purement et simplement "toutes les dispositions virtuelles du projet de loi qui n'ont pas vocation à entrer en vigueur". "Le Parlement n’a pas vocation à trancher des questions hypothétiques", a fait valoir le président LR de cette commission, Philippe Bas, dans un communiqué. 

Pourquoi ce texte ?

Le projet de loi en question concerne les 4855 communes où le premier tour organisé le 15 mars dernier n'a pas permis de désigner le nouveau conseil municipal, conduisant à un second tour. 

Annulé le 22 mars dernier en raison de la crise sanitaire, ce second tour doit être organisé le 28 juin. Une décision prise par le gouvernement sur la base des recommandations du Conseil scientifique du 19 mai dernier. Christophe Castaner a rappelé vendredi, devant les députés, que cette décision était "réversible", la situation sanitaire pouvant entraîner un nouveau report du scrutin. "Nous devons nous y préparer", a indiqué le ministre de l'Intérieur, "dans le cas où il y aurait une aggravation de la situation pandémique". 

Si le scrutin du 28 juin devait être à nouveau reporté, les autorités seraient contraintes d'annuler purement et simplement, par décret, les premiers et seconds tour dans les 4855 communes concernées. Le Conseil d'Etat a en effet rappelé dans son avis que "le principe constitutionnel de sincérité du scrutin exige que ne s'écoule pas entre les deux tours d'un même scrutin un délai de nature à fausser les termes du débat électoral". 

Le projet de loi prévoit donc l'hypothèse où les élections seraient annulées dans ces communes. Le premier et le second tour devraient alors être à nouveau organisés avant le mois de janvier 2021 dans les communes de plus de 1000 habitants. Dans celles de moins de 1000 habitants, le nouveau scrutin ne porterait en revanche que sur les sièges restés vacants après le premier tour. Le texte prévoit en outre de prolonger, le cas échéant, les mandats actuels des élus jusqu'aux prochaines élections. 

Un scénario qui s'éloigne

Ce projet de loi, bien qu'adopté, a toutefois de grandes chances de rester virtuel, comme l'affirment les sénateurs. Christophe Castaner a indiqué vendredi que la décision finale du maintien du second tour du 28 juin reposerait sur deux avis du Conseil scientifique. Dans le premier, rendu mardi 9 juin, les scientifiques estiment "ne pas avoir à apporter d'éléments de nature à modifier substantiellement l'avis rendu le 18 mai". Le second et ultime avis est attendu d'ici le 15 mai. 

Quatre semaines après le déconfinement du territoire, les indicateurs démontrent une diminution nette de l'épidémie, seuls trois territoires faisant encore l'objet d'une vigilance renforcée (couleur orange), l'Île-de-France, la Guyane et Mayotte. 

Sauf surprise, les options retenues courant mai ne semblent pas devoir être remises en cause, même si le virus continue de circuler. "La situation est sous contrôle", assurait ainsi ce week-end le président du Conseil scientifique Jean-François Delfraissy. "Profitons de ce moment où la France souffle. Laissons les choses s'ouvrir, les gens vivre, mais en respectant les mesures barrières", a également préconisé le scientifique. 

La possibilité d'une annulation localisée

En revanche, le projet de loi comprend également des scénarios beaucoup moins virtuels. Celui, principalement, où une situation épidémiologique très locale nécessiterait d'annuler le scrutin. Un amendement du gouvernement prévoit ainsi la possibilité "d'annuler le scrutin dans ces communes sans l'annuler sur le reste du territoire", a indiqué Christophe Castaner. 

La situation pourrait donc être évolutive dans certains départements. En Guyane, notamment, où un certain nombre de candidats et d'élus locaux ont d'ores et déjà demandé au Premier ministre un report du second tour, en raison de la dynamique de l'épidémie sur le territoire. 

Dans l'avis du Conseil scientifique rendu le 9 juin, les experts ont ainsi pointé la situation spécifique de Mayotte et de la Guyane, insistant sur "l'importance des risques particulièrement élevés associés à la campagne électorale qui précéderait le scrutin". 

En outre, le texte prononce le report des élections consulaires, qui concerne les Français de l'étranger, quelle que soit l'évolution de l'épidémie, en raison des incertitudes sur la dynamique du Covid-19 dans le monde. Ces élections, prévues en mai 2020, sont reportées à mai 2021 et leur organisation sera soumise à un nouvel avis scientifique. 


Vincent MICHELON

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