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Crise de l'énergie : l'Allemagne va-t-elle vraiment taxer les superprofits ?

Publié le 5 septembre 2022 à 16h41

Source : TF1 Info

La gauche s'est réjouie dimanche de la décision allemande de "taxer les superprofits".
Bruno Le Maire conteste, affirmant que la contribution voulue par Berlin "existe déjà en France".
Nous faisons le point sur la polémique.

Elle a acclamé la nouvelle quelques heures après son annonce. Ce dimanche 4 septembre, Manon Aubry s'est félicitée du choix de l'Allemagne "de taxer les superprofits". Fervente défenseure de cette mesure pour renflouer les caisses afin de protéger les Français de la hausse des prix de l'énergie, l'eurodéputée France Insoumise a directement épinglé Bruno Le Maire sur Twitter. "Une grande partie des pays du monde savent ce que sont les superprofits. Peut-être que vous pouvez leur passer un coup de fil", a ironisé l'élue de gauche. 

La réaction du principal intéressé ne s'est pas fait attendre. "Encore faux", a rétorqué le ministre de l'Économie. "L'Allemagne a décidé de mettre en place une contribution obligatoire des énergéticiens, qui existe déjà en France et qui rapporte plusieurs milliards d'euros", a-t-il répondu à peine trois heures plus tard. Pour lui, rien à voir avec une nouvelle taxe. Une position également transmise à la presse. Par un message notamment reçu par TF1info, Bercy a souligné que la proposition allemande ne relève "absolument pas" d'une nouvelle taxe. Alors, qui dit vrai ? Nous avons tranché.

Pas de taxe mais un "plafond de revenu"

Ce dimanche, l'Allemagne a en effet décidé d'un plan de 65 milliards d'euros pour amortir l'effet de l'inflation. Pour le financer, le gouvernement de coalition a effectivement soutenu une "contribution" des entreprises énergétiques, qu'il décrit comme un "prélèvement sur les bénéfices excédentaires".

Plus précisément, selon le document cité dans la presse allemande, les autorités souhaitent plafonner les prix de l'électricité produite par des producteurs qui ne dépendent pas du gaz. Comprendre qu'elle cible les entreprises qui vendent de l'électricité à partir des énergies renouvelables, du nucléaire ou du charbon, tout en le proposant au prix du gaz, qui détermine le cours de l'électricité. "S'il s'avère que certaines entreprises réalisent d'importants bénéfices aléatoires en liant le prix du gaz à celui de l'électricité, le gouvernement veut prélever ces bénéfices et les utiliser pour alléger la facture des consommateurs d'électricité", a par exemple écrit Süddeutsche Zeitung.

Des "prélèvements sur les bénéfices aléatoires", certes. Mais qui ne relèvent "pas du droit fiscal", comme le martèle depuis plus de 24 heures le ministre des Finances. Sur Twitter, l'élu libéral Christian Lindner a en effet déminé le sujet dès dimanche. "Il n'y a pas d'impôt sur les bénéfices excessifs" mais une "intervention dans les règles du marché", a-t-il écrit, rappelant que les consignes actuelles "conduisent à des bénéfices paradoxaux". "Le vent ne devrait pas être payé comme s'il s'agissait de gaz." Un argument asséné à longueur de publication. "Le frein au prix de l'électricité ne concerne pas le bénéfice d'une entreprise !", a-t-il encore souligné ce lundi

Le mot "taxe" n'est donc pas employé, le gouvernement préférant réguler ce marché en instaurant un "plafond de recettes" imposé aux entreprises du secteur énergétique. Une mesure qui "soulève encore des questions", comme le souligne la presse allemande.

Une stratégie présente en France

Reste que, en l'état, cette stratégie ressemble effectivement à celle adoptée par la France dès cet été, grâce à un article du code de l'Énergie. Voté en 2016, dans le cadre des "dispositions particulières à l'électricité produite à partir d'énergies renouvelables", ce texte visait initialement à soutenir les entreprises de la transition énergétique. L'article prévoyait que, lorsque le coût de production pour un producteur d'électricité était plus élevé que le prix de vente de l'électricité, l'État venait compenser la différence.

 

Mais avec des prix de l'électricité - alignés sur le gaz - qui n'ont cessé de grimper, c'est l'effet inverse qui s'est produit. Le coût de production de ces entreprises est devenu beaucoup moins élevé que le prix de vente. Dès lors, l'État a souhaité échanger les rôles. Et récupérer la différence. Ce qu'il a fait via l'article 38 du projet de loi de finances rectificative pour 2022, voté le mois dernier. 

Le texte prévoit en effet que désormais, lorsque "le tarif de référence utilisé pour le calcul du complément de rémunération est supérieur ou égal" à un prix seuil déterminé par arrêté, alors le producteur est "redevable de la somme correspondante". Comprendre par là qu'effectivement, lorsque les tarifs d'un fournisseur alternatif sont supérieurs à un prix seuil, ils sont redevables des bénéfices à l'État, "par l'intermédiaire" d'EDF. Une loi votée avec un effet rétroactif : cette mesure est valable pour toutes les recettes réalisées depuis janvier 2022.

DÉCRYPTAGE - Pourquoi Élisabeth Borne n'exclut-elle pas la taxation des super profits ?Source : JT 20h WE

En résumé, comme l'a souligné Bercy auprès de TF1info, les mécanismes entre les deux pays "ne sont pas forcément les mêmes, mais la logique elle, l'est". Le producteur d'électricité a pour obligation de payer à EDF la différence entre le prix seuil de production et son prix de vente. Comme pour les Allemands, cette mesure ne relève en rien de la fiscalité. Reste que le choix d'une taxe sur les superprofits a bel et bien été adopté par au moins cinq de nos voisins, et est actuellement en discussion en République Tchèque.

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Felicia SIDERIS

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