Cyberharcelée, Alice Coffin annonce "avoir porté plainte" et pointe du doigt le rôle de "certains élus"

Propos recueillis par Justine Faure
Publié le 28 juillet 2020 à 17h22, mis à jour le 28 juillet 2020 à 17h59
Alice Coffin
Alice Coffin - Source : Joséphine Brueder / Ville de Paris

INTERVIEW - En réclamant la démission de Christophe Girard, refusant de lui rendre hommage au Conseil de Paris, et s'attirant les foudres d'Anne Hidalgo, l'élue EELV du 12e arrondissement Alice Coffin a fait une entrée remarquée en politique. Auprès de LCI, elle évoque le cyberharcèlement dont elle a été victime ce week-end suite à la résurgence d'une vidéo d'elle datant de 2018 et ses engagements.

Alice Coffin a été élue conseillère de Paris sur la liste EELV dans le 12e arrondissement le 28 juin dernier. A 42 ans, la journaliste, militante féministe et lesbienne, goûte à la politique sans se défaire de son activisme. Avec l'élue verte Raphaëlle Rémy-Leleu, elle est à l'origine du rassemblement du 23 juillet réclamant le départ de Christophe Girard, entendu comme témoin en mars dernier dans l'enquête pour "viols sur mineurs" visant l'écrivain Gabriel Matzneff. 

Cet engagement lui vaut de s'attirer les foudres de la maire de Paris, qui a annoncé avoir porté plainte pour "les graves injures publiques qui ont été dirigées contre la mairie de Paris" au cours de ce rassemblement. Selon Anne Hidalgo, par son soutien et sa responsabilité dans cet événement, Alice Coffin s'est placée d'elle-même "en dehors de la majorité municipale et des valeurs qui nous rassemblent"

Le vendredi 24 juillet, la cofondratrice de l'association des journalistes LGBT (AJL) se fait également remarquer sur les réseaux sociaux après la publication d'une vidéo montrant son refus de rendre hommage à Christophe Girard. Alors que le préfet de police de Paris propose aux élus d'applaudir l'ancien adjoint, elle hurle "la honte, la honte, la honte". Dans la foulée, une vidéo d'elle datant de 2018 où elle déclare notamment "Ne pas avoir un mari, ça m’expose plutôt à ne pas être violée, ne pas être tuée, ne pas être tabassée" resurgit sur les réseaux sociaux : à partir de là, l'élue est cyberharcelée tout le week-end, à coup de nombreuses insultes lesbophobes et sexistes. 

Pour LCI, Alice Coffin a accepté de revenir sur cette séquence et évoque les sujets qu'elle veut porter sur le devant de la scène au cours de son mandat.

LCI : Mediapart révèle ce mardi que la Ville de Paris a découvert l'existence de trois notes de frais engagées par Christophe Girard pour des repas avec Gabriel Matzneff, entre 2016 et 2019. Qu'est-ce que cela vous inspire ?

Alice Coffin : Je n’avais pas besoin de davantage de documents pour trouver la nomination de Christophe Girard révoltante. Mais c’est extrêmement salutaire que le travail journalistique ait peut-être permis de convaincre des personnes qui ne l’étaient pas encore.

La réaction d’Anne Hidalgo à votre encontre vous attriste-t-elle ?

La maire de Paris et d’autres élus ont décidé de nous isoler, Raphaëlle Rémy-Leleu et moi ; de nous désigner comme les deux vilaines, les deux méchantes. C’est grave de faire cela envers des conseillères déjà soumises à des attaques parce que féministes, et en ce qui me concerne parce que lesbienne. Ce n’est pas responsable d’agir ainsi.

"J'ai déposé plainte"

Ce week-end, vous avez été la cible de cyberharcèlement, suite à la republication d’une vidéo de vous datant de 2018. Avez-vous porté plainte et accepté la protection policière qui vous a été proposée ?

Je ne suis pas encore sous protection policière, mais j'en ai accepté le principe. Et oui, j'ai déposé plainte. Une plainte dans laquelle je mentionne le rôle joué par certains élus dans le cyberharcèlement dont j'ai été victime.  

Quels sujets souhaitez-vous porter ces prochains mois au Conseil de Paris ?

Lors de ma première intervention, j’ai demandé que les subventions publiques accordées aux institutions culturelles le soient désormais en fonction de critères féministes. Il ne faut plus donner d’argent public à des théâtres, des musées, des orchestres qui ne présentent que des œuvres signées par des hommes. 

Je suis également préoccupée par la faiblesse du journalisme sur les questions parisiennes et franciliennes. Les arrondissements parisiens équivalent en nombre d’habitants à des villes dont l’actualité est traitée quotidiennement dans des journaux locaux. Or le déficit d’information a des conséquences très graves sur le bon fonctionnement des relations politiques et sociales d’un territoire. Je veux donc mener des projets pour y remédier.

"Je suis sidérée par le caractère corseté et prudent des conversations" politiques

Vous avez raconté être allée à une réunion du Parti socialiste il y a quelques années et avoir trouvé ça ennuyant. Comment rendre la politique plus attractive ?

J’ai la plus grande admiration pour les personnes qui décident de consacrer une partie de leur temps à des réunions politiques. Mais j’ai l’impression que les politiques ont peur de perdre leur titre, que leurs propos soient déformés, se retournent contre eux ; du coup ils ne disent plus rien. Cela est notamment dû à la manière dont se pratique un certain journalisme politique. Les mots sont vraiment vidés de sens en politique et je suis sidérée par le caractère corseté et prudent des conversations. 

Quelle est votre vision du féminisme ? Qui vous a inspiré ?

Mon féminisme est un activisme. J’ai été inspirée autant par le mouvement de libération des femmes (MLF) que le Combahee River Collective, un collectif de lesbiennes noires.


Propos recueillis par Justine Faure

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