DÉROULEMENT - Le claquement de porte du ministre de la Transition écologique a pris tout le monde de court, y compris lui-même, semble-t-il, puisqu'il ne pensait pas annoncer sa démission, mardi 28 août sur France Inter... même si la décision semblait déjà formulée dans sa tête.
La démission de Nicolas Hulot avait tout d'une arlésienne, cette figure de la littérature dont on parle sans cesse sans qu'elle n'arrive. Le ministre lui-même avait contribué à cette image, dispensant à intervalles réguliers des interviews où il partageait ses incertitudes sur l'utilité de sa présence au gouvernement, quand ce n'étaient pas des bruits de couloirs qui rapportaient son spleen et les cajoleries déployées par Edouard Philippe ou Emmanuel Macron pour le faire rester à son poste.
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La goutte d'eau de la chasse
En annonçant son départ sur les ondes de France Inter, mardi 28 août, Nicolas Hulot a apporté la preuve que l'ivresse du pouvoir gouvernemental ne l'avait pas atteint et qu'il existait bien, dans la politique globale et dans certaines mesures du gouvernement, de quoi le faire sortir de ses gonds. L'origine de sa démission, la goutte d'eau qui a fait déborder le vase, reste de son côté assez floue. S'agit-il de cette réunion catastrophique avec les chasseurs, la veille à l'Elysée, d'où les représentants étaient repartis avec un prix du permis de chasse divisé par deux ? Ou le ras-le-bol était déjà latent et n'attendait plus qu'une nouvelle étincelle ?
Alors que les rédactions bruissaient des rumeurs sur une réunion où de nombreux désaccords avaient fait achopper le ministre et les autres participants, lui-même l'a confirmé ce mardi sur France Inter : "On avait une réunion sur la chasse. J'ai découvert la présence d'un lobbyiste qui n'était pas invité à cette réunion. Et c'est symptomatique de la présence des lobbies dans les cercles du pouvoir. Il faut poser ce sujet sur la table parce que c'est un problème de démocratie." Le lobbyiste en question, c'est Thierry Coste, qui s'est vu dire par Nicolas Hulot "qu'il n'avait rien à faire là". Interrogé par LCI, 'lintéressé s'est défendu : "On ne rentre pas à l'Elysée par effraction. Je crois rêver ! Pourquoi on a eu un dialogue de deux heures, pourquoi on s'est serré la main quand il est parti ? [...] Je suis désolé mais c'est un prétexte, c'est pas très courtois parce qu'il n'a prévenu personne. [...] Je ne suis pas sûr que la chasse soit la goutte d'eau."
Une version démentie par les autres participants à la réunion. "Il nous a expliqué que, quand il a demandé à Emmanuel Macron pourquoi ce lobbyiste était là, Emmanuel Macron lui a dit qu'il ne comprenait pas comment il était rentré. Sa colère était perceptible, sa tristesse, même, pendant l'interview et même avant", raconte l'éditorialiste de France Inter Thomas Legrand. Et l'Elysée dans tout ça ? "Ce n'est pas l'Elysee qui choisit les lobbyistes qui accompagnent les associations", balaie le château auprès de LCI, s'empressant de préciser : "Ces décisions sont prises au nom de l'intérêt général, pas pour faire plaisir aux lobbies."
Une décision brutale, mais depuis longtemps annoncée
Goutte d'eau, catalyseur... la décision de Nicolas Hulot semblait toutefois prise et n'a fait qu'être précipitée par cette réunion élyséenne. "Ne pensons pas que ma décision vient d'un différend sur la réforme de la chasse", confirme-t-il d'ailleurs à France Inter. Une précision qui prend tout son sens au regard des convictions profondes de Nicolas Hulot qui, avant son entrée au gouvernement, n'avait de cesse de critiquer le modèle productiviste qui régit les économies à travers le monde. Au cœur de l'été, auprès de Libération , il avait ainsi eu ce regret que ni Edouard Philippe, ni Emmanuel Macron ne mesuraient les origines de nos problématiques climatiques : "Ça me fait chier, ils n'ont toujours pas compris l'essentiel. Le problème, c'est le modèle. Cela me fait penser à cette phrase de Bossuet : 'Nous nous affligeons des effets mais continuons à adorer les causes.'" Ce qu'il répétera peu ou prou sur Inter, après avoir toutefois repris le poil de la bête après la décision judiciaire contre Monsanto : "Je me surprends tous les jours à m'accommoder des petits pas alors que la situation mérite qu'on change d'échelle. [...] Je ne veux pas donner l'illusion que ma présence au gouvernement signifie qu'on est à la hauteur sur ces enjeux-là."
Quand Nicolas Hulot a-t-il pris sa décision ? "Hier soir", répond-il à Léa Salamé et Nicolas Demorand. Ce qui ne veut pas dire qu'il avait l'intention d'en faire part ainsi lors de l'interview. Thomas Legrand, en studio avec eux, précise pourtant qu'"en prenant un café ce matin avant l'émission, on l'a senti très en colère, mais à aucun moment il ne nous a dit qu'il voulait nous annoncer sa démission. [...] Quand il est rentré dans le studio, il a répondu aux questions, et puis il a annoncé sa démission. Son entourage était surpris. En le raccompagnant à l'ascenseur, il m'a dit qu'il n'avait pas prévu, qu'il ne savait pas encore en rentrant dans le studio s'il allait annoncer sa démission."
La surprise a été énorme, notamment pour ses collègues de "corvée" de matinales dans le même temps. Marlène Schiappa a marqué un temps d'arrêt sur Radio Classique, demandant à Guillaume Durand : "C'est une plaisanterie ?" Et Benjamin Griveaux, sur BFM, a été pris de court par Jean-Jacques Bourdin, regrettant "le manque de courtoisie" de leur ex-collègue.
Autant dire que l'idée de prévenir Emmanuel Macron et Edouard Philippe, comme cela lui a été reproché par des membres de la majorité, ne risquait pas de traverser l'esprit de Nicolas Hulot.
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