CRISE - La démission du chef d'état-major des Armées, Pierre de Villiers, a suscité mercredi matin une pluie de critiques contre Emmanuel Macron, qui l'avait rappelé à l'ordre dans une polémique sur le budget de la Défense. Autorité ou "autoritarisme", juste mesure ou décision arbitraire ? Le chef de l'Etat affronte sa première grande crise politique.
Depuis l'annonce de sa démission, c'est un concert de louanges qui accompagne le général Pierre de Villiers, désormais ex-chef d'état-major des Armées, en conflit ouvert avec Emmanuel Macron à propos du gel des 850 millions d'euros promis au ministère de la Défense. Des louanges qui s'accompagnent très logiquement, dans l'opposition, d'une nuée de critiques contre Emmanuel Macron, qui a précipité la démission du général en le recadrant sévèrement après la "fuite" d'une audition de ce dernier à huis-clos devant les députés.
Emmanuel Macron a-t-il commis une erreur politique ou bien réaffirmé de façon salutaire l'autorité de chef de l'Etat ? Si les critiques l'emportent largement, plusieurs types d'arguments affleurent, pour ou contre l'option prise par le Président.
- Qui est Pierre de Villiers, le chef d'état-major des armées dont la démission a été acceptée par Macron ?
- Après sa brouille avec Macron, le chef d'état-major des armées Pierre de Villiers démissionne
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Un geste d'autorité
En recadrant durement son chef d'état-major des armées, le 14 juillet, Emmanuel Macron a rappelé, selon ses partisans, le rôle dévolu par l'article 15 de la Constitution au chef de l'Etat, qui est lui-même le chef des armées, et la nécessité pour les militaires de s'en tenir à leur devoir de réserve. "Je suis votre chef", avait-il notamment fait valoir sur un ton glacial, devant les caméras. "Il y a des moments où l'on doit se taire. L'armée se taisait trop, maintenant elle parle trop", avait ainsi estimé peu après la députée LREM de l'Eure Claire O'Petit, en soutien au chef de l'Etat. "Il n'y a pas de syndicalistes dans l'armée."
A l'Elysée, on rappelait mercredi "qu'il ne peut y avoir de désaccord public" entre le chef de l'Etat et le patron des armées. "Le président de la République a tenu à rappeler qu'il était le chef des armées, et le chef des armées n'est pas sous l'influence de qui que ce soit", soutenait ces dernières heures le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner. Une clarification rapide qui, au-delà de la crise consécutive à cette démission, pourrait permettre au chef de l'Etat de s'épargner à l'avenir de nouvelles frondes publiques au sein de la Défense.
Assumer une crise dès le début du mandat
Autre atout de cette crise qui intervient dès le début du quinquennat d'Emmanuel Macron : ouvrir tout de suite un débat sur les moyens dévolus à la Défense, et non attendre l'heure du bilan. "La démission du chef d'état-major des armées est une décision courageuse mais surtout utile car elle va permettre d'ouvrir le débat nécessaire sur le financement de nos armées", constatait ainsi, mercredi, le député LR François Cornut-Gentille, rapporteur des crédits de la Défense à l'Assemblée nationale. "La question n'est pas de savoir qui est le chef mais si les moyens opérationnels sont conformes aux objectifs politiques. Loin d'être polémique, ce débat, trop longtemps occulté, est indispensable et digne en démocratie."
Malgré le gel brutal des 850 millions d'euros promis cette année aux armées, Emmanuel Macron sait qu'il est attendu, au cours du quinquennat, sur son engagement de campagne de porter à 2% du PIB le budget de la Défense en 2025 (contre 1.8% actuellement) dans le cadre de la prochaine loi de programmation 2019-2025. Un engagement d'autant plus surveillé que les ressources de la Défense ont régulièrement été amputées au cours des mandats de ses prédécesseurs.
Je me suis engagé à ce que le budget de la Défense soit progressivement porté à 2% du PIB. #LaFranceEnMarche — Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 4 février 2017
"Cette démission n'est qu'une première étape du point de vue budgétaire", a ainsi estimé sur LCI le colonel Jean-Luc Cotard, consultant militaire. Or, dans cette perspective, mieux vaut annoncer le plus dur en début de mandat, au moment où le président doit tenir un autre engagement, celui de maintenir la barre des 3% de déficit malgré "l'insincérité du dernier budget de François Hollande", selon les termes de Philippe Folliot, député LREM du Tarn et membre de la commission de la Défense.
Le risque d'une crise d'autorité
Conséquence inverse et beaucoup plus préjudiciable pour le président de la République : le risque, par cette démontration d'autorité, d'affaiblir justement son autorité. Une critique largement relayée mercredi dans les rangs de l'opposition et au-delà. "Le président de la République s'est mal comporté", estimait ainsi auprès de LCI Daniel Fasquelle, député LR du Pas-de-Calais. "Il n'a pas été à la hauteur de la fonction présidentielle avec cet excès d'autoritarisme. On n'humilie pas ainsi le chef d'état-major de nos armées dans le contexte actuel."
"Humilier devant ses troupes un homme comme le général de Villiers n'est pas digne d'un vrai chef des Armées", a également tancé la présidente du FN, Marine Le Pen, dans un communiqué. "Le chef de l'Etat n'a pas vocation à être un monarque boursouflé", a jugé, de son côté, le député LFI Alexis Corbière, qui siège au sein de la commission qui a auditionné le général Pierre de Villiers.
L'ancien ministre de la Défense Gérard Longuet a, de son côté, a avancé auprès de LCI l'argument de l'inexpérience d'Emmanuel Macron. "Le jeune Président n'a pas encore d'expérience sur la question militaire [...] L'autorité est de l'autoritarisme lorsqu'il n'y a pas de cohérence, d'affichage du projet et des moyens alloués. On ne s'improvise pas Président, il y a toujours une période d'apprentissage. Plus elle est courte, mieux la France se porte".
Le risque d'une crise de confiance
Avec le départ de Pierre de Villiers, personnalité très reconnue au sein de la Défense, Emmanuel Macron s'expose aussi à une crise de confiance durable rappelant celle qu'avait connue Nicolas Sarkozy en 2008, lorsque des militaires avaient publié une tribune anonyme pour protester contre les restrictions budgétaires imposées.
"Le coup porté à la Défense par le Président est très grave parce que le lien de confiance entre le chef des armées et ses armées est fondamental", jugeait ainsi, sur LCI, le général Vincent Desportes, enseignant à Science Po. "L'institution militaire est choquée et stupéfaite d'avoir vu le meilleur d'entre nous poussé à la démission."
"Les belles images du début ont été gâchées par cette opération", juge également sur LCI le général Dominique Trinquand, ex-chef de mission militaire à l'ONU, pointant aussi la responsabilité "des députés qui ont fait fuiter en commission" les propos du chef d'état-major, ce qui a déclenché la crise.
Sur ce plan, le débat budgétaire, même favorable à la Défense, risque de ne pas suffir. Emmanuel Macron devra retisser les liens de confiance avec ses armées. Un premier signe en ce sens a été donné mercredi : la nomination de François Lecointre, militaire reconnu, en remplacement de Pierre de Villiers.
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