Deux ans de Manuel Valls à Matignon : sa rupture avec "l'autre" gauche en six étapes

Publié le 31 mars 2016 à 17h08
Deux ans de Manuel Valls à Matignon : sa rupture avec "l'autre" gauche en six étapes

DIVORCE - Manuel Valls a été nommé à Matignon il y a tout juste deux ans. Le bilan du Premier ministre est marqué par de profondes ruptures au sein de la gauche, tant sur les réformes économiques que sur les mesures symboliques. On récapitule.

► 31 mars 2014 : ça commence mal
Sur fond d'élections municipales catastrophiques pour la gauche, Manuel Valls, ministre de l'Intérieur, est nommé à Matignon à la place de Jean-Marc Ayrault. Juste après l'annonce de sa nomination par François Hollande, à 20 heures, les ministres écologistes Pascal Canfin et Cécile Duflot expliquent qu'ils "n'entendent pas participer" à un gouvernement dirigé par Manuel Valls, auxquels ils s'opposaient sur de multiples sujets au sein du gouvernement précédent.

La nomination de l'ex-ministre de l'Intérieur crée aussi des remous au sein du PS. "Valls est celui, sur le papier, qui s'éloigne le plus de la ligne que nous souhaitons", explique par exemple le député Jérôme Guedj. La feuille de route du nouveau chef du gouvernement prévoit notamment de relancer l'économie au moyen du "Pacte de responsabilité", qui inclut des réductions de charges pour les entreprises.

► Avril 2014 : le Pacte de responsabilité, première rupture
Le nouveau chef du gouvernement est chargé de poursuivre le chantier annoncé en décembre 2013 par François Hollande pour relancer l'économie. Le Pacte de responsabilité vise à baisser le coût du travail pour les entreprises pour (tenter de) relancer l'emploi, à réduire la fiscalité des entreprises et des ménages. Une partie de la gauche dénonce des cadeaux massifs sans contrepartie aux entreprises.

Lors du vote, en avril, le texte est adopté, mais au prix des premières "frondes" au sein du PS : onze députés PS s'abstiennent après le discours de politique générale du Premier ministre. Le dispositif coûtera 24 milliards en 2015, et 33 milliards en 2016. Il n'aurait permis de créer que 80.000 emplois sur l'année 2015, selon un bilan réalisé par l'Insee. Courant avril, la "fronde" de l'aile gauche du PS contre la politique du gouvernement Valls va s'amplifier, avec " l'appel des 100 " qui critique le plan d'économie de 50 milliards d'euros sur la période 2015-2017, l'assimilant à une politique d'austérité.

► Août 2014 : les ministres démissionnaires
Le ministre de l’Economie, Arnaud Montebourg, s'en prend, lors de la Fête de la Rose, en août 2014, aux choix budgétaires du gouvernement et à la "réduction à marche forcée des déficits". Il reçoit le soutien de Benoît Hamon, ministre de l’Education nationale, et d'Aurélie Filippetti, ministre de la Culture. Leur sortie commune provoque la démission du gouvernement et la formation d'un nouvel exécutif expurgé des représentants de l'aile gauche du PS. Arnaud Montebourg sera remplacé par l'ex-banquier Emmanuel Macron, symbole du tournant "social-libéral" du quinquennat de François Hollande et du divorce au sein de la gauche socialiste. Lors du vote de confiance du 16 septembre, le groupe socialiste compte 31 abstentionnistes .

Février 2015 : la loi Macron
La loi "pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques", dite loi Macron, est la réforme qui va précipiter la rupture entre Manuel Valls et la gauche du PS. Extension du travail dominical et de nuit, libéralisation des lignes d'autocars, libéralisation des professions réglementées, de nombreuses mesures sont fortement contestées à gauche. "Si vous reprenez la position du PS, et les 60 propositions de François Hollande (en 2012), c'est nous qui sommes respectueux de la ligne du parti, et Manuel Valls qui est illégitime", justifie alors Christian Paul, l'un des chefs de file des frondeurs. Entre février et juillet 2015, Manuel Valls, mis en minorité par la défection de ces députés PS, aura recours à trois reprises au "49.3" , l'article de la Constitution qui permet l'adoption sans vote d'un texte, pour faire passer la loi Macron.

Novembre 2015 : la déchéance de nationalité
La mesure a été annoncée par François Hollande, le 16 novembre 2015, mais c'est bien Manuel Valls qui l'a portée à l'Assemblée nationale puis au Sénat, affichant pendant quatre mois sa ferme résolution à faire adopter cette très symbolique réforme constitutionnelle étendant la déchéance de nationalité aux auteurs binationaux d'actes terroristes. Les violents débats au sein de la gauche vont s'illustrer à travers le conflit ouvert entre Manuel Valls et Christiane Taubira, l'icône de cette "autre gauche", jusqu'au départ celle-ci du gouvernement fin janvier 2016 . François Hollande a finalement annoncé, mercredi, le retrait de la réforme constitutionnelle. "La petite politique politicienne a eu raison de la grande", concluait, amer, le Premier ministre ce jeudi.

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► Février 2016 : la loi Travail
Huit mois après l'adoption compliquée de la loi Macron, Manuel Valls bombarde à nouveau la gauche avec son projet de réforme du Code du travail. Un texte vite rejeté par une partie de sa famille politique, qui dénonce notamment l'assouplissement des 35 heures ou le plafonnement des indemnités de licenciement. Il faut dire que Manuel Valls a curieusement amorcé les débats, en brandissant d'emblée la menace d'un nouveau "49.3" à travers les propos de sa ministre Myriam El Khomri. Au point d'être recadré par François Hollande. Bilan : des mouvements sociaux à répétition, une pétition hostile qui cumule 1,3 million de signatures et un texte qui n'a pas encore trouvé de majorité au Parlement.


Vincent MICHELON

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