Deuxième krach en une semaine : mais pourquoi ne ferme-t-on pas les bourses mondiales ?

Publié le 16 mars 2020 à 21h51, mis à jour le 17 mars 2020 à 14h58
Deuxième krach en une semaine : mais pourquoi ne ferme-t-on pas les bourses mondiales ?

EN QUARANTAINE ? - Une chute de - 13% à Wall Street, - 5,75% à Paris. Les bourses mondiales ont à nouveau dévissé lundi pour la seconde fois en une semaine. Mais pourquoi, en cette période de crise planétaire, les places financières ne sont-elles pas fermées ? Un expert financier nous éclaire.

C'est un second krach boursier en moins d'une semaine : les places boursières ont dévissé une à une ce lundi, de façon affolante. À Paris, le CAC a abandonné encore 5,75% lundi après avoir perdu -12,3% jeudi dernier, plus grosse chute de son histoire. A Wall Street, la dégringolade est encore pire : - 13%. Les plus grandes banques centrales au monde ont beau avoir multiplié les annonces au cours des dernières 24 heures pour tenter de rassurer le monde financier, les craintes d'une récession brutale dans de nombreux pays liées au coronavirus demeurent trop fortes. Ne faudrait-il pas, comme le préconisent de nombreux investisseurs, mettre les marchés financiers en quarantaine pour enrayer cette spirale infernale ?

"Ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on fait baisser la fièvre", assure Jacky Ouziel, expert financier contacté par LCI*. "En temps de crise sanitaire, il serait effectivement plus sage de tout fermer. Mais cette perspective se révèle extrêmement compliquée. Par exemple, la décision de fermer la bourse de Paris ne se fait pas au niveau national - elle exige une coordination pan-européenne a minima - et l'on sait trop bien, par ailleurs, que les bourses, en terme de financement, de cotation, de valeur..,. recèlent des conséquences s'exprimant sur l’ensemble de l’économie et pourraient parfaitement faire dégringoler une devise comme l’Euro."

La fermeture complète des bourses mondiales serait une option pour le moins radicale. Aux Etats-Unis, lorsque l'action chute, le système des bourses autorise une marge permettant de suspendre et de rallumer le compteur. Des "coupe-circuit", comme on les appelle dans le jargon boursier : "Si l'action continue de dévisser, on arrête les cotations dans la journée pour éviter qu'elle tombe trop bas. Des systèmes 'switch on' / 'switch off' permettant de maîtriser l’outil" poursuit l'expert. Plus que de fermeture des bourses, on parle alors de suspension : "On ferme provisoirement, comme lorsqu’on arrête un robinet pour éviter la fuite." 

"Débrancher les marchés"

A la question de savoir "qui décide finalement de "débrancher les marchés" afin que les investisseurs puissent "reprendre leurs esprits", pour reprendre l'expression de Jean-Claude Trichet alors président de la BCE pendant la crise financière de 2008, la réponse s'avère éminemment politique : "En France, ce ne sont pas les responsables de Euronext ou de l’AMF qui peuvent prendre la décision de suspendre les marchés, c'est l’Etat qui chercherait en réalité à imposer la fermeture pour éviter des mouvements de capitaux. La dernière fois où cela s'est produit en France, c'était entre le 21 mai et le 8 juin 1968, en pleine crise sociale. La bourse appartient à la banque centrale, c’est-à-dire au pouvoir politique du pays et c’est pour cette raison qu’on ne peut pas fermer les bourses mondialement."

Ces prochaines jours, les banques centrales vont devoir prendre des mesures et la France a déjà commencé
Jacky Ouziel, expert financier

Les bourses de chaque pays fonctionnent ainsi différemment : "Des pays comme le Japon ou la Chine réinjectent un maximum de liquidité par leur banque centrale pour éviter que leur monnaie, respectivement le Yen et le Yuan, dégringole. Car, si c'est le cas, la gravité au sens propre et figuré du terme, s’accélère, entrainant des dégâts considérables. Les Etats-Unis, eux, se moquent d’être en déficit de 3%, ils vivent au crochet du monde", constate notre expert. "Leur économie est financée par des pays avec lesquels ils font du business comme le Japon et la Chine, des pays n'ayant aucun problème avec leur banque centrale. En ce qui concerne l’Europe, la décision de fermer les bourses doit être collective et ce n'est pas facile d’avoir l’unanimité d'autant que prendre une telle décision aura des conséquences inéluctables, sur les taux à long terme, sur la confiance dans un pays dans sa monnaie, dans son régime politique. C’est pourquoi il faut savoir raison garder. Les politiques de chaque pays doivent se concerter pour freiner l’hémorragie, "car la conséquence directe d'une telle prise de décision sera la chute de la monnaie. De quoi créer une panique bien plus grave que la fermeture des bourses".

Certes, mais vu la progression de la pandémie du coronavirus, peut-on sérieusement l'envisager ? "Ces prochains jours, les banques centrales, quel que soit le pays ou la zone géographique concernée, vont devoir prendre des mesures et la France a déjà commencé", assure-t-il. "Tout est lié et ce n’est pas pour rien si l’Etat français a assuré en substance "quoi qu'il en coûte, on réinjectera des liquidités pour sauver l'économie française" : sans ces liquidités, des milliers d’entreprises risqueraient de disparaître entraînant dans leur chute des hommes et des femmes avec des risques dignes d'un vrai krach boursier comme en 1929."

*Co-auteur de "Valoriser le capital immatériel des entreprises innovantes" (RB éditions)


Romain LE VERN

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