Sur Twitter, des internautes s’alarment d’une prétendue fraude qui surviendrait lors du scrutin d'avril.Selon eux, Gérald Darmanin aurait confié l’organisation du vote au logiciel américain Dominion.Une rumeur qui n’est pas nouvelle, ravivée par la guerre entre la Russie et l'Ukraine mais qui est toujours aussi fausse.
A J-22 de l’élection présidentielle, les compteurs s’affolent et les rumeurs vont bon train. Parmi les sujets les plus discutés du Twitter français ces derniers jours, on pouvait retrouver "Dominion", du nom de ce logiciel utilisé sur les machines de vote américaines, aux élections de 2020. Un sujet qui a visiblement passé les frontières pour se transposer à la politique française.
Cela fait plusieurs jours que des internautes voient dans ce logiciel un risque de fraude au scrutin d’avril. Les tweets les plus repris font tous état d’un appel du gouvernement français aux services de Dominion pour l’organisation prochaine du vote. "G. Darmanin a confirmé la société Dominion pour compiler les résultats de l’élection 2020 la même qui est accusée aux USA d’avoir manipulé les votes lors de la dernière élection en faveur de Biden. V. Poutine va-t-il lâcher avant avril les infos qu’il a sur l’élection 2017 ?", s’interroge un internaute le 18 mars, en reprenant un prétendu verbatim du Kremlin.
Un premier tweet datant du 9 mars...
Un autre s’indigne le même jour : "Le fait que le sinistre Darmanin fasse appel au logiciel américain Dominion pour comptabiliser les votes de la Présidentielle 2022, et demande de suite à Twitter d’invisibiliser les Tweets qui en contesteront le résultat, en dit long sur la méga-fraude qui se trame… #Dictature". Un tweet fait même référence à une citation qui émanerait du porte-parole du Kremlin, Dmitry Peskov et prononcée le 17 mars : "Les officiels français ont confié à Dominion le soin de truquer l’élection, ce sera massif, nous le savons, tout le monde le sait (…) nous ne reconnaitrons aucun gagnant". Or, celle-ci a l’air montée de toute pièce : nous n’avons pas trouvé de traces de cette déclaration, ni à la date mentionnée, ni à une date récente. Aucun article de la presse russe comme française n’en fait mention, seul ce tweet y fait allusion.
Par ailleurs, des messages récents et antérieurs au 17 mars font référence à Gérald Darmanin et au logiciel Dominion. Le premier tweet à avoir évoqué cette rumeur semble être le suivant : "M[a]cron a déjà contacté Dominion société spécialisée en truquage d’élections…. Notre Présidentielle sera-t-elle un remake de ce qui s’est passé aux USA ?", écrit le 9 mars cet internaute aux 11.600 abonnés, qui se présente comme le père d'une victime du Bataclan et qui semble soutenir Éric Zemmour. Depuis, il comptabilise plus de 500 retweets et de 800 likes.
...et dès janvier sur des sites QAnon
En remontant le fil, la rumeur date de plusieurs mois et a émergé sur des sites complotistes QAnon français. Sur le site Qactus par exemple, on peut lire dès janvier que "Dominion Voting Systems Corporation s’occupera de votre vote électronique". Un renvoi est fait à la rencontre entre Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel, et Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, le 11 janvier pour discuter des modalités du vote.
D’après le communiqué officiel, "le Ministre a évoqué la possibilité que, après concertations, le Gouvernement élabore de nouvelles mesures d’organisation qui apparaîtraient rendues nécessaires par la crise sanitaire, afin de garantir le bon déroulement de l’élection présidentielle". L'éventualité du vote électronique n'est pas mentionnée. Et à raison : le vote sur des machines n’est possible que dans de rares cas en France, étant limité aux communes qui avaient choisi cette option avant 2008, d’après le ministère de l’Intérieur. Et son extension n’est pas à l’ordre du jour, en dépit des rumeurs.
La réponse du ministère de l'Intérieur
Contacté, Beauvau nous indique qu'"il ne fait pas et n’a jamais fait appel aux services de la société Dominion dans le cadre de l’organisation des élections". "Les fausses rumeurs concernant le recours à la société Dominion feraient croire à un risque de manipulation du vote dans les communes dotées de machines à voter. En ce qui concerne les machines à voter, il convient de rappeler que seulement 63 communes françaises en sont équipées, représentant 1,3 million d’électeurs. Un seul modèle de machine à voter est utilisé en France, le modèle ESF1 de la société néerlandaise NEDAP commercialisé par la société France Elections qui n’a aucun lien avec la société Dominion", nous rappelle les services de Gérald Darmanin.
Ce n’est pas la première fois que le système du vote électronique, associé à un risque de fraude électorale, fait l’objet de désinformation. En novembre, une vidéo de Gabriel Attal avait émergé sur Twitter, laissant croire que le gouvernement réfléchissait à la mise en place de ce vote à cinq mois de l’élection. Or, celle-ci était le résultat d’un montage d’un extrait de conférence de presse, vieux de plus de plusieurs mois, comme nous le décryptions ici.
Du côté des États-Unis, le logiciel Dominion a été pendant de longues semaines une cible de choix des militants de Donald Trump les plus complotistes. "Stop the steal" ("arrêtez le vol") était devenu leur slogan fétiche pour dénoncer une fraude électorale massive, rendue possible par les machines de vote. Née après la défaite de leur leader, cette théorie avait conduit à l’invasion du Capitole, le 6 janvier 2021. Depuis, aucune des accusations de trucage à l’encontre de Dominion n’ont pu être prouvées.
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