EELV : face aux polémiques en cascade, une famille politique pas si désunie

Publié le 21 septembre 2020 à 15h39
EELV : face aux polémiques en cascade, une famille politique pas si désunie
Source : BERTRAND GUAY / AFP

ECOLOGIE - Les récentes polémiques au sujet du sapin de Noël et du Tour de France ont placé les maires écologistes sous le feu de leurs opposants politiques. Ces sorties ont valu, en interne, des critiques virulentes de Yannick Jadot. Pour autant, la famille EELV ne semble pas s'entre-déchirer pour l'heure.

On a connu EELV bien plus morcelée dans l'adversité. Alors que plusieurs nouveaux maires écologistes sont les cibles de leur opposition politique après leurs sorties sur le Tour de France "polluant et machiste" et la suppression de l'arbre de Noël bordelais, le mouvement politique fondé il y a dix ans tient bon. Mieux : renforcé par les élections municipales, il semble avoir, pour l'heure, évité de retomber dans les interminables querelles de chapelle qui l'ont miné sous le quinquennat de François Hollande. 

Après les propos de Grégory Doucet sur le Tour de France, plusieurs figures écologistes ont volé au secours du nouveau maire écologiste de Lyon. A commencer par le patron de la formation politique. "Nos actions et nos prises de position sont scrutées à la loupe", lançait ainsi, samedi, Julien Bayou au conseil fédéral d'EELV. "Le vieux monde nous rejoue encore et encore sa petite musique sur notre incapacité à exercer le pouvoir. Nous assumons notre volonté de transformer. Nous bousculons parfois les choses établies, c’est notre rôle, y compris sur le Tour de France. L’irresponsabilité serait de ne pas se poser de question."

"Sur la bashing des maires écologistes, en 2014, j'ai connu la même chose", affirmait également, dimanche sur Twitter, le maire de Grenoble Eric Piolle, candidat potentiel à la présidentielle 2022. "Le système n'accepte pas que nous soyons aux manettes et que nous tenions nos engagements." "Si les écologistes provoquent le débat, c'est aussi et beaucoup parce qu'ils prônent un changement de modèle, nécessaire", approuvait également, la semaine dernière, l'adjoint écologiste de Paris David Belliard, à l'instar de la porte-parole d'EELV Eva Sas.

Témoignage supplémentaire de leur unité : nombreux sont les responsables écolos à s'être rebaptisés "amish" sur leurs comptes Twitter après la sortie d'Emmanuel Macron sur le déploiement immédiat de la 5G, auquel ils s'opposent.

Yannick Jadot mis en minorité

Dans cette unité affichée, une voix se dissocie fortement. Et non des moindres : celle de Yannick Jadot, autre potentiel candidat écologiste à la présidentielle, qui ne fait plus secret de son ambition nationale. "Je suis fatigué de ces prises de parole", a lancé l'eurodéputé lundi sur France Info, après les propos de Jacques Boutault, ancien maire écolo du 2e arrondissement de Paris, sur le Tour de France. "Je ne supporte pas cette façon d’insulter les Français, les classes populaires. Il y a là un mépris de classe. Il faut retrouver le fil d’une écologie qui rassemble."

Il faut dire que Yannick Jadot a, au-delà de la polémique sur le Tour de France, un autre grand motif d'insatisfaction. Lors du conseil fédéral EELV qui s'est tenu ce week-end, une motion qu'il portait, visant à choisir un candidat à la présidentielle avant Noël, a été lourdement rejetée. Au total, 75% des voix ont repoussé sa proposition visant à avancer le calendrier, et validé ainsi la position de Julien Bayou qui prône de ne déterminer le champion des écolos qu'après les élections locales de 2021, et tout particulièrement les régionales où les écologistes espèrent gagner des points. 

Un coup dur pour Yannick Jadot, qui avait déjà essuyé une demi-défaite fin 2019, lorsque la motion d'Eva Sas, qu'il soutenait implicitement, n'avait recueilli que 26% des voix des adhérents, au profit de celle portée par Julien Bayou. 

Le risque d'une primaire fratricide

S'il y a des dissensions au sein d'EELV, elles ne semblent plus fracturer le mouvement comme ce fut le cas par le passé. Elles pourraient se jouer au sommet. "Pendant longtemps, de très nombreuses motions s'affrontaient chez les Verts, avec à l'arrivée deux motions finales qui s'écharpaient, d'un côté les environnementalistes purs et durs, de l'autre l'extrême gauche", explique à LCI Daniel Boy, directeur de recherche au Cevipof et spécialiste de l'écologie politique. "Depuis une dizaine d'années, le mouvement a élagué des deux côtés. Bien malin celui qui pourrait voir une différence réelle entre les motions du dernier congrès, fin 2019. Les écologistes parlent la même langue."

En revanche, le clivage croissant entre Yannick Jadot - partisan d'une ouverture de l'écologie à d'autres sensibilités, y compris aux électeurs LaREM - et Eric Piolle - ancré à gauche et tourné vers LFI - pourrait bien rappeler le match qui s'est joué entre Eva Joly et Nicolas Hulot, au détriment de ce dernier, avant la présidentielle de 2012. "Rappelez vous : Nicolas Hulot ne cessait de promettre qu'il était très à gauche, ce qui était bien sûr faux", rappelle Daniel Boy. "Jadot, de la même manière, jure qu'il est à gauche. Mais à un moment, il a dit que l'écologie pourrait se faire sur une base plus large. Ce qui est acceptable pour les électeurs dans leur ensemble ne l'est pas forcément pour les adhérents. La marmite écologiste est à gauche toute depuis 1993 et Yannick Jadot, qui n'est pas né dans la marmite [il vient de l'organisation Greenpeace, NDLR], suscite la méfiance." On se rappelle que la présidentielle de 2012 s'est terminée, pour les écologistes, avec un score de 2,3% des voix, malgré de bons scores lors des élections locales qui avaient précédé. 

Pour Julien Bayou, pas question qu'un duel au sommet lors de l'inévitable primaire écologiste ne mine cette unité retrouvée et la dynamique des élections locales. "L'échappée solitaire, même la plus longue, ne permet de gagner qu'une étape. C'est en équipe qu'on arrive à arracher le maillot jaune", a prévenu le patron d'EELV dans cette métaphore rendant hommage... au Tour de France.


Vincent MICHELON

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