CONTRIBUABLES - Parmi les très nombreux amendements au projet de loi de finances 2018, il y a quelques perles. Dont cette proposition de huit députés LR visant à faire payer la taxe d'habitation par les détenus.
Paye ta cellule. Dans le cadre des longs débats autour du projet de loi de finances pour 2018 à l'Assemblée nationale, qui doivent s'achever le 19 novembre, une multitude d'amendements ont été déposés par la majorité et l'opposition. Parmi eux figure un certain amendement "numéro II-CL49", qui propose tout simplement d'élargir la taxe d'habitation... Aux détenus des prisons françaises.
Le texte, cosigné par les députés Les Républicains Aurélien Pradié (Lot), Damien Abad (Ain), Valérie Boyer (Bouches-du-Rhône), Arnaud Viala (Aveyron), Michel Vialay (Yvelines), Emilie Bonnivard (Savoie), Jean-François Parigi (Seine-et-Marne) et Thibault Bazin (Meurthe-et-Moselle), suggère d'insérer dans le Code général des impôts "les cellules au sein des prisons" comme susceptibles d'être imposées, au titre de la taxe d'habitation.
Egalité et réinsertion
Pour justifier leur proposition, les huit députés, dont six ont parrainé la candidature de Laurent Wauquiez pour la présidence LR, estiment que la contribution des personnes détenues à l'impôt permettrait "d'instaurer une parfaite égalité de traitement entre tous les contribuables". Cela au moment où la majorité et le gouvernement préparent au contraire l'exonération progressive de la taxe d'habitation pour 80% des Français.
Autre argument invoqué : la réinsertion des détenus. En effet, disent-ils, "le paiement de l'impôt marque l'appartenance, pleine et entière, à la vie sociale. C'est donc un amendement qui vise à éviter la rupture sociale du détenu".
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Contribuables comme les autres, vraiment ?
En l'état actuel, la taxe d'habitation s'applique aux propriétaires, locataires ou occupants à titre gratuit d'un logement meublé et des éventuelles dépendances, comme un parking ou un garage. L'impôt prévoit des exonérations pour les personnes aux faibles revenus.
On estimait, en 2015, que 16.000 détenus sur 67.000 travaillaient effectivement, dont 8.000 au nom du "service général" de la prison et 7.000 au profit d'entreprises privées. Le travail en prison n'obéissant pas aux principes du Code du travail, ni à simple un contrat de travail, le revenu moyen d'un détenu s'échelonne entre 254 et 408 euros par mois, la loi pénitentiaire de 2009 ayant simplement encadré la rémunération... Entre 20 et 45% du Smic horaire brut.
L'idée de faire payer les détenus n'est pas nouvelle à droite. En 2015, l'ex-député LR de l'Hérault Elie Aboud avait déposé une proposition de loi visant à faire payer, comme cela existe dans d'autres pays, un forfait journalier aux détenus "en fonction de leurs ressources". Le motif invoqué alors n'était pas l'égalité ou la réinsertion, mais le fait qu'un détenu coûte 100 euros par jour aux contribuables et que la surpopulation carcérale "coûte cher à l'Etat".