Depuis plusieurs jours, Eric Zemmour et ses soutiens avancent l'hypothèse d'un "vote caché" en sa faveur, expliquant que les instituts de sondage le sous-estiment.Une théorie avancée en 2012 par Nicolas Sarkozy et en 2017 par François Fillon.Dans ces deux cas, les sondages avaient toutefois vu clair sur l'issue du premier tour.
Si les sondages sont hauts, c'est une preuve de la dynamique en cours. S'ils sont bas, c'est qu'il y a un loup. La relation entre les candidats et les instituts de sondage est souvent complexe, surtout quand ils traversent un trou d'air.
En témoigne la récente évolution sondagière d'Eric Zemmour, qui stagne autour de 12,5% d'intentions de vote après un fort repli qui a coïncidé avec le début du conflit en Ukraine. Selon notre baromètre quotidien Ifop Fiducial pour LCI, Paris Match et Sud Radio, le candidat retrouve son niveau du 10 janvier, loin du pic à 16,5% qu'il avait connu le 18 février, mettant à mal l'idée d'une "dynamique" de campagne défendue par ses équipes.
Depuis plusieurs jours, l'ancien polémiste et ses soutiens relayent sur Twitter le hashtag #votecache, faisant réapparaître une théorie déjà avancée lors des campagnes précédentes. Eric Zemmour l'a notamment employé pour annoncer son meeting du Trocadéro, à Paris, le grand rassemblement de fin de campagne qu'il organise le 27 mars.
Chers amis, le dimanche 27 mars, à 2 semaines de notre rendez-vous historique avec les Français, je vous donne rendez-vous place du Trocadéro à Paris. Inscrivez-vous pour vivre avec moi ce moment inoubliable : https://t.co/TTIIGSFO25 #VoteCaché pic.twitter.com/KbXLLynEQt — Eric Zemmour (@ZemmourEric) March 20, 2022
L'hypothèse d'une sous-estimation dans les sondages
L'idée est simple et ancienne. Au-delà de la traditionnelle critique à l'égard des instituts de sondage, le "vote caché" fait référence au comportement de certains électeurs, qui refuseraient ou n'oseraient pas afficher ouvertement le soutien à un candidat lors des enquêtes d'opinion, induisant une sous-estimation du candidat. Chez les soutiens d'Eric Zemmour, on invoque, à l'appui, les meetings qui font salle comble et la résonance du candidat sur les réseaux sociaux.
"La journée du dimanche 27 mars sera décisive pour l’élection présidentielle : ce sera une révélation et une démonstration de force", a notamment estimé, ce mardi, Philippe de Villiers, soutien du candidat. "Ce sera la révélation de la France du vote caché."
Les réseaux de soutien du candidat ont notamment fait référence à Qotmii, une application mobile dont la maison mère, une société canadienne, est spécialisée "dans l'analyse des émotions", établissant des cotes de réputation pour de nombreuses personnalités, dont les responsables politiques français. L'application dit faire appel à "l'intelligence artificielle" pour classer le "potentiel électoral" des candidats dans un ordre qui diffère des instituts de sondage, plaçant Emmanuel Macron en tête (21%) devant Eric Zemmour (17,4%) et Marine Le Pen (16,4%). Des résultats qui prouveraient, selon les soutiens de l'ancien polémiste, que les sondages font erreur en classant Eric Zemmour en 4e position.
Une théorie déjà employée en 2017 par François Fillon
Parallèle intéressant. Il y a cinq ans, en mars 2017, le candidat de la droite François Fillon, en difficulté dans les sondages, organisait lui aussi un grand rassemblement sur la place du Trocadéro. Et ses équipes dénonçaient en amont les instituts de sondage, accusés de dissimuler un "vote caché" en sa faveur. "Il y a un vote caché en faveur de François Fillon", clamait ainsi Valérie Boyer (LR). "Nous le constatons sur le terrain."
Les soutiens de François Fillon avançaient alors leurs propres chiffres, s'appuyant en particulier sur la mesure Filteris, du nom d'une société canadienne qui s'était fait un nom au cours de la campagne victorieuse de Donald Trump, en 2016, en évaluant "le poids numérique des candidats", à l'aune du buzz et de la perception générés par ces derniers. "Les mesures de Filteris fournissent une approche complémentaire qui permet de détecter plus rapidement les dynamiques, la performance de la campagne, mais on ne peut pas déduire de ces éléments des intentions de vote", nous expliquait à l'époque une responsable de l'institut Kantar Public, rappelant que les instituts de sondage développent eux-mêmes des outils de mesure du "bruit" des candidats sur les réseaux sociaux. Précision importante : Filteris est liée à la société Qotmii, dont les évaluations sont aujourd'hui relayées par les soutiens d'Eric Zemmour.
En 2017, les instituts de sondage avaient finalement eu gain de cause, le résultat du premier tour étant relativement proche des intentions de vote publiées dans les semaines qui précédaient. Ils avaient également eu gain de cause cinq ans plus tôt, en 2012, lorsque les équipes de Nicolas Sarkozy assuraient, elles aussi, que le président sortant était sous-évalué du fait d'un vote caché.
Le "vote caché", un souvenir de 2002
L'hypothèse d'un "vote caché" est historiquement associée aux électeurs de l'ancien Front national, surtout après l'élection de 2002 et la qualification-surprise de Jean-Marie Le Pen au second tour, non décelée par les sondages qui avaient précédé le premier tour. Généralement évalué après le scrutin, il se mesure en comparant les déclarations des électeurs sur leur choix avec la réalité du scrutin.
Depuis plusieurs années, les instituts observent que les sous-déclarations ont tendance à diminuer, les électeurs assumant mieux des votes aux extrêmes, et du fait des nouvelles pratiques sondagières. Interrogé à ce sujet début février par Le Figaro, le directeur général Opinion de l'Ifop, Frédéric Dabi, a estimé que le recours aux questionnaires en ligne avait contribué à décomplexer les sondés. Auparavant, "les enquêtes étaient faites par téléphone et les personnes n'osaient pas dire aux enquêteurs de l'Ifop qu'elles allaient voter Jean-Marie Le Pen", a-t-il expliqué. "On a du mal à imaginer qu'un interviewé devant sa tablette ou son smartphone se mente à lui-même et minimise un vote Zemmour."
Y aura-t-il ou non un vote caché révélé au profit d'Eric Zemmour, ou d'autres candidats, au soir du 10 avril ? Sur ce sujet comme sur d'autres, le suffrage des électeurs sera le seul juge de paix.
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