Les électeurs de la Primaire populaire pouvaient-ils vraiment voter plusieurs fois ?

Publié le 31 janvier 2022 à 19h24, mis à jour le 1 février 2022 à 10h41
Les organisateurs de la Primaire populaire jugent que les risques de votes multiples demeuraient très marginaux.
Les organisateurs de la Primaire populaire jugent que les risques de votes multiples demeuraient très marginaux. - Source : DAMIEN MEYER / AFP

Un internaute s'est filmé en train de voter quatre fois à la Primaire populaire, grâce à plusieurs cartes bancaires et numéros de téléphone.
Les organisateurs admettent qu'il était en théorie possible de voter à plusieurs reprises, mais que les risques de fraudes massives ont été anticipés et écartés.

Avec 392.738 votants et votantes enregistrés, les organisateurs de la Primaire populaire se sont félicités de la participation au scrutin qui a plébiscité Christiane Taubira. Quand certain(e)s mettent en avant l'engouement autour de ce vote, d'autres s'interrogent sur les chiffres avancés et sur leur portée. "Les chiffres de la primaire populaire ne sont pas étonnant quand tu vois que tu peux t'amuser à voter plusieurs fois", pouvait-on lire dimanche sur les réseaux sociaux.

Plusieurs votes possibles par électeurs ? C'est ce qu'a affirmé dans une vidéo un internaute qui s'est filmé en train de participer à quatre reprises au scrutin. "J'ai voté quatre fois à la primaire populaire en m'inscrivant avec quatre numéros de téléphone (dont deux étrangers, et trois à mon nom) et quatre cartes bancaires différentes (toutes à mon nom, de différentes banques en ligne). Comme il est aujourd'hui courant d'avoir plusieurs cartes bancaires, cela suggère que beaucoup de militants ont pu voter plusieurs fois et que le vote n'est ni populaire, ni représentatif, ni légitime", dénonce-t-il. Des accusations que réfutent aujourd'hui les organisateurs, défendant les outils déployés pour éviter les fraudes. 

Aucun système infaillible

En pratique, pour pouvoir prendre part à cette primaire, les électeurs devaient seulement fournir un email, un numéro de téléphone mobile ainsi qu'un numéro de carte bancaire. Quiconque disposait de deux cartes bleues et d'un autre téléphone pouvait ainsi contourner la règle d'un vote par personne. Les organisateurs de la Primaire populaire, sollicités par TF1info, ne cherchent d'ailleurs pas du tout à le nier. "Une personne mal intentionnée pouvait le faire, mais la procédure était fastidieuse", glisse Victor Grezes, responsable du processus de vote, allant de surcroit à l'encontre des conditions générales d'utilisation acceptées par les votants. Il rappelle en passant que prendre part à la Primaire populaire était conditionné à une déclaration sur l'honneur de ne participer qu'une seule fois au scrutin. 

L'objectif, souligne-t-on, "comme dans toutes les primaires, était surtout de réduire les fraudes significatives". Les manipulations de masse à l'aide d'outils informatiques utilisant des milliers de mails factices notamment. Victor Grezes indique que la question de la sécurité a été prise au sérieux et qu'elle a fait l'objet d'une évaluation par un expert indépendant mandaté par la Cnil. À laquelle s'est ajoutée la supervision d'un huissier ainsi que le travail d'une "Haute Autorité de Contrôle du Vote" diligentée par les organisateurs de la primaire. 

Le prestataire technique en charge de la gestion du vote, nous précise-t-on, "est le même que celui auquel avaient fait appel les Républicains ou les écologistes pour leurs primaires respectives". Sans compter le fait que "de nombreux mécanismes invisibles" ont été déployés. "Mécanismes anti-fraude en backend [une partie du site que l'utilisateur ne voit pas : NDLR] sur les vérifications de navigateurs, filtres anti-robots", sont ainsi venus compléter des "éléments visibles et contraignants" comme les envois de SMS, les contrôles de CB, etc. Dès lors, pour les responsables de la Primaire populaire, le risque de fraude demeurait "tout à fait marginal et pas de nature à remettre en cause la sincérité du vote". Victor Grezes renchérit : "avec seulement 30.000 votants, peut-être aurions-nous pu nous interroger, mais jamais avec 400.000".

Pourquoi ne pas avoir opté pour un système de vérification plus poussé, demandant le recours à une preuve d'identité ? Le responsable du processus de vote invoque plusieurs raisons : "Ces outils comportent aussi des failles, si vous utilisez une autre pièce d'identité que la vôtre par exemple. Et nécessitent parfois en complément une intervention humaine... Outre les moyens humains à déployer, cela représente un coût considérable." Un autre argument mis en avant est lui d'ordre éthique, puisque "l'objectif demeurait de récupérer le minimum et de réussir à en garantir la sécurité. En demandant une carte d'identité aux gens, nous aurions disposé de beaucoup trop d'informations. Des données personnelles que nous ne souhaitions ni obtenir ni stocker". S'en tenir aux mails, numéro de téléphone et cartes bancaires a été jugé moins intrusif.

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Thomas DESZPOT

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