À l'issue du premier tour, de nombreux électeurs dont le candidat n'a pas été qualifié ont été déçus.La menace d'une forte abstention pèse sur le second tour.La psychanalyste Catherine Grangeard livre quelques clés pour dépasser cette frustration et tenter de se remobiliser pour le second tour, mais aussi pour l'après scrutin.
Chaque scrutin a son lot de déçus : après la victoire d'Emmanuel Macron et Marine Le Pen au premier tour, c'est la moitié des électeurs ayant voté qui ont vu leur candidat rater la première marche de l'élection. Depuis, certains d'entre eux manifestent leur frustration, leur lassitude et même parfois leur colère, comme les centaines d'étudiants qui ont bloqué ces derniers jours des campus d'université pour protester contre l'affiche du second tour.
Nombre d'électeurs, à gauche en particulier, sont tentés par l'abstention, elle qui avait déjà enregistré une hausse lors du premier tour, par rapport aux deux élections précédentes. Dans cette désillusion politique, la psychanalyste et psychosociologue Catherine Grangeard voit "un processus de deuil en accéléré". "En fonction des personnes, il y a toutes les teintes de la déception, de la grande colère au désespoir, à la peur, mais elles sont bien mauvaises conseillères", analyse-t-elle. Des sentiments dont il faut tenter de sortir, d'après la psychanalyste, pour parvenir à se remobiliser en vue du second tour.
Pour faire un choix, "il faut se demander quel résultat nous ferait honte"
Pour ce faire, elle estime qu'il ne faut pas douter de son pouvoir de citoyen et ne pas se sentir impuissant : "Dans leur désillusion, les électeurs pensent que le vote ne sert à rien. Mais le principe du vote dans notre démocratie, c'est qu'une voix vaut une voix. Notre choix est important", explique-t-elle.
Mais si l'arbitrage entre deux candidats sur lequel on se replie par dépit reste difficile, pour sortir de l'indécision, "il faut se demander quel résultat nous ferait rougir, nous ferait honte", conseille la spécialiste. Il peut donc être utile, dans la mesure du possible, de lister des valeurs sur lesquelles on ne veut pas transiger, pour se rediriger vers le candidat ou la candidate qui serait le plus à même de les défendre et de permettre aux citoyens de s'engager pour elles. Ou, du moins, celui ou celle qui se situe le moins loin possible de celles-ci.
"J'ai très envie que l'on vote pour quelqu'un et non contre, même dans le cas d'un vote par défaut", lance-t-elle. Tout en recommandant de prendre de la distance avec ce vote : "Il faut prendre conscience que voter n’est pas aimer, et que bien sûr, le second choix n'est pas aussi bon que le premier", préconise la psychanalyste.
À l'issue du second tour, nombre d'électeurs seront aussi déçus, d'autant que l'écart entre les deux candidats est plutôt serré dans les intentions de vote, selon nos sondages. Elle appelle ainsi à ne pas oublier l'échéance des législatives, en juin, sur lesquelles misent déjà certains candidats perdants, et qui pourraient renforcer le gouvernement ou au contraire faire émerger un contre-pouvoir : "C'est une excellente raison de se remonter le moral, et se dire que tout n'est pas foutu !", se réjouit-elle.
"La démocratie, c'est tout le temps, tous les jours"
Et plus largement, Catherine Grangeard invite les votants à se rappeler que les élections ne sont pas l'unique levier d'action pour les citoyens : "Ce n'est pas la fin du monde que de perdre une bataille. La démocratie, c'est tout le temps, tous les jours", appuie-t-elle. "Ce n'est pas parce qu'un président est élu, qu'après, on ne se mêle plus de politique pendant cinq ans. Il y a mille façons de peser sur la politique quand on est dans une démocratie."
Et de citer la signature d'une pétition en ligne, la participation à des manifestations, l'engagement au sein d'une association qui œuvre à des causes qui nous sont chères, le boycott d'une marque, des changements que l'on adopte dans son propre quotidien (sur l'écologie par exemple)... Mais aussi la diffusion d'articles, de tribunes ou de livres qui défendent des positions, sans oublier, à plus grande échelle, le lancement de mouvements sociaux, qui peuvent aussi faire bouger les choses, "à l'instar du mouvement #MeToo ou de la mobilisation Nuit Debout".
Et même, pourquoi pas, tenter un mandat politique à son propre niveau, à commencer par l'échelon du conseiller municipal dans les petites communes, où les candidats manquent à l'appel. "Un engagement peut exister sous toutes ses formes, en fonction de la disponibilité dont on dispose", souligne la psychanalyste. "Il y a de quoi faire pour changer le monde."