Présidentielle : que proposent les candidats sur le logement ?

Publié le 4 avril 2022 à 17h32

Source : TF1 Info

Développer les logements sociaux à gauche, réduire les impôts sur la résidence principale à droite, lutter contre les passoires thermiques…
Les candidats à l’élection présidentielle rivalisent d’idées pour réduire le coût du logement et baisser notre consommation énergétique.

Près de 300 000 sans-abris. La Fondation Abbé Pierre estime, dans son rapport annuel 2021 publié début février, que l’équivalent de la ville de Montpellier dort et vit dans la rue. Elle y ajoute 3,8 millions de Français mal-logés, 670 000 hébergés à l’hôtel ou chez des tiers et environ 100 000 abrités dans des habitations de fortune.

Le prix du logement ne cesse de grimper et devient le premier poste de dépense des ménages. En 2020, l’Insee estimait que les Français consacraient en moyenne 21,8 % de leurs revenus au paiement du loyer ou du prêt immobilier, du chauffage et de l’énergie de leur logement. En y ajoutant les équipements, les frais atteignent un quart des ressources. "Nous ne comprenons pas et nous nous insurgeons contre le fait que le logement soit aussi peu présent dans les débats", déploraient Laurent Desmard, président de la Fondation Abbé Pierre, lors de la présentation de son rapport sur le mal-logement. "Pour les publics les plus fragiles, les plus modestes, c'est jusqu’à 60 % du budget consacré au logement", renchérissait l’équipe de la fondation. Un constat que partagent la chambre des notaires de Paris, les bailleurs sociaux ou encore les professionnels du bâtiment.

Quelles sont les mesures concrètes avancées par les candidats ? À l’exception des programmes d’Éric Zemmour (Reconquête) et Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière), les douze prétendants à la présidence de la République rivalisent de propositions. Cette surenchère de mesures concrètes, souvent peu chiffrées, s’articule autour de trois thèmes principaux : développer les logements sociaux, aider financièrement locataires et propriétaires et accélérer la rénovation énergétique.

Multiplier les logements sociaux

Tous les candidats, à l’exception d’Éric Zemmour, veulent multiplier les logements sociaux. Marine le Pen en prévoit la construction de 100.000 par an, Valérie Pécresse 125.000, Yannick Jadot 140.000, Anne Hidalgo 150.000, jusqu’à 200 000 pour Philippe Poutou et Fabien Roussel. Le candidat anticapitaliste veut renationaliser les sociétés HLM exploitant les logements à bas coût. Les communistes prévoient de développer des logements sociaux en milieu rural.

La loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbains), imposant à la majorité des communes de plus de 3 500 habitants un taux de 25 % de logements sociaux, fait l’objet de débats. À gauche, Anne Hidalgo compte durcir les sanctions pour les communes récalcitrantes ne respectant pas cette obligation, tandis que Fabien Roussel et Jean-Luc Mélenchon envisagent de porter le taux de logements sociaux à 30 % en zone urbaine. À droite, la candidate des Républicains souhaite empêcher les communes de réserver plus de 30 % de ses logements à du social. Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) compte donner les moyens aux communes de faire du logement social directement sans passer par un bailleur.

De son côté, le candidat de Reconquête souhaite supprimer la loi pour un droit au logement opposable et la loi SRU, contribuant selon lui à "instaurer une préférence de fait pour les immigrés".

Soutenir les locataires en difficulté

Nathalie Arthaud et Philippe Poutou estiment qu’il faut réquisitionner les logements vides, sans préciser la manière d’y parvenir. Le candidat NPA ajoute qu’il convient d’interdire les plateformes de location sur des petites durées telle qu’Airbnb au-delà du logement personnel, pour juguler l’augmentation des loyers.

Sans préciser de combien, Fabien Roussel, Anne Hidalgo et Jean Lassalle (Résistons !) jugent qu’il faut revaloriser et étendre les aides au logement. Emmanuel Macron promet de réformer ces aides sans préciser sa méthode.

Pour mieux se chauffer, Fabien Roussel affirme vouloir porter le chèque énergie à 700 euros au minimum par an. Le candidat PCF ambitionne de réduire la TVA sur la consommation d'électricité et de gaz à 5,5 % et cherchera à interdire les coupures d'énergie pour les personnes en précarité énergétique. De son côté, Jean Lassalle propose de "maîtriser le prix de l’eau et de l’électricité".

Les candidats de gauche veulent encadrer davantage les loyers. Pour Fabien Roussel, la quittance ne doit pas dépasser 20 % des revenus du foyer, Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot préférant que le loyer ne dépasse pas de plus de 20 % le loyer médian. Anne Hidalgo mettrait en place un "bouclier logement" qui prendrait la forme d’une allocation complémentaire si le loyer dépasse un tiers des ressources. 

Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot vont encore plus loin en proposant une sécurité sociale du logement. Chez l’insoumis, qui interdirait les expulsions et bloquerait les loyers dans certains endroits, elle prendrait la forme d’une garantie universelle des loyers grâce à une caisse de cotisation alimentée par un prélèvement de 2,5 % sur les loyers. Le candidat écologiste la financerait conjointement et à parts égales par les propriétaires et l’État par une cotisation de 1 à 2 % du montant du loyer. "Les fonds seront perçus par un organisme public et destinés à indemniser les propriétaires en cas d’impayés", précise le candidat.

Yannick Jadot envisage enfin de rendre obligatoire la souscription d'une assurance loyers impayés pour les bailleurs. Emmanuel Macron projette de créer une caution publique prenant en charge les impayés de loyer, destinée aux locataires du parc privé, ainsi dispensés de chercher un garant.

Lutte discrète contre le sans-abrisme

Pour enrayer la crise du logement, Emmanuel Macron aspire à construire 80.000 logements par an, Jean-Luc Mélenchon en propose 200.000, Valérie Pécresse en chiffre 500.000. Pour y parvenir, la candidate des Républicains réfléchit à raccourcir le délai de recours pour les constructions à 6 mois maximum et à réduire la TVA sur la construction de 10 % à 5,5 %. Marine Le Pen et Yannick Jadot songent à réhabiliter des logements vacants : la première compte faire de l’État une centrale d’achat qui réaliserait des travaux avant de revendre à des prix symboliques, tandis que le second souhaite transformer des bureaux en logement. Nicolas Dupont-Aignan se concentre sur les logements ruraux et table également sur un fond public pour l’habitat pour acquérir des bâtisses en mauvais état. Anne Hidalgo préfère s’appuyer sur la Caisse des dépôts et imagine une foncière publique capable d’agir sur l’ensemble du territoire.

Par le passé, des candidats ont promis, en vain, qu'il n'y aura plus de sans-abri à la fin de leur mandat. Pour cette élection, mes ambitions sont moindres. Seul Jean-Luc Mélenchon s’est doté d’un "plan 0 sans-abri" : l’insoumis veut mettre à disposition d’anciens hôpitaux et casernes, réquisitionner dans le parc hôtelier touristique des grands groupes et préconise le retour des pensions de famille. Il chiffre ce plan à 3,7 milliards d’euros par an. Fabien Roussel cherche également à s’appuyer sur 1 000 pensions de famille, des structures d'environ 25 logements pérennes permettant à des personnes sortant de la rue de retrouver un toit et un accompagnement social de qualité. De son côté, Emmanuel Macron veut mettre fin à la "gestion au thermomètre", consistant à ouvrir des places en hébergement d'urgence à l'automne pour les fermer au printemps. Il en existe à ce jour 200.000 en France, mais le président candidat ne précise pas comment il les remplacerait.

Carnets de campagne : derniers jours pour convaincreSource : JT 20h Semaine

Décentralisation des compétences

Valérie Pécresse et Emmanuel Macron envisagent de décentraliser les compétences en matière de politique du logement. Le président candidat précise qu’il aspire à "donner la responsabilité en matière de logement, et les financements qui vont avec, aux communes et aux intercommunalités". Il compte définir des zones où la construction de logements est une priorité absolue et ajoute que l'État pourra se porter opérateur d'intérêt dans des zones très tendues.

Éradiquer les passoires thermiques

La guerre en Ukraine le cristallise : nous devons nous départir de notre dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie. Pour nous aider, il faut accélérer la rénovation des passoires thermiques. Pour rappel, la loi Climat et résilience prévoit l'interdiction progressive de louer des logements énergivores. Ainsi, les logements classés G, F et E ne seront plus considérés comme décents respectivement à partir de 2025, 2028 et 2034.

Là aussi, c’est à celui qui chiffre le plus de rénovations annuelles : 500.000 pour Yannick Jadot, 700.000 pour Fabien Roussel, Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron, 760.000 pour Anne Hidalgo. Fabien Roussel y consacrerait 10 milliards d’euros par an. Yannick Jadot mobiliserait cette somme sur l’ensemble du quinquennat : il s’agirait de prendre en charge les travaux chez les propriétaires modestes et d’avancer aux moins modestes le montant récupérable au moment de la vente. Sur le même principe, Anne Hidalgo mettrait en place une "prime climat à la pierre", composée d'une subvention et d'une avance remboursable pour permettre le financement du reste à charge. "Aucun frais à avancer au moment des travaux : le remboursement dépendra du niveau des revenus et se fera au moment de la revente ou de la succession", détaille la candidate socialiste. Jean-Luc Mélenchon suggère également de mettre en place une "aide à la pierre pour l’isolation thermique et la construction de logements publics", sans expliquer comment il compte s’y prendre.

Yannick Jadot et Anne Hidalgo, aux programmes davantage précis dans ce domaine que leurs concurrents, pensent aux copropriétés. Ils souhaitent faire évoluer les règles de majorité pour faciliter les travaux de rénovation énergétique. La socialiste estime qu’il faut que la réalisation des travaux de rénovation énergétique se fasse, si nécessaire, par un organisme de foncier solidaire avec un remboursement progressif par les occupants.

Carnets de campagne : le pouvoir d’achat au cœur des débatsSource : JT 20h Semaine

Accès à la propriété, la droite en ordre de bataille

L’accès à la propriété focalise l’attention de certains candidats. La France compte 58 % de propriétaires, un taux qui n’évolue plus depuis 2010. Jean Lassalle et Nicolas Dupont-Aignan proposent aux locataires un système de location accession. Le candidat Debout la France compte transformer le loyer mensuel en mensualités de remboursement anticipé, y compris pour les logements sociaux, avec une option d’achat à l’issue d’une période de 10 ans. Le candidat envisage de créer une garantie de l’État sur une partie de l’apport personnel, sans en préciser les contours. Valérie Pécresse préfère développer l’APL accession facilitant le remboursement d’un prêt immobilier pour les familles modestes. Elle ajoute vouloir élargir le prêt à taux zéro à tout le territoire. "Tous les travailleurs exclus du prêt bancaire à cause de leur statut salarial (CDD, intérim, créateurs d’entreprise, etc.), doivent avoir accès à un prêt grâce à une caution solidaire qui servira de garantie auprès des banques", complète-t-elle.

Marine Le Pen et Éric Zemmour encouragent les jeunes à acheter. La première promet d’offrir un prêt à taux zéro de 100.000 euros maximum aux couples de moins de 30 ans accédant à la propriété. Le second promet aux moins de 25 ans de supprimer les frais de notaire pour les primo-accédants de leur résidence principale afin de préserver leur capacité d’emprunt.

Baisse d’impôts pour stimuler les achats

Une moitié de candidats aspirent à jouer sur les impôts pour favoriser les acheteurs. Marine Le Pen facilite l'accueil des néoruraux avec la vente de logements à bas prix en échange d'un engagement d'installation durable. Si Yannick Jadot veut exonérer les primo-accédants des droits de mutation, Eric Zemmour opte pour exclure la résidence principale du calcul de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI). De son côté, Nicolas Dupont-Aignan cherche à rétablir un impôt sur les très grandes fortunes en excluant la résidence principale. Jean-Luc Mélenchon va plus loin en suggérant d’imposer les hautes transactions immobilières par une taxe progressive. 

Enfin, certains candidats mettent sur la table une modification des droits de succession. Nicolas Dupont-Aignan envisage de supprimer les droits de succession sur la résidence principale. Marine Le Pen penche pour une mesure semblable concernant les habitations évaluées à moins de 300 000 euros. 

Les sondages montrent que le pouvoir d’achat devient la première préoccupation des Français. Le logement, premier poste de dépense des ménages, restera sans nul doute dans un coin de la tête des électeurs dans l’isoloir.


Geoffrey LOPES

Tout
TF1 Info