Les députés macronistes ont loupé la marche de la majorité absolue au soir du second tour des législatives.Sous le mandat de François Mitterrand, les gouvernements s'étaient tirés de ce difficile exercice en recourant massivement au 49-3.Mais depuis, les pouvoirs de l'Assemblée ont été renforcés.
C'était un scénario repoussoir pour le camp présidentiel, finalement confirmé à l'issue du second tour des législatives dimanche. La Macronie ne parvient pas à dépasser la barre des 289 députés envoyés à l'Assemblée nationale et perd sa majorité absolue : avec 245 sièges, elle doit donc se contenter d'une majorité relative. Un mode de gouvernance bien plus contraignant pour l'Élysée, qui n'a dès lors plus la garantie de faire valider sans encombre ses propositions de loi dans l'hémicycle.
Le cas de figure ne s'est présenté qu'une fois dans l'histoire de la Ve République, sous le second quinquennat de François Mitterrand. Cinq années d'exercice délicat du pouvoir, auquel les gouvernements successifs avaient toutefois survécu, en passant en force sur plusieurs textes de lois grâce au controversé 49-3. Mais depuis, la législation a changé et une majorité relative représente un défi bien plus épineux pour le camp d'Emmanuel Macron.
Sous François Mitterand, un "enfer" de négociations mais 39 textes passés en force
Réélu pour un second mandat face à Jacques Chirac après deux ans de cohabitation, François Mitterrand a dissous en 1988 l'Assemblée nationale dominée par la droite, mais n'a décroché que 275 sièges sur 577. Pour parvenir à faire adopter leurs textes, les gouvernements successifs de Michel Rocard, Édith Cresson et Pierre Bérégovoy ont été contraints de multiplier les mains tendues, tantôt à gauche auprès des 26 députés communistes, tantôt à droite, du côté des 40 centristes. "Ce fut un enfer !", s'était souvenu Jean-Paul Huchon, directeur de cabinet de Michel Rocard, comme le rapporte Le Point.
En dépit de ces tentatives de négociations, ils ont massivement recouru à l'article 49-3 de la Constitution, un procédé permettant au Premier ministre d'engager la responsabilité du gouvernement pour faire adopter un texte en se passant du vote des députés. L'Élysée l'a alors utilisé 39 fois en cinq ans.
Seul recours pour l'Assemblée face à ce passage en force : renverser le gouvernement par une motion de censure, qui doit être plébiscitée par la majorité des parlementaires. Pour l'adopter, il faut donc que les oppositions s'allient pour peser davantage. Si bien que si les dépôts ont été fréquents tout au long de la Ve République, la procédure n'a abouti qu'une seule fois, pour faire chuter le gouvernement de Georges Pompidou en 1962 - le Général De Gaulle avait bénéficié de la majorité absolue grâce à une coalition de partis.
Même si le député LFI Eric Coquerel avance déjà un recours à la motion de censure pour le 5 juillet, cette procédure contraignante pourrait constituer une garantie pour la majorité présidentielle. Le jeune secrétaire général du parti Les Républicains Aurélien Pradié a déjà indiqué qu'il s'opposerait à l'initiative du camp insoumis. "Un gouvernement qui repose sur une majorité relative ne risque sa vie que si toutes les oppositions s'allient pour le faire tomber", explique ainsi le constitutionnaliste Dominique Rousseau dans les colonnes de L'Express. Mais le scénario reste possible. Michel Rocard, dont le gouvernement a mobilisé le 49-3 à lui seul 28 fois, a frôlé la sanction à cinq voix près en 1990. Deux ans plus tard, son successeur Pierre Bérégovoy l'a évité grâce à trois défections seulement.
Depuis 2008, le recours au 49-3 fortement limité
Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a déjà évoqué il y a quelques semaines le passage du texte sur la réforme des retraites par le 49-3. Mais depuis la réforme constitutionnelle de 2008, les pouvoirs des députés ont été renforcés et ceux du gouvernement, limités par rapport au temps de François Mitterrand : le 49-3 n'est mobilisable que pour une seule proposition de loi par session parlementaire, la période au cours de laquelle le Parlement délibère, qui court sur neuf mois. Par ailleurs, il ne peut s'appliquer qu'à des textes portant sur le budget.
Des négociations laborieuses se profilent donc, mais ce scénario a donc le mérite de rééquilibrer les pouvoirs entre le législatif et l'exécutif, la Macronie étant désormais contrainte de chercher des alliances dans l'hémicycle et sûrement de concéder des compromis. "Cela implique de trouver un partenaire, que ce soit négocié. À ce moment-là, on rentrerait dans un vrai régime parlementaire (...) Le centre du pouvoir se déplacerait de plus en plus au palais Bourbon", pointe le constitutionnaliste et politologue Benjamin Morel auprès de Public Sénat.
D'autant que sous le premier mandat d'Emmanuel Macron, les députés du camp présidentiel se sont souvent vus reprocher de n'être que la "chambre d’enregistrement" du gouvernement. "Sous le dernier quinquennat, les débats étaient pauvres à l'Assemblée, elle ne jouait que faiblement son rôle de contre-pouvoir, car la majorité ne voulait jamais gêner le président", explique à TF1info Pascal Perrineau, politologue et professeur émérite à Sciences Po. "A contrario, le Sénat s'est bien davantage affirmé comme un contrepoids", note-t-il.
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