Le vote par correspondance, une piste pour le second tour des élections municipales ?

Publié le 27 mai 2020 à 17h33
Une urne lors des élections municipales à Lyon le 15 mars 2020.
Une urne lors des élections municipales à Lyon le 15 mars 2020. - Source : JEFF PACHOUD / AFP

SCRUTIN - Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a indiqué mercredi que la piste du vote par correspondance, évoquée par des associations d'élus, serait examinée dans la perspective du scrutin du 28 juin, dans le but de limiter le risque d'abstention. Une technique de vote écartée il y a 45 ans en France en raison des doutes sur sa fiabilité.

Le vote par correspondance, écarté en France depuis 1975, va-t-il resurgir dans le contexte de la crise sanitaire ? Réclamée par des élus locaux, dont le patron du Modem François Bayrou ou la maire du 7e arrondissement de Paris Rachida Dati, et évoquée au Parlement pour lutter contre le risque d'abstention, cette technique de vote va être examinée dans la perspective du second tour des élections municipales le 28 juin prochain, a confirmé mercredi Christophe Castaner.

"Des associations d'élus ont souhaité que nous examinions le vote par correspondance", a indiqué le ministre de l'Intérieur à l'issue du Conseil des ministres. "Nous allons y travailler et voir si, pour les partis politiques, c'est un sujet d'urgence. Je ne vous dirai pas que c'est facile. C'est difficile, c'est même coûteux", a ajouté le ministre, qui semblait encore écarter le vote par correspondance dimanche dernier. "Il faut voir si, au fond, c'est la meilleure façon de soutenir l'élection."

Le sujet devait être abordé mercredi après-midi place Beauvau à l'occasion d'une réunion avec de nombreux chefs de partis politiques, suivie d'une visioconférence avec les associations d'élus locaux au sujet des élections municipales.

Une méthode bannie en France, sauf exception

"Le vote par correspondance a existé en France jusqu'en 1975", a indiqué Christophe Castaner. "Le législateur avait considéré qu'il comportait un risque de pratiques frauduleuses. Il a été remplacé par la procuration, établie sous le contrôle d'un officier de police judiciaire."

Sollicité par LCI, le constitutionnaliste Olivier Duhamel rappelle que le projet de loi présenté en novembre 1975  par l'ancien ministre de l'Intérieur Michel Poniatowski, avait été adopté fin 1975, dans le contexte de fraudes constatées lors des précédents scrutins, notamment en Corse, bourrages d'urnes, faux émargements, courriers ne comprenant le bulletin que d'une seule liste... Le texte, visant à lutter "contre la fraude électorale", stipulait que le vote par correspondance serait "supprimé" et "remplacé par le vote par procuration pour toutes les personnes que d'impérieuses obligations professionnelles ou une incapacité physique mettent dans l'impossibilité de participer au scrutin". 

Le vote par correspondance a toutefois été partiellement rétabli en 1982, dans le cadre de la réforme du mode d'élection du Conseil supérieur des Français de l'étranger, devenu depuis l'Assemblée des français de l'étranger. En l'état actuel, le Code électoral prévoit toujours, dans le cas spécifique de l'élection des députés établis hors de France, que l'électeur puisse par dérogation "voter par correspondance, soit sous pli fermé, soit par voie électronique au moyen de matériels et de logiciels permettant de respecter le secret du vote et la sincérité du scrutin". Pour ce faire, les électeurs doivent en faire la demande expresse à leur consulat par courrier ou par courrier électronique. Cette modalité de vote est toutefois dépendante de la capacité des services postaux du pays concerné à acheminer le matériel électoral dans les délais. 

Serait-il possible d'étendre cette possibilité au scrutin du 28 juin, soit d'ici tout juste un mois ? "Tout est possible", juge Olivier Duhamel, "mais il faudra en passer par une loi". 

Une organisation complexe

En outre, le jeu en vaut-il la chandelle, au regard de la participation attendu lors du scrutin du 28 juin ? Qualifiée de "lourde", par Christophe Castaner, l'organisation du vote par correspondance nécessiterait, outre une modification législative, le dépôt préalable des enveloppes reçue en mairie avant le scrutin, et "de passer au crible les listes d'émargement" avant même l'ouverture du bureau de vote. "Cela mobiliserait le président et les assesseurs dès 5 ou 6 heures du matin", a pointé le ministre de l'Intérieur. 

Le vote par correspondance constitue en soit une dérogation au principe selon lequel un scrutin s'effectue sur un seul jour. Le principe est de recevoir le matériel électoral au domicile en amont du vote, puis d'envoyer son bulletin de vote par courrier avant le scrutin. La pratique est particulièrement développée en Suisse, ou encore en Allemagne, où elle remplace la procuration. Le 29 mars dernier, le recours massif au vote par correspondance lors des élections municipales en Bavière - jusqu'à un électeur sur trois dans certaines villes - avait ainsi permis de faire progresser le taux de participation par rapport au scrutin précédent, alors que le pays faisait face à l'épidémie de coronavirus. Deux semaines plus tôt, la France battait un nouveau record d'abstention lors du premier tour des élections municipales. 

L'épidémie de Covid-19 a également fait naître un débat aux Etats-Unis à propos du vote par correspondance, dans la perspective des élections de novembre 2020. Une hypothèse rejetée par les républicains, et tout particulièrement par Donald Trump, qui y voit un risque majeur de fraude électorale. 


Vincent MICHELON

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