Emmanuel Macron a-t-il le droit de décaler à sa guise la date des élections ?

Publié le 25 juin 2020 à 19h06
Emmanuel Macron souhaiterait repousser les régionales prévues en mars 2021.
Emmanuel Macron souhaiterait repousser les régionales prévues en mars 2021. - Source : ELIOT BLONDET / POOL / AFP

À LA LOUPE – L'Elysée réfléchit à un report des élections régionales prévues initialement en mars 2021. Une décision qui ne va pas à l'encontre de la Constitution, mais qui peut toutefois faire l'objet de recours.

Emmanuel Macron a reçu ce jeudi les présidents des groupes politiques à l’Assemblée nationale et le président Richard Ferrand, à l'occasion d'un déjeuner. Un repas évidemment très politique, qui a notamment permis d'évoquer une possible révision du calendrier électoral. Les élections régionales doivent avoir lieu en mars 2021, mais l'Élysée a  indiqué mi-juin que le chef de l'Etat avait "ouvert le débat" d'un possible  report au-delà de la présidentielle de 2022 pour que "tous (soient) mobilisés  pour la relance du pays"

Pour le président des Républicains, Christian Jacob, une telle idée "est invraisemblable". Il l'assure, "c'est le fait du prince" et "de l'opportunisme politique", un projet auquel il entend bien s'opposer. Pour la majorité, il s'agit de faire passer au préalable une grande loi de décentralisation, ainsi que de consacrer l'année qui vient à la relance économique suite à l'épidémie de Covid-19.

Rien n'empêche en théorie un report

Décaler la date d'une élection est possible, comme en témoigne le second tour des municipales prévu ce dimanche 28 juin. Il ne s'agit d'ailleurs pas d'un cas isolé puisque d'autres scrutins ont été déplacés dans le temps par le passé. "Quel que soit le motif, le Parlement doit voter ces reports dans le cadre d'une loi présentée en Conseil des ministres et c'est le ministre de l'Intérieur qui précise la date des scrutins", rappelait en 2014 Le Parisien

Cette démarche avait été suivie notamment par Jean-Pierre Raffarin, qui avait souhaité éviter une surcharge électorale en 2007. 5 scrutins étaient en effet prévus, et les municipales, cantonales et sénatoriales avaient alors été repoussées d'un an. "La démarche doit être motivée par l'intérêt général, sous peine d'être rejetée par le Conseil constitutionnel en cas de saisine par l'opposition", précisait le spécialiste du droit électoral Bernard Maligner auprès de Libération.

Il faut noter que les dernières élections régionales avaient fait l'objet d'un décalage de 2014 à 2015, afin que puisse être mise en place la réforme territoriale entérinant le passage à 13 grandes régions. Si une modification du calendrier électoral est validée, il faut noter qu'elle doit s'accompagner d'une prolongation du mandat des élus déjà en place, afin qu'aucune vacance du pouvoir ne soit observée. Un délai spécifique doit-il être respecté ? "La jurisprudence européenne veut que les élections se tiennent dans un délai raisonnable", ajoutait Bernard Malignier, une formulation assez vague et qui peut laisser place à l'interprétation.

Des recours possibles

Si l'exécutif dispose d'une marge de manœuvre notable pour déplacer des élections, il peut néanmoins être tenu de justifier ses choix. "N'importe quel acte peut être contesté, qu'il s'agisse d'un décret ou d'une loi", rappelle l'avocat Louis le Foyer de Costil, spécialiste dans le droit électoral. "Seule changera l'autorité auprès de laquelle déposer un recours."

La décision d'accéder ou non à une modification du calendrier électoral sera étudiée en fonction des motifs invoqués. "La contestation est possible si le report se heurte à un principe supérieur", résume Louis le Foyer de Costil. Il s'agit notamment de garantir la sincérité du scrutin, avec par exemple des conditions d'accès égales au vote pour tous les citoyens. Reste désormais à savoir si l'option d'un décalage est réellement retenue par le chef de l'Etat, et si l'opposition va la contester. 

"On a un vrai sujet de relance en 2021, le souci de ne pas la percuter avec des élections locales est légitime", a estimé auprès de l'Opinion un député socialiste, laissant entendre qu'il n'y serait pas opposé. Plus critique, Marine le Pen s'est exprimée au nom du RN : "nous y sommes opposés, les élections ne sont pas facultatives", a-t-elle clamé. Au nom du groupe communiste, Pierre Dharréville - qui participait au déjeuner avec le président de la République jeudi - s'est aussi élevé contre l'hypothèse de "tout mettre à la remorque de la présidentielle", indique l'AFP.

En résumé, on peut donc souligner que rien n'empêche en théorie l'exécutif de procéder à une modification du calendrier électoral. Celle-ci peut être motivée par des motifs divers et se révèle assez fréquente dans notre histoire politique récente. Cette décision, comme toute décision administrative, peut néanmoins faire l'objet de recours, obligeant le pouvoir en place à justifier du caractère à justifier du bien-fondé de sa démarche.

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Thomas DESZPOT

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