ARGENT - Emmanuel Macron a assuré ce mercredi soir que "personne" n'estimait que le pouvoir d'achat avait baissé sous ce quinquennat pour les plus pauvres. L'occasion de décrypter le vrai du faux sur cette question.
Face à la réalité des chiffres, Emmanuel Macron a préféré changer de source. Interrogé ce mercredi 15 décembre dans un entretien inédit sur TF1 et LCI, le chef de l'État s'est prononcé sur la hausse du pouvoir d'achat en France. Confronté aux résultats de l'Institut des politiques publiques (IPP) - qui estime que cet indicateur a baissé chez les plus pauvres - le locataire de l'Élysée a argué le contraire. Selon lui, "le pouvoir d'achat des plus pauvres a augmenté". "Personne ne dit qu'il a baissé", a-t-il même lancé face à nos caméras. Qu'en est-il réellement ?
Des données qui remontent à 2019
N'en déplaise à Emmanuel Macron, une équipe de chercheurs a bel et bien observé que les plus pauvres étaient les grands perdants du quinquennat. Et pas n'importe quelle équipe, celle de l'Institut des politiques publiques (IPP), dont l'objectif est justement d'analyser et évaluer les effets des politiques publiques. Dans une vaste étude publiée le 16 novembre dernier, cet organisme indépendant a voulu mesurer l'impact des mesures prises par le gouvernement actuel sur le pouvoir d'achat des Français. Et les chercheurs sont catégoriques. Si la quasi-totalité des ménages ont vu leur capacité d'achat progresser, avec une hausse globale de 1,6%, la politique actuelle n'a pas profité aux plus mal lotis. Les 1% des plus riches ont gagné 2,8% en plus tandis que 5% des ménages les plus pauvres ont perdu 0,5 % de gain moyen, soit 40 euros par an.
Attention cependant, cette étude ne permet pas de commenter le "quoi qu'il en coûte" du gouvernement, puisque leur analyse ne va, pour l'instant, pas au-delà de l'année 2019.
Dans ce cas, pourquoi Emmanuel Macron a-t-il rétorqué qu'en moyenne, cet indicateur avait augmenté "chez les plus riches comme les plus pauvres", citant "les chiffres de l'Insee" ? Interrogé par nos soins, l'Insee note en introduction que, contrairement à l'IPP, elle n'a pas vocation à réaliser de "bilan redistributif prospectif". L'institut n'analyse que l'évolution moyenne du pouvoir d'achat, sans en étudier le lien avec les mesures politiques.
Par ailleurs, les données les plus récentes sur le sujet, parues le 30 novembre dernier, ne portent "que sur l'évolution moyenne" de cet indicateur "sans distinguer selon la position des ménages dans l'échelle des niveaux de vie". Pour avoir des informations sur la progression de cet indicateur en fonction des niveaux de vie, les dernières statistiques dont on dispose portent sur l'année 2019. Impossible, dès lors, de citer l'institut national qui fait référence pour affirmer que les foyers les plus modestes auraient vu leur pouvoir d'achat augmenter malgré la crise sanitaire.
Deux études qui s'appuient sur l'Insee
Mais alors comment Emmanuel Macron a-t-il pu affirmer devant 3,82 millions de Français que sa politique profitait aux plus démunis ? Le chef de l'État s'est en fait appuyé sur une analyse faite par Bercy des données de l'Institut chargé de la statistique. Dans son rapport économique social et financier, publié le 4 octobre, la direction du Trésor, rattachée au ministère de l'Économie, affirmait en effet que "les réformes mises en œuvre par le gouvernement ont notamment permis de soutenir le niveau de vie de l'ensemble des ménages". Le rapport précise que les 10% des ménages les plus modestes ont bénéficié de "la plus importante progression de pouvoir d'achat", évaluée à 4%. Attention, encore une fois, les chiffres remontent à 2019.
Alors, comment savoir qui dit vrai de l'IPP ou du Trésor ? Comme souvent les deux analyses s'appuient sur un même jeu de données, mais avec des objectifs distincts. Or, celle réalisée par l'IPP illustre de manière plus fine l'impact de la politique sur les ménages. Premièrement, car elle ne considère pas l'évolution moyenne du pouvoir d'achat dans son ensemble. Cet institut a en effet pour seul objectif d'évaluer "les effets des mesures fiscales et sociales sur l'évolution" de cet indicateur. Il ne prend donc en compte que les changements strictement liés aux seules mesures votées lors du quinquennat d'Emmanuel Macron.
De plus, comme l'expliquait alors Chloé Lallemand, économiste et autrice de cette étude, dans la presse, les travaux de l'IPP analysent "de manière plus fine les différents ménages". Tandis que l'institut indépendant découpe la population en centiles, le Trésor public réfléchit par tranches de 10%. Ce qui a pour effet, de manière arithmétique "d'agréger plus de monde et de remonter les moyennes".
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