Arrivée à Matignon, Elisabeth Borne a rapidement été confrontée à son bilan.Il lui est notamment reproché un accord noué avec les sociétés d'autoroutes, négocié lorsqu'elle était le bras droit de Ségolène Royal.Critiqué par la Cour des comptes, cet arrangement a permis aux exploitants du réseau autoroutier d'escompter un gain supplémentaire de près de 12 milliards d'euros.
Pas forcément la plus médiatique des ministres lors du premier quinquennat Macron, Elisabeth Borne s'est malgré tout imposée comme une figure de la majorité. Promue à Matignon, elle se trouve bien plus exposée et voit son bilan politique passé au peigne fin depuis sa nomination.
Certains pointent du doigt son action en tant que ministre, tandis que d'autres mettent en avant un accord conclu auparavant, en 2015, à une époque où la désormais Première ministre épaulait Ségolène Royal. Sur les réseaux sociaux, il lui est ainsi reproché d'avoir offert un "cadeau" aux sociétés concessionnaires d'autoroutes, pour un montant avoisinant les 12 milliards d'euros. Une opération peu judicieuse pour l'État, qui a été notamment déplorée par la Cour des comptes.
Une "faiblesse" de l'État dans ce dossier
Ingénieure de formation, Elisabeth Borne s'est rapprochée de la politique en devenant préfète, puis directrice de cabinet de Ségolène Royal au ministère de l'Écologie de 2014 à 2015. Un poste important, qui lui a valu d'être en première ligne lors de la gestion de plusieurs dossiers d'envergure. En 2015 notamment, elle a planché sur un accord avec les sociétés concessionnaires en charge de l'exploitation du réseau autoroutier. Un dossier géré conjointement par son ministère et par celui de l'Économie, qui comptait à sa tête un certain Emmanuel Macron.
Avec son homologue Alexis Kohler, directeur de cabinet du ministre Macron, Elisabeth Borne a contribué aux négociations aboutissant à l'allongement de la durée des concessions. Il s'agissait pour l'État d'une forme de compensation, accordée en échange de la réalisation par ces sociétés d'une série de travaux. "Par trois fois au cours des dix dernières années, l’État a accepté, à la demande des sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA), une modification de leurs cahiers des charges", résume la Cour des comptes. Et ce, poursuit l'institution, "afin qu’elles réalisent, moyennant une compensation adéquate, des travaux qui n’étaient en principe pas prévus dans la convention de concession".
Pourquoi ces accords sont-ils aujourd'hui reprochés à la Première ministre ? Car la Cour des comptes, en 2019, a interpellé le gouvernement : certes, déléguer les travaux aux SCA "présente l’attrait évident de permettre un démarrage rapide" des chantiers, "sans mobiliser de nouvelles ressources publiques ni augmenter dans l’immédiat les péages pour les usagers". Mais pour autant, "la succession rapide et régulière de plans financés par cette formule, dont les sociétés concessionnaires semblent particulièrement désireuses, comporte l’inconvénient de repousser sans cesse, par des allongements à répétition, la remise en concurrence des concessions".
La Cour évoque une "solution de facilité", qui entraîne "un renchérissement correspondant au long différé de remboursement et à l’augmentation des risques qu’il implique". Sur le plan économique, les Sages estiment qu'il est nécessaire de "mettre en regard les 3,2 milliards d'euros" des travaux "avec la quinzaine de milliards d’euros de recettes supplémentaires que rapportera aux SCA l’allongement de leurs concessions". Pour les sociétés d'autoroute, le bénéfice tiré d'un tel accord avec l'État est donc clair : de l'ordre de 11,8 milliards d'euros, selon les projections. Dans les négociations, "les pouvoirs publics sont souvent apparus en position de faiblesse", a fait remarquer la Cour des comptes.
L'État se défend
Il convient de reconnaître qu'Elisabeth Borne n'est pas la seule personnalité politique à avoir contribué à cet accord. Pour autant, elle se trouvait en première ligne lors des négociations, comme le racontait une vaste enquête de France Culture. Rappelons aussi en passant que la désormais Première ministre a occupé de 2007 à 2008 le poste de directrice des concessions chez Eiffage. Il s'agit donc d'un secteur d'activité dont elle cerne autant le cadre que les enjeux.
Interpellé par la Cour des compte, l'État a répondu et apporté des précisions quant au contexte dans lequel il a pris cette décision contestée. "S'agissant des paramètres macro-économiques ayant un impact sur la rémunération des sociétés concessionnaires, toute l'expertise nécessaire a été mobilisée pour les apprécier à l'occasion des plans conclus en 2015 et 2018", peut-on notamment lire. "Les paramètres retenus pour le plan de relance autoroutier" ont "été soumis à l'appréciation de la Commission européenne dans le cadre de la notification de l'allongement du contrat au titre des aides d'État", apprend-on. Cette dernière, "dans sa décision [...] estime que les « niveaux de taux de rentabilité interne permettent de répondre aux exigences de l'encadrement de 2012 sur la notion de « bénéfice raisonnable » pour ce secteur en fonction du type de travaux concernés, du mécanisme de la compensation et du niveau de risque".
Si l'accord aboutissant au prolongement des concessions a permis aux sociétés exploitantes du réseau d'engranger des sommes importantes, le gouvernement a défendu son action, y compris devant les représentants de la Cour des comptes, qui jugeaient désavantageux pour l'État les termes de cette entente.
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