POUR/CONTRE - Alors que de nombreuses centrales nucléaires commencent à vieillir et que l’EPR de Flamanville tarde à voir le jour, la question de la construction de nouveaux réacteurs de dernière technologie se pose. De son côté, le gouvernement a annoncé repousser sa décision à 2021. Alors, la France doit-elle moderniser - et renforcer - son parc nucléaire ? On en débat ci-dessous, en partenariat avec Le Drenche.
LE POUR
Yves Egal
Membre de l'Association des Ecologistes Pour le Nucléaire, ingénieur conseil en développement durable retraité
Jean-Luc Salanave
Professeur et spécialiste des énergies dé-carbonées et du nucléaire
Si la France doit construire de nouveaux EPR, ce n’est pas seulement parce qu’on s’apprête à fermer Fessenheim. Ce n’est pas non plus parce qu’un récent rapport commandé par Nicolas Hulot juste avant son départ préconise de mettre rapidement 6 EPR en chantier. Ni parce que nos concitoyens auraient des craintes sur la sureté de nos 58 réacteurs : cela fait 40 ans qu’ils sont irréprochables et font de notre pays un champion de la transition énergétique vers un monde sans CO2.
Ce n’est pas non plus pour imiter le Royaume Uni ou la Chine, qui vient de démarrer avec succès en juin dernier le premier EPR de conception française à Taishan, qui va en démarrer un second et qui démarre actuellement un nouveau réacteur nucléaire tous les 3 mois. Ni pour rester dans la course dans un monde où 58 réacteurs sont en construction et 140 en projet.
Si nous voulons construire des EPR, c’est parce que nous n’avons pas de meilleur choix. Aucune autre technologie n’a autant d’avantages : fiabilité, économie, la meilleure sûreté de toutes les sources d’énergie, maîtrise de toutes ses catégories de déchets, autofinancement sans subventions, y compris pour les démantèlements futurs, recyclabilité de ses combustibles usés, non-intermittence de son électricité, compacité exceptionnelle (occupant 100 fois moins de place que le solaire ou l’éolien), durée de vie des réacteurs inégalée (sauf par l’hydraulique), et garant éprouvé de la stabilité du réseau.
Pour remplacer nos centrales nucléaires après 60 ans de bons et loyaux services, quoi de mieux que des EPR, dont la durée de vie sera encore plus élevée, tandis que dans le même temps les cimetières d’éoliennes et de capteurs solaires auront dû être remplacés trois fois.
Pour un pays aussi endetté que le nôtre, l’EPR est imbattable, malgré les surcoûts que lui infligent nos envies de sûreté souvent irrationnelles. L’EPR de Flamanville, un prototype qui a vu son coût gonfler à près de 11 milliards d’euros va produire plus de 800 térawattheures, soit 1,2 centime d’investissement par kWh ! Bien moins que le meilleur coût d’investissement du kWh photovoltaïque le plus moderne dans le pays le plus ensoleillé d’Amérique latine.
Face au problème climatique et aux besoins croissants en électricité de la voiture électrique et des nouveaux usages, quoi de mieux que des EPR ou d’autres réacteurs de 3e
génération pour préparer l’avenir de nos enfants ?
LE CONTRE
Jean-David Abel
Vice-président de France Nature Environnement
EPR est un réacteur initié dans les années 1990 par une coopération franco-allemande et poursuivi par Areva et EDF. Des défauts de fabrication sur celui en construction à Flamanville (trop forte teneur en carbone de l’acier) ont été constatés sur des équipements clé de la sûreté : le couvercle et le fond de la cuve, finalement acceptés sous conditions par l’Autorité de sûreté nucléaire ; des soudures des tuyauteries entre le réacteur et la turbine, toujours pas réglés selon l’ASN, ajoutant de nouveaux délais aux 6 années de retard sur le calendrier.
Le coût initial de l’EPR de Flamanville était de 3 milliards d’euros à son lancement, il est aujourd’hui annoncé par EDF à 10,9 milliards. La seule donnée que l’on possède sur le coût du kWh est fournie par l’accord entre EDF et le gouvernement du Royaume-Uni pour la construction de deux EPR, basé sur un prix garanti de vente du kWh par EDF plus de deux fois supérieur à celui du parc existant en France. EDF annonce travailler sur un nouvel EPR, plus rapide à construire et moins cher de l’ordre de 30 % que celui de Flamanville. Une telle annonce a de quoi inquiéter : la preuve est d’abord à faire sur la durée du bon fonctionnement de l’EPR et le risque est grand que la réduction du coût annoncée ne se fasse au détriment de la sûreté nucléaire. Ce "nouveau nucléaire" resterait en tout état de cause beaucoup plus cher que les futures productions d’origine éolienne ou photovoltaïque.
Aujourd’hui, le nucléaire représente 10% de la production mondiale d’électricité, à peine 2% de la consommation d’énergie finale, et ne permet d’éviter que 2,5% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. L’énergie nucléaire est souvent évoquée en France, malgré les risques qui s’y attachent et le problème non résolu de la gestion des déchets, comme une solution au niveau mondial dans la lutte contre le réchauffement climatique. Si la France s’obstine seule dans cette voie d’une primauté au nucléaire, elle s’isolera donc chaque jour davantage des pays qui se sont engagés résolument dans une transition énergétique rapide fondée sur les trois piliers que sont la sobriété, l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. La construction de nouveaux EPR ne se justifie en aucune façon.
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