CANDIDATURE - Après le rejet de la candidature de Sylvie Goulard, les eurodéputés vont se pencher sur la nouvelle candidature proposée par la France, celle de Thierry Breton. L'ancien ministre de Jacques Chirac, PDG du groupe Atos, a "les compétences" pour le portefeuille, vante l'Elysée. Mais pour l'opposition, sa candidature ouvre la voie à de potentiels conflits d'intérêts. De quoi s'agit-il ?
Après le rejet cuisant de la candidature de Sylvie Goulard, le gouvernement français a annoncé jeudi une nouvelle candidature pour le poste-clé de commissaire européen à la politique industrielle, au marché intérieur, au numérique, à la défense et à l’espace. Il s'agit de Thierry Breton, grand patron et ancien ministre de l'Economie de Jacques Chirac, impliqué de longue date sur les questions européennes.
L'actuel PDG d'Atos, géant des services du numérique, dont il doit quitter la direction fin octobre, a "l'expérience" et les "compétences" que ce vaste portefeuille européen exige, a fait valoir l'Elysée à LCI après l'annonce. "Il a été à la tête de grands groupes dans les nouvelles technologies avec comme client le secteur de la défense", et il a transformé Atos en "un Airbus des nouvelles technologies", a encore énuméré l'Elysée. "Il est en ligne avec le projet politique du Président : il s'est battu pour l'Europe au sein de son entreprise [...] Il n'est pas un 'insider' de l'establishment européen, c'est un faiseur."
Juge et partie ?
Les qualités défendues par l'exécutif français sont considérées, à l'inverse, comme des sujets d'interrogation, voire de défiance par ses détracteurs, notamment au sein de l'opposition de gauche. L'eurodéputée Manon Aubry (LFI), à l'instar de son collègue écologiste Yannick Jadot, a ainsi estimé que cette candidature pouvait ouvrir la voie à des conflits d'intérêts, et que la France prenait un nouveau risque, après l'échec de Sylvie Goulard, en proposant un tel profil aux eurodéputés qui vont l'auditionner sur le thème de la probité.
De quoi parle-t-on ? Depuis 2009, Thierry Breton est le PDG du groupe Atos, entreprise cotée (13 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2018), mais également le président de Worldline, filiale d'Atos, également cotée, spécialisée en services de paiement et de transactions, qui a renforcé son indépendance financière vis-à-vis de la maison-mère en mai 2019. Il préside également l'Association nationale de de la recherche et de la technologie (ANRT), dont Atos est membre, une agence permettant à des entreprises privées, des universités et des organismes publics de recherche d’unir leurs forces pour stimuler les partenariats de recherche public-privé. Dans une interview à Forbes, sa déléguée générale expliquait que l'action de l'ANRT consistait notamment à "influer sur les orientations politiques en matière de recherche, tant en France qu’en Europe".
L'UE pour cliente
Ces dernières années, Atos, fournisseur mondial de services numériques, a participé ou participe directement à plusieurs projets européens. On peut ainsi lire, dans le rapport 2018 du groupe, qu'il est notamment à la tête du consortium Mundi Web Services, qui gère la nouvelle plateforme d'observation de la Terre mise en service en juin 2018, pour le compte de la Commission européenne et de l'Agence spatiale européenne.
Atos s'est également vu attribuer par la Commission, en décembre 2018, deux des vingt projets du "Quantum Flagship", financé à hauteur d'un milliard d'euros pour développer les technologies quantiques dans le cadre d'Horizon 2020, le vaste programme de recherche et d'innovation de la Commission. Les deux projets remportés par Atos sont Aqtion (budget de 9,6 millions d'euros) et PASQuanS (budget de 9,2 millions d'euros).
En 2018 également, l'Union européenne a passé un contrat-cadre d'au moins six ans avec un consortium conduit par Airbus Defence and Space, avec Atos, pour "fournir des solutions, des services, des produits et une expertise en matière de cybersécurité afin de protéger les systèmes informatiques de 17 agences, institutions et services en Europe". Atos participe également à deux projets de recherche de l'Union européenne dans le secteur des transports et de l'énergie, Elviten (7,8 millions d'euros de subventions européennes) et eDREAM (3,8 millions d'euros).
Quant à la filiale Worldline, dont Thierry Breton est le président, cette société de services de paiement revendique dans son rapport annuel le développement d'un prototype dans le cadre du projet d'innovation AGILE (7 millions d'euros de subventions européennes), et compte parmi ses "clients" pour la fourniture de services numériques "la Commission européenne, le ministère français de la Justice", au même titre que Météo France ou M6.
Géants européens
Thierry Breton s'est imposé au cours des deux dernières décennies comme l'un des grands patrons européens, faisant constamment le lien entre la politique et l'industrie. Il a dirigé France Telecom avant d'organiser, comme ministre, sa privatisation en 2004. Il a également été l'un des artisans de la privatisation des autoroutes.
Sous le gouvernement de Jacques Chirac, il a fait voter en 2005 une loi transposant une directive européenne créant le statut de "société européenne". Un statut qui permettait aux entreprises de réduire leurs coûts administratifs et d'adapter leur structure juridique et financière au marché intérieur européen et dont son propre groupe, Atos, a bénéficié en 2011, après une fusion avec une filiale du groupe allemand Siemens. Il préside aujourd'hui l’Alliance pour la promotion du statut de société européenne.
Régulièrement consulté pour son expertise sur les règles européennes de la concurrence, comme lors des dix ans de l'Autorité de la concurrence récemment, ou lors d'un colloque au Conseil d'Etat fin 2016, Thierry Breton a lui-même piloté une série de fusions et acquisitions au sein de l'UE, à travers Atos et Worldline. Des acquisitions comme celle, en 2015, de l'entreprise néerlandaise Equens, spécialisée dans les transactions financières électroniques, qui ont reçu l'aval de la commission européenne. Une Commission dont l'une des missions premières consiste à réguler la concurrence, et pour laquelle le grand patron se porte candidat aujourd'hui.
Face aux eurodéputés soucieux de transparence, le candidat devra convaincre de sa probité. L'Elysée a voulu désamorcer la question en assurant que "M. Breton a toujours fait preuve de rigueur pour éviter tout conflit d'intérêt" lorsqu'il était ministre en se déportant sur les dossiers pouvant le concerner. De son côté, Atos a annoncé jeudi que Thierry Breton allait démissionner et qu'il serait remplacé à la direction générale du groupe à partir du 1er novembre. Il restera le président du conseil d'administration jusqu'à sa confirmation au poste de commissaire européen par le Parlement européen.
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