Utilisation du glyphosate : Union européenne, gouvernement, agriculteurs... qui veut quoi ?

Publié le 25 octobre 2017 à 12h43, mis à jour le 25 octobre 2017 à 14h58

Source : JT 20h Semaine

AGRICULTURE - En finir au plus vite avec le glyphosate ou prendre le temps d'accompagner vers des alternatives les nombreux cultivateurs qui utilisent cet herbicide controversé : c'est cette question que l'UE a étudiée mercredi. Mais entre les Etats-membres, le gouvernement français, les agriculteurs et la société civile, les points de vue divergent. LCI fait le point.

Le glyphosate est-il vraiment sur la sellette ? Le flou dure depuis plus de deux ans au sein de l'Union européenne. Cette substance active de différents herbicides, largement utilisée dans le monde agricole, suscite la controverse car elle est accusée de provoquer le cancer. L'objet du débat est pour le moment autorisé mais sa licence arrive à expiration fin décembre. Les Etats-membres de l'UE étaient appelés à se prononcer sur son renouvellement ce mercredi 25 octobre 2017. Ils ont finalement décidé de reporter leur vote.

La tâche est en effet ardue car aucune majorité claire ne se dessine ni pour, ni contre une nouvelle permission, et encore moins sur sa durée. Il faut dire que le débat est alimenté de toutes parts avec des points de vue divergeants : du Parlement européen au gouvernement français en passant par les agriculteurs ou société civile, qui veut quoi ?

Le Parlement européen souhaite une interdiction progressive d'ici à 5 ans

Les députés européens viennent d'appeler à éliminer progressivement le glyphosate d'ici à fin 2022 et à en interdire toute utilisation non professionnelle dès 2018. Afin de ne pas laisser brutalement sur le carreau les nombreux agriculteurs qui l'utilisent encore, ils souhaitent qu'il leur soit apporté l'aide nécessaire pour assurer la transition vers des cultures sans cet herbicide controversé. 

Cette résolution a été votée ce mardi à 355 voix pour (111 abstentions et 204 contre) au nom du principe de précaution. Ce texte n'est toutefois qu'un simple avis non contraignant. Dans la foulée de ce vote, la Commission européenne a révisé ses préconisations. L'organe exécutif de l'Union propose désormais un renouvellement de licence pour une durée de cinq à sept ans et non plus pour dix ans.

Nicolas Hulot veut limiter l'autorisation à trois ans, Matignon à quatre

Plutôt pressé d'en finir avec le glyphosate, le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot a proposé ce lundi sur RTL de "limiter à trois ans" le renouvellement de son autorisation au niveau européen. Un délai qui laissera tout de même le temps, selon lui, de "regarder tout ce qu'on peut trouver en termes d'alternative". Il s'agit d'aider ceux qui ne peuvent pas se passer aujourd'hui de cette substance à adopter "d'autres pratiques et d'autres techniques". 

Mais les avis sont discordants au sein du gouvernement, même si la volonté de réduire progressivement l'utilisation de l'herbicide le plus vendu au monde est clairement affichée par tous. Le ministre de l'Agriculture Stéphane Travert, table lui sur une durée de cinq à sept ans. Tandis que la ministre de la Santé Agnès Buzyn a estimé mardi sur CNews qu'il fallait faire en sorte qu'il ne soit plus utilisé "le plus vite possible" mais "sans trop pénaliser" l'agriculture. Argument de choc brandi par la ministre : "Le glyphosate est un cancérigène probable selon l'Organisation Mondiale de la Santé". 

Jeudi, après l'annonce du report du vote de l'UE, Matignon a indiqué que la France ne souhaitait pas que la prolongation aille au-delà de quatre ans.

A noter : en France, par exemple, l'utilisation du glyphosate par les collectivités dans les espaces ouverts au public est interdite depuis le 1er janvier 2017 et son emploi par les particuliers sera proscrit à partir de 2019.

L'agriculture intensive craint l'impasse en cas d'interdiction

Le sujet est sensible pour les agriculteurs, tant le glyphosate est utilisé en France. "Environ deux tiers des agriculteurs y ont recours à un moment ou un autre", estime Eric Thirouin, secrétaire général adjoint de la  Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), cité par Reporterre. Pas étonnant donc que le principal syndicat agricole ait prévenu fin septembre sur son site que "sans alternative viable, [elle] n'accepter[a] pas d'interdiction" car cela conduirait l'agriculture dans une impasse. Même son de cloche du côté du principal syndicat d'agriculteurs européen, le Copa-Cogeca, qui soutient qu'il n'existe aucune alternative "viable" au glyphosate si l'agriculture européenne veut maintenir ses rendements.

Les positions de la Confédération paysanne sont tout autres. S'élevant contre le système agricole productiviste et industriel à ses yeux "à bout de souffle", celle-ci considère l'interdiction du glyphosate comme "nécessaire et urgente". D'autant que la liste de ce qu'elle reproche à cette substance est longue : "Conséquences néfastes pour l'environnement et les ressources naturelles, réduction de la biodiversité, pollution de l'eau (par l'acide aminométhylphosphonique, un résidu de sa dégradation chimique) etc., entraînant des surcoûts considérables, notamment de dépollution. Les analyse toxico pour la santé humaine sont aussi suffisamment inquiétantes pour justifier son interdiction."

1,3 million de signatures pour une pétition anti-glyphosate

Difficile de savoir jusqu'à quel point l'ensemble des consommateurs se méfient du glyphosate. En tout cas 1,3 million d'entre eux ont signé une pétition lancée par Greenpeace pour demander son interdiction à l'échelle de l'UE. Forts de cette participation conséquente, des représentants de l'ONG environnementale ont rencontré ce lundi deux commissaires européens. Cette pétition réclame également davantage de transparence et d'indépendance dans les évaluations des risques posés par les pesticides. 

Lobbying de Monsanto, caractère nocif de l’herbicide… que reproche-t-on au glyphosate ?Source : JT 20h WE

Une controverse scientifique est en effet au coeur du débat. Une étude du Centre international de recherche sur le cancer, qui dépend de l'OMS, a classé en 2015 le glyphosate comme cancérogène probable, contrairement aux agences européennes, l'Efsa (sécurité des aliments) et l'Echa (produits chimiques). Sans oublier que des centaines de plaintes (reprochant à l'herbicide d'avoir provoqué des cancers) ont été déposées aux Etats-Unis contre le géant de l'agrochimie Monsanto, qui utilise cet herbicide dans son produit phare, le RoundUp. 


Laurence VALDÉS

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