CROISEE DES CHEMINS - Après la restitution du Grand débat national, Emmanuel Macron doit annoncer, à partir de la mi-avril, les premières mesures destinées à répondre aux attentes des Français. Si, officiellement, "rien n'est décidé", certaines propositions ont plus ou moins de chances d'être retenues.
Jusqu'ici, rien n'a percé. Durant ses 92 heures de discussions avec les élus et les citoyens, Emmanuel Macron a écouté, argumenté pour défendre ses choix ou rejeter certaines propositions, mais il n'a annoncé aucune mesure concrète répondant aux sollicitations des citoyens, dont 1.9 million ont apporté leur contribution dans le cadre du Grand débat national.
Le chef de l'Etat s'est imposé ce silence jusqu'à la mi-avril, date à laquelle seront rendues les synthèses du débat, avec les milliers de propositions formulées par les contributeurs. A-t-il l'esquisse de ces mesures censées répondre au malaise social qui s'exprime depuis novembre ? "Tout est sur la table, rien n'est décidé", reconnaissait, en début de semaine, la nouvelle porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye. Lors de son avant-dernier débat, en Bretagne, le chef de l'Etat a simplement fixé un état d'esprit, préférant prévenir à l'avance les Français : "Il n'y aura pas de sortie positive si chacun ne prend pas sa part de responsabilité". Se disant guidé par le principe de "justice", il a simplement indiqué que les choix qu'il ferait ne seraient "ni un reniement de ce qui a été fait, ni un entêtement". Quant aux deux ministres en charge du Grand débat, ils restent pour le moins prudent. Emmanuelle Wargon et Sébastien Lecornu ont indiqué dans Ouest France dimanche qu'il n'y avait pas "unanimité" des Français sur tous les sujets, "y compris sur les totems" tels ISF ou référendum d'initiative citoyenne (RIC). Bref, on n'est, pour l'heure, pas très avancé.
On commence toutefois à savoir ce qu'il n'y aura pas. La semaine passée, un membre du gouvernement indiquait à LCI qu'il serait impossible de "remettre sur la table 10 milliards d'euros", comme l'a fait Emmanuel Macron avec le plan d'urgence pour le pouvoir d'achat annoncé dans la première phase de la crise des Gilets jaunes. "Il n'y aura pas une grande mesure miracle qui mettra tout le monde d'accord", a également indiqué un responsable de la majorité au JDD.
Les pistes déjà ouvertes
Parmi les nombreuses propositions issues des débats, de la majorité ou encore de l'exécutif, certaines semblent avoir davantage de chances d'être reprises - sans que l'on puisse présager de leur étendue. Le sujet qui semble actuellement le plus consensuel est celui des retraites. Impactés par la première partie du quinquennat (hausse non compensée de la CSG, quasi-gel des pensions), les retraités pourraient bénéficier à l'issue du Grand débat d'une mesure symbolique de l'exécutif. Parmi les pistes avancées figure la réindexation des retraites sur l'inflation - voire sur les salaires, comme le préconise le haut-commissaire aux retraites Jean-Paul Delevoye. Edouard Philippe s'était montré ouvert sur le sujet, s'agissant spécifiquement des retraités les plus modestes. Emmanuel Macron s'est également dit favorable à un geste, sans préciser la forme qu'il devrait prendre. Le sujet pourrait également s'étendre aux mesures visant à financer la dépendance.
Parmi les rares orientations déjà avancées par le chef de l'Etat lui-même figure, en guise de réponse aux élus locaux, le lancement d'une nouvelle phase de décentralisation. Depuis février, Emmanuel Macron a lancé plusieurs signaux dans ce sens, laissant envisager "une refonte de la fiscalité" qui permettrait de transférer certaines ressources (taxe foncière ou autres) aux collectivités locales. Celles-ci pourraient également hériter de nouvelles compétences, ou bien de compétences élargies, comme il l'a laissé entendre le 1er mars dernier. Il n'est pas question pour autant d'un "big bang administratif", a fait savoir le chef de l'Etat.
Autre proposition pouvant trouver un écho au sein de l'exécutif : l'instauration d'une TVA 0% sur les produits de première nécessité, mesure destinée à favoriser le pouvoir d'achat des plus modestes. Si le sommet de l'Etat s'est montré ouvert à cette revendication, Edouard Philippe a rappelé que la TVA ne pouvait être réformée "qu'en bonne intelligence" avec l'Union européenne, qui exclut en principe la possibilité d'une TVA nulle. Et à condition qu'une telle réforme soit visible en termes de pouvoir d'achat. Quant à Gérald Darmanin, il a estimé dimanche que cette mesure - si elle était mise en place - ne serait pas "le meilleur moyen de soutenir le pouvoir d'achat".
Interpellé à de multiples reprises par les Français sur la question des "privilèges" de la haute administration (et des élus), Emmanuel Macron a également laissé entrevoir une possible réforme des rémunérations, et surtout de la formation des grands corps de l'Etat, trop peu ouverte à la société. En outre, alors que les services publics figurent parmi les principaux thèmes abordés depuis deux mois, l'exécutif pourrait s'appuyer sur ces débats pour lancer sa réforme de la fonction publique - qui prévoit paradoxalement de supprimer 120.000 postes. Ces derniers jours, Emmanuel Macron s'est dit favorable à ce qu'il y ait "moins de fonctionnaires de circulaires et plus de fonctionnaires de guichet", sans plus de précisions.
Enfin, l'exécutif a ouvert des portes dans le champ institutionnel. Si le référendum d'initiative citoyenne (RIC) n'apparaît plus parmi les principales mesures plébiscitées dans le Grand débat national, la possibilité d'élargir le champ de l'actuel référendum d'initiative partagée, ou encore la reconnaissance du vote blanc sont susceptibles d'être intégrées à la révision constitutionnelle à venir.
Ce qui est un peu moins sûr
D'autres propositions pourraient en revanche être recalées, à moins qu'Emmanuel Macron n'ait changé de braquet sur ces sujets. On pense notamment à la proposition de refonte du barème de l'impôt sur le revenu - certaines voix, dans la majorité, suggèrent de créer une première tranche intermédiaire pour réduire l'impôt sur les revenus des contribuables les plus modestes. Ou encore la possibilité de réduire, voire supprimer les niches fiscales, avancée notamment par le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin. Ou encore, de supprimer la redevance télévision, ou d'augmenter les droits de succession.
Edouard Philippe et Emmanuel Macron ont manifesté à plusieurs reprises leur refus de créer un nouvel impôt, face à un mouvement des Gilets jaunes qui manifeste justement un "ras-le-bol" fiscal. Toutefois, s'agissant d'un nouveau barème d'entrée dans l'impôt sur le revenu, de nombreuses voix dans la majorité y sont favorables. Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, la soutient notamment.
Autre grande revendication des citoyens, la lutte contre l'évasion fiscale. Outre son projet de taxer les géants du Web (Gafa), l'exécutif pourrait plancher sur une nouvelle façon de taxer les bénéfices des multinationales qui délocalisent leurs bénéficent dans les paradis fiscaux. Mais, comme l'a indiqué Bruno Le Maire jeudi sur BFMTV, le sujet devra être abordé dans le cadre du G7, la France pouvant difficile prendre une telle mesure seule.
Enfin, le principe du rétablissement de l'impôt sur la fortune (ISF), soutenu par 7 Français sur 10, est loin d'être acquis. Emmanuel Macron a estimé à plusieurs reprises qu'une telle mesure n'aurait pas d'effet sur le pouvoir d'achat des Français. Toutefois, là encore, l'impact du remplacement de l'ISF par l'IFI, qui coûterait 3 milliards d'euros par an, doit encore être évalué d'ici fin 2019, et le chef de l'Etat n'a pas exclu une "correction" de la mesure si elle s'avérait "inefficace".
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