Hiroshima : Obama a-t-il tort de ne pas s’excuser pour la bombe atomique ?

Publié le 23 mai 2016 à 15h12
Hiroshima : Obama a-t-il tort de ne pas s’excuser pour la bombe atomique ?

POLITIQUE - A quatre jours de sa visite à Hiroshima, le président américain a prévenu qu'il ne s'excuserait pas pour le mal causé par le bombardement de la ville à l'arme atomique en 1945. Guibourg Delamotte, maître de conférences en sciences politiques au département Japon à Inalco, nous explique les raisons de ce refus.

Barack Obama se rendra à Hiroshima ce vendredi à l’issue d'un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement du G7 organisé à Ise-Shima, dans le centre du Japon. Il sera le premier président américain en exercice à mettre les pieds dans la ville ravagée par l'attaque nucléaire américaine du 6 août 1945. Ce matin-là, à 8h15, un bombardier américain, l'Enola Gay, larguait au-dessus d'Hiroshima la première bombe atomique de l'histoire, tuant 75 000 personnes d'un coup. 

Aussi symbolique soit aujourd’hui le geste de Barack Obama, il n’en reste pas moins refréné. Le chef d’Etat a en effet prévenu dans une déclaration à la chaîne japonaise NHK qu’il ne présenterait pas d’excuses. "Non, car je pense qu'il est important de reconnaître qu'en pleine guerre, les dirigeants doivent prendre toutes sortes de décisions". Et de poursuivre :"C'est le rôle des historiens de poser des questions et de les examiner mais je sais, ayant moi-même été à ce poste depuis sept ans et demi, que tout dirigeant prend des décisions très difficiles, en particulier en temps de guerre". 

Les Japonais aussi disposaient d'un "outil nucléaire"

De nombreux historiens ont pourtant établi, au fil des décennies, que la bombe atomique n'avait pas joué de rôle majeur pour gagner la Seconde guerre mondiale, le Japon ayant à l’époque, déjà décidé de capituler. Qu’en est-il vraiment ?

Contacté par metronews, Guibourg Delamotte, maître de conférences en sciences politiques au département Japon à Inalco, rappelle que les Japonais disaient également disposer "d’un outil nucléaire" à cette époque. D'autre part, "les effets de la bombe nucléaire sur la santé n’étaient pas encore connus. Les Américains eux-mêmes sous-estimaient les risques et restaient à quelques centaines de mètres des essais réalisés dans le désert, avec pour seule protection des lunettes de soleil".

Pourquoi Barack Obama ne s’excuse-t-il pas ? 

"Formuler des excuses pour un chef d’Etat reste très compliqué", explique Guibourg Delamotte. "Barack Obama ne serait sans doute pas hostile à l’idée d’exprimer des regrets pour les souffrances infligées, mais d’un point de vue diplomatique, s’excuser revient à ouvrir un débat historique qui n’a jamais existé. Lorsque la guerre s’est terminée, une sorte de compromis a été établi entre les Américains et les Japonais, visant à ne plus évoquer le mal fait dans les deux camps". Les Américains laissaient les Japonais tranquilles, en échange de quoi ces derniers ne demandaient pas d’excuses.

A-t-il tort de ne pas le faire ?

Selon une enquête réalisée par l'agence japonaise Kyodo, 78,3%  des 115 survivants des attaques atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki ne demandent pas d'excuses. "La visite du président américain constitue un geste de réconciliation symbolique et une reconnaissance du mal fait aux Japonais par les Américains", estime la spécialiste. Et de conclure : "Ne pas s’excuser est une sage décision diplomatique".  

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La rédaction de TF1info

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