Interdire des manifestations d'ultradroite, est-ce possible ?

Publié le 10 mai 2023 à 16h11

Source : TF1 Info

Gérald Darmanin a annoncé mardi avoir passé la consigne aux préfets d'interdire les manifestations d'extrême droite et d'ultradroite.
Mais est-ce possible d'empêcher la tenue de rassemblements au seul prétexte de l'orientation politique de leurs participants ?

Être d'extrême droite est-il un motif valable pour interdire une manifestation ? Gérald Darmanin a demandé mardi aux préfets d'interdire les demandes de manifestations émanant de "tout militant d'ultradroite ou d'extrême droite ou toute association ou collectif", à Paris comme partout sur le territoire. "Nous laisserons les tribunaux juger de savoir si la jurisprudence permettra de tenir ces manifestations", a-t-il ajouté. Une décision annoncée lors des Questions au gouvernement, qui faisait suite à la polémique déclenchée par le défilé samedi dans les rues de Paris de 600 membres du Comité du 9-Mai, un groupuscule d'extrême droite.

La gauche s'indignait qu'elle ait été autorisée, dénonçant un "deux poids deux mesures", alors que depuis l'adoption de la réforme des retraites les interdictions de manifester se multiplient pour éviter des "casserolades" contre Emmanuel Macron et ses ministres. La préfecture de police de Paris avait justifié la tenue et l'encadrement du défilé par les forces de l'ordre au motif que "dans la mesure où cette manifestation n’avait occasionné, les années précédentes, aucun débordement ou trouble à l’ordre public, le préfet de police n’était pas fondé à prendre un arrêté d’interdiction à son encontre".

Elle avait également fait valoir qu'en janvier dernier, l'arrêté d'interdiction du préfet de police d'une marche aux flambeaux de "Paris fierté", association réputée à l'extrême droite, avait "été suspendu" par le juge. Le tribunal administratif avait estimé que "les antécédents argués de troubles en marge des rassemblements organisés par ce même collectif les années précédentes ne (permettaient) pas à eux seuls d’établir un risque de trouble à l’ordre public suffisant pour justifier l’interdiction de manifester".

Remettre la responsabilité sur la justice

Aussi, pourra-t-il en être autrement désormais, sous prétexte que le ministre de l'Intérieur souhaite interdire ces manifestations ? Une volonté politique peut-elle être appliquée dans le droit ? Il semblerait que le ministre de l'Intérieur souhaite ici laisser la justice prendre la responsabilité des autorisations des manifestations d'extrême droite, qu'elle aura du mal à empêcher.

Aujourd'hui, le droit de manifester est garanti par l'article 10 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et par l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme. Le premier indique que "nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi", le second que "toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontières".

Une manifestation ne peut donc pas être interdite au motif de l'orientation politique de ses participants et de ceux qui en formulent la demande. Aussi, si une manifestation a été dûment déclarée, pour prendre un arrêté d’interdiction, il faut réunir "deux conditions", selon l'article du décret-loi de 1935. Il faut "un réel danger de troubles graves" et "l'inexistence d'un autre moyen efficace pour maintenir l'ordre public".


Justine FAURE

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