"L'Elysée a offert la charcuterie et le foie gras" : Annick Baschou raconte son réveillon avec VGE

Propos recueillis par Matthieu DELACHARLERY
Publié le 3 décembre 2020 à 18h34, mis à jour le 3 décembre 2020 à 22h24
Le soir du 31 décembre 1975, le président Valéry Giscard d'Estaing et la Première dame ont passé le réveillon chez la famille Beschou, à Orléans.
Le soir du 31 décembre 1975, le président Valéry Giscard d'Estaing et la Première dame ont passé le réveillon chez la famille Beschou, à Orléans. - Source : AFP

UN AUTRE TEMPS - En s’invitant chez Monsieur et Madame "Tout-le-monde", Valéry Giscard d'Estaing a souhaité instaurer une forme de "présidence normale" avant l'heure, révolutionnant la communication politique. Annick Baschou, qui l'a reçu un soir de réveillon, raconte.

C’était il y a bientôt 45 ans. La famille Baschou s’en souvient pourtant comme si c’était hier. Un "31" avec le président de la République, cela ne s’oublie pas ! Six mois après son arrivée à l’Élysée, Valéry Giscard d’Estaing, élu troisième président de la Ve République en mai 1974, formule le souhait de s’inviter régulièrement chez les "Français ordinaires" pour mieux "regarder la France au fond des yeux". Annick et Jean Baschou sautent sur l’occasion. "Avec mon mari, on s’était dit que ce serait amusant de recevoir le président. On a envoyé une lettre à l’Élysée pour l’inviter à venir dîner à la maison. C'était en janvier 1975", se souvient Annick Baschou, aujourd’hui âgée de 88 ans, dont l’époux est décédé il y a quelques années. 

La réponse à leur invitation, elle, n'interviendra que plusieurs mois plus tard. "Quelques jours avant Noël, nous avons reçu un télégramme, nous invitant à nous mettre en relation en composant le numéro indiqué dans le message. Mais on ne savait pas qui en était l’expéditeur. Nous avons appelé les renseignements et  on nous a dit que c’était le numéro de l’Élysée", reprend Annick Baschou. Le Château informe alors le couple, qui réside à Orléans, que le président aimerait se joindre à eux pour le réveillon "Le rendez- vous devait rester top-secret pour des raisons de sécurité. Nous avions prévu un réveillon avec des amis. Nous avons simplement ajouter deux couverts en plus autour de la table", s'amuse l'octogénaire. 

Le jour-J arrive enfin, Valéry Giscard d’Estaing et son épouse Anne-Aymone, à bord d'une voiture avec chauffeur, se garent devant la maison des Baschou. A l’intérieur, les hôtes et leurs invités sont en train de regarder les vœux du président à la télévision. Ce n’était pas en direct, le président et la première dame étaient déjà sur la route à ce moment-là. "Ils sont arrivés sur les coups de 20h30. Valéry Giscard d'Estaing et son épouse n'étaient pas accompagnés de gardes du corps, ils étaient venus incognito", souligne-t-elle. Un premier contact cordial, sans effet de manche, se souvient-elle. "Il nous a mis à l’aise tout de suite, à tel point qu’on a fini par oublier que c’était le président de la République. Pour ainsi dire, c’était comme une soirée ordinaire entre amis".

Une discussion à bâtons rompus comme le ferait une famille ordinaire
Annick Baschou

La semaine avant le soir du réveillon, un collaborateur de VGE s'était rendue chez la famille Baschou. "Il voulait savoir si j'avais besoin d’aide pour préparer le repas. L’Elysée s'est proposé d'offrir l’entrée : un plateau de charcuterie et du foie gras", relate l'octogénaire. "Au menu pour ce repas de fête, j’avais cuisiné un lapin en sauce, provenant de notre élevage, avec des légumes du jardin pour l’accompagnement. Et en dessert, il y avait un gâteau fait maison, un biscuit avec une crème pâtissière", se remémore l'octogénaire. 

Quant à la discussion pendant le repas, elle a porté sur tout sauf de politique. "Le président et sa femme étaient tellement agréables, tous les deux étaient très joyeux. La discussion n’a pas vraiment porté sur sa politique. Il nous avait confié qu’il souhaitait mettre davantage de femmes au gouvernement. Un ami, qui était militaire, a évoqué avec le président la question des armées. Pour le reste, c’était une discussion à bâtons rompus comme le ferait une famille ordinaire, en toute simplicité. J'en garde un très bon souvenir", souligne-t-elle. 

C’était un grand monsieur, une personne de valeur, qui a voué sa vie à faire de la France un grand pays
Annick Baschou

La soirée n'avait pas encore touché à sa fin. "À minuit, le président est allé chercher le chauffeur pour prendre une coupe de champagne avec nous et souhaiter la bonne année. Le président n’est pas reparti très tôt, pas avant une heure du matin si je m’en souviens bien". Le couple a eu l'occasion de croiser à nouveau Valéry Giscard d'Estaing à plusieurs reprises. Le 3 janvier suivant le réveillon, le couple a été invité à l’Élysée. "Il nous a reçus pendant une heure, nous avons reparlé de notre soirée et du repas. Il avait la capacité à mettre ses occupations de côté. Il nous a dit qu’il avait beaucoup apprécié le temps passé en notre compagnie. Il était très amical, je ne crois que c’était pas un faux-semblant", assure-t-elle.

Est-ce le fait du dîner ? Annick Baschou n'est pas avare de compliments à l'égard de VGE, dont la disparition l'a remplie d'émotions : "C’était un grand monsieur, une personne de valeur, qui a voué sa vie à faire de la France un grand pays. Il n’a pas fait sans doute tout ce qu’il aurait voulu. C’est toujours la même chose, on fait ce que l’on peut et non pas ce que l’on veut". De cette soirée, renouvelée plusieurs fois au cours du septennat, elle conserve un album photos, dédicacé par le président lui-même. "On nous a proposé plusieurs fois de l'argent en échange de quelques photos. Mais nous avons toujours refusé avec mon mari", confie l'octogénaire, avant d'ajouter : "Cela fera un souvenir à nos enfants. Tout le monde n'a pas la chance d'avoir un président pour célébrer la nouvelle année."


Propos recueillis par Matthieu DELACHARLERY

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