L'octroi des fonds du plan de relance européen conditionné à la réforme des retraites en France ? C'est faux

Publié le 15 septembre 2020 à 19h28
La Commission européenne n'a pas le pouvoir d'imposer une réforme des retraites à la France.
La Commission européenne n'a pas le pouvoir d'imposer une réforme des retraites à la France. - Source : Illustration artJazz via iStock

CONTREPARTIES - Des responsables de La France insoumise ou du Rassemblement national expliquent que les 40 milliards du plan de relance européen ne seront versés à la France qu'à la condition de mettre en œuvre la réforme des retraites. Des propos trompeurs et prématurés.

Fin juillet, les Etats membres de l'UE se sont mis d'accord sur un vaste plan de relance européen, à hauteur de 750 milliards d'euros. La France en est bien sûr bénéficiaire : elle devrait ainsi percevoir des subventions d'un montant avoisinant les 40 milliards d'euros. Des conditions spécifiques devront-elles être remplies afin que la somme soit débloquée ? C'est ce qu'assurent des responsables politiques de l'opposition en cette rentrée. 

Le député de La France insoumise Adrien Quatennens, invité de LCI il y a quelques jours, expliquait ainsi que "nous ne sommes pas prêts de voir la couleur des 40 milliards promis par l’Union Européenne". Et pour cause : "On nous dit que 10% seulement pourraient être débloqués en 2021 et ce déblocage est conditionné à de nouvelles réformes que les Français refusent comme la réforme des retraites."

Discours similaire du côté du Rassemblement National puisque Marine Le Pen et Jordan Bardella ont tous les deux utilisé cet argumentaire. Le député européen a notamment indiqué que la réforme des retraites était "inscrite noir sur blanc dans les textes de la Commission européenne" comme contrepartie à ce volet d'aides. Si Bruxelles défend la mise en place d'une telle réforme, il ne s'agit pourtant en rien d'une condition à remplir impérativement.

Un plan de présenter et à défendre

À l'heure actuelle, affirmer que le versement des 40 milliards est conditionné à l'adoption de tel ou tel texte est faux. "Aujourd'hui, la base qu'on a, c'est celle de l'accord du Conseil européen de juillet, qui indique simplement que le plan de relance de chacun des pays doit être en accord avec les priorités économiques et politiques européennes (verdissement, numérisation...) et en accord avec les recommandations spécifiques par pays qui sont faites à chacun des Etats membres dans le cadre du semestre européen", a indiqué le porte-parole de la Représentation en France de la Commission européenne, Guillaume Roty, à France Info.

Pour disposer des sommes promises, les Etats membres ne se présentent pas simplement à la caisse avec un RIB. Il leur faut en effet justifier du bon emploi des sommes allouées, et présenter un plan afin de décrire les objectifs suivi et les moyens pour les atteindre. Des feuilles de route qui doivent être étudiées par la Commission, puis validées par le Conseil européen. 

"Cette relance sera liée à un certain nombre de réformes économiques qui l’accompagnent. Cela dépend de chaque pays", a précisé dans un entretien à la presse régionale le nouveau secrétaire d’État aux Affaires européennes, Clément Beaune. Il a par ailleurs noté que dans le cadre du plan, la France s'engagerait à mener plusieurs réformes, citant celle "des retraites", mais aussi d'autres "dans le secteur du logement par exemple".

"Ce n'est pas telle ou telle réforme qui sera évaluée mais le plan de relance dans son ensemble qui sera présenté par la France", tranche le représentant de la Commission européenne, Guillaume Roty. Une manière de préciser que l'institution n'exige aucune mesure spécifique. Pour autant, il est de notoriété publique que les instances européennes voient d'un bon œil le projet de réformes des retraites porté par la France. 

Chaque année, la Commission dresse effet une liste de recommandations à l'adresse des pays membres. Un document qui n'a aucun valeur contraignante mais qui vise, par les pistes qu'il esquisse, à "assurer le fonctionnement et le développement du marché commun". Depuis 2013, à l'exception de 2017, le système de retraite français est ainsi évoqué et considéré comme nécessitant de faire l'objet d'une réforme. Une insistance notable qui sonne comme une incitation claire à l'action pour les gouvernements, mais qui ne peut en aucun cas être perçue comme une obligation et ne peut pas donner lieu à des sanctions si elle n'est pas suivie.

En conclusion, il est donc faux d'affirmer que les 40 milliards d'euros de subventions accordés à la France dans le cadre du plan de relance européen sont conditionnés à la réforme des retraites. En revanche, la France devra présenter officiellement les mesures qu'elle souhaite mettre en place dans les mois à venir et détailler la manière dont elle souhaite utiliser ces sommes. Si la Commission européenne voit d'un bon oeil une réforme des retraites dans l'Hexagone, elle ne dispose pour autant pas de moyens de l'imposer à la France. 

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Thomas DESZPOT

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