La Nupes s'est imposée comme première force d'opposition face à la majorité présidentielle dans les sondages.L'élan échouera sûrement à entraîner un pic de mobilisation lors du scrutin, mais pourrait être porteur pour les électeurs de gauche dans les années à venir, selon le politologue Bruno Cautrès.
"Si les gens pensent qu'on peut gagner, ils vont descendre voter par paquet, par grappe, par wagon", a tonné Jean-Luc Mélenchon mercredi à Paris, lors de son premier meeting depuis que l'Insoumis a pris la tête de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes). Derrière cette bannière commune, la France insoumise a été rejointe par les communistes, les socialistes et les écologistes pour faire front aux législatives.
Une union reconnue comme principale concurrente par la majorité présidentielle, qu'elle talonne selon le dernier sondage Ifop-Fiducial pour LCI, avec 25% des intentions contre 27% pour les députés macronistes. Mais cet élan est-il suffisant pour mobiliser des électeurs habitués à bouder les urnes des législatives ? Difficile de changer la donne à l'échéance du scrutin, mais l'union pourrait lancer une véritable impulsion pour les années à venir, analyse Bruno Cautrès, politologue au CNRS.
La création de la Nupes peut-elle créer un engouement autour du scrutin ?
Oui, c’est le seul évènement de campagne important et qui ait une portée politique qui se soit déroulé pour le moment. Le sens politique de la nomination de la Première ministre et du gouvernement n’est pas aussi net. Mais à court terme, il est difficile de prédire son effet sur la participation à l'élection, car ces élections législatives ne sont pas très mobilisatrices pour le moment.
La campagne n’existe pas, et malgré cette nouvelle alliance politique, les abstentionnistes risquent de ne pas se déplacer non plus cette fois-ci, d'autant plus sur un scrutin dont on peine à discerner les enjeux et qui manque de visibilité jusqu'alors. Selon les sondages, on reste sur une hypothèse de participation basse, aux alentours de 50%.
En revanche, dans l'électorat de la gauche, cela pourrait créer un vrai effet d'adhésion. Dans les enquêtes d'opinion, cette union fait pour l'instant pratiquement jeu égal avec la majorité présidentielle en pourcentages des votes exprimés. Dans le contexte d’une gauche en convalescence et en reconstruction, je pense que cela envoie un message relativement positif à ses votants.
"On ne s'attend pas à un pic de participation. La Nupes semble surtout capable de mobiliser à moyen terme, au lendemain des élections."
Bruno Cautrès, politologue au CNRS
La Nupes pourrait donc au moins faire déplacer les électeurs de gauche aux urnes ?
Il n'est pas dit qu'elle parvienne à les convaincre tous. Contrairement à l’électorat macroniste de la présidentielle, qui recoupe des personnes plutôt bourgeoises et âgées, qui en général votent et sont donc susceptibles de se déplacer les 12 et 19 juin, un point d'interrogation subsiste sur la participation à gauche, car cet électorat compte plusieurs franges sociologiques.
Certains segments vont sûrement aller voter, en particulier les sympathisants de la France Insoumise, chez qui la rhétorique du "troisième tour" que brandit Jean-Luc Mélenchon prend. Une enquête que j’ai commentée pour l’institut de sondage BVA révélait que les Français présentaient en moyenne un taux d’intérêt de 7 sur 10 pour les législatives, contre 8,5 pour les sympathisants LFI, la note la plus élevée.
Mais pour le reste, les interrogations subsistent. Beaucoup de jeunes ont voté pour l'Insoumis au scrutin présidentiel, reste à savoir s'ils le feront pour les législatives, c’est l’une des inconnues. Je pense tout de même que la Nupes sera probablement bien accueillie par la plupart des sympathisants de la gauche, car elle renvoie le message que celle-ci redresse la tête et a de nouvelles perspectives, alors qu'elle était jusque-là profondément divisée et incapable de s’unir.
Finalement, c'est sans doute une part un peu minoritaire qui ne se retrouverait pas du tout dans cette union. D'autant plus que s'il existe des dissidences dans certains départements et régions, il en existe aussi face à la majorité présidentielle, loin d'être anecdotiques. Pour autant, restons prudents : on ne s'attend pas à un pic de participation. La Nupes semble surtout capable de mobiliser à moyen terme, au lendemain des élections.
Pourquoi ne pourrait-elle pas le faire dès à présent ?
L'union doit d'abord donner la preuve de son efficacité en rapportant beaucoup plus de députés de gauche que si elle n'existait pas. Ce qui est très probable : le fait qu’il n’y ait qu’un seul candidat de gauche dans de nombreuses circonscriptions va renforcer les chances de cette dernière d'obtenir des candidats au second tour.
Et même si tous ne gagnent pas, même si la Nupes ne remporte pas une majorité et n’impose pas une cohabitation avec Emmanuel Macron, constater que cette union a permis de faire élire plus de parlementaires que d'habitude serait un évènement politique majeur pour les électeurs de gauche. À condition que le rassemblement tienne dans la durée et qu’après le scrutin, les différentes organisations politiques ne se mettent pas à diverger sur des éléments de fond mais permettent à une diversité d’électeurs de gauche de se retrouver.
À moyen terme également, cette nouvelle union pourrait redonner du sens à notre vie politique, pour l’instant bloquée dans une forme d’impasse entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Et ainsi redonner du grain à moudre à différentes formations politiques, et dans la perspective de la présidentielle 2027, lorsque le président actuel sera hors du tableau, peut-être rajouter de l’inattendu.