Verif'

Législatives : les projections, annoncées dès dimanche soir, sont-elles fiables ?

Publié le 13 juin 2022 à 19h10

Source : JT 13h Semaine

Dès 20h ce dimanche, les médias ont proposé les "projections" des sièges à l'Assemblée nationale.
Réalisées par les différents instituts de sondage, elles donnent toutes une majorité à Ensemble ! lors du second tour des élections législatives.
Ces résultats sont à prendre avec prudence, du propre aveu des instituts.

Pour certains, l'affaire est déjà pliée. Pour les autres, tout reste à faire. Deux heures après l'annonce des résultats du premier tour des législatives, Marine Le Pen a ironisé sur le score de la Nupes, qui a récolté 25,66% des voix ce dimanche 12 juin. Selon la députée du Rassemblement national candidate à sa réélection, Jean-Luc Mélenchon peut désormais "prendre sa retraite". Un argument qu'elle fonde sur les projections des instituts de sondages, selon qui la Nupes n'arrivera pas à obtenir une majorité à l'Assemblée nationale.

Sauf que pour les candidats de gauche, les jeux ne sont pas encore faits. Jean-Luc Mélenchon a immédiatement fustigé ces projections, appelant à "déferler dimanche prochain". Un argument repris ce lundi par Manuel Bompard sur LCI. Chiffres à l'appui, le candidat de la Nupes, largement qualifié dans les Bouches-du-Rhône, a affirmé que "les projections du premier tour ne sont pas les résultats définitifs du second tour". Pour preuve, en 2017, au soir du premier tour des élections législatives, "la majorité présidentielle de l'époque était annoncée avec près de 450 sièges à l'Assemblée nationale". D'après, lui, En Marche ! en avait finalement récolté "100 de moins". 

En 2017, des projections en faveur d'En Marche

C'est vrai. Lors des élections de 2017, les projections que nous diffusions le dimanche 11 juin donnaient entre 400 et 440 sièges à En marche!. Le nouveau parti du président de la République avait finalement envoyé 356 députés à l'Assemblée nationale, dont 42 grâce à son alliance avec le Modem. Ceci dit, les projections ont déjà été particulièrement fiables. Lors des législatives précédentes, en 2012, le PS et ses alliés étaient donnés en tête après le premier tour, avec 275 à 329 sièges. Une fourchette qui s'est vérifiée. La gauche avait gagné 314 sièges au second tour

Alors, est-il vrai que "la partie n'est pas terminée", pour reprendre l'expression de Manuel Bompard? "Oui, il a raison", reconnaît Jean-Philippe Dubrulle, directeur d'étude à l'Ifop, l'institut chargé de mesurer les projections et les estimations de vote pour nos antennes. Car il faut rappeler qu'une "projection n'est pas une estimation". À l'inverse des estimations, qui s'appuient sur le décompte de bulletins dans des bureaux clés, les projections de siège relèvent du "pronostic". Et peuvent être amenées à évoluer. 

Pédagogue, Jean-Philippe Dubrulle nous explique ainsi la "recette" derrière ces résultats, constituée de trois types d'informations "de nature très différentes". D'abord, quatre données "concrètes", issues des bulletins de vote. Ensuite, les "parcours des électeurs". "Ce sont toutes les informations dont on dispose à travers nos sondages, qui nous permettent de retenir les comportements électoraux de chaque camp", précise notre interlocuteur. À cet ensemble, les instituts ajoutent un troisième ingrédient, "l'analyse politique". "On projette dans chaque circonscription la manière dont se décline le rapport de force visible au niveau national". 

Si les instituts s'appuient "sur des données objectives", chaque étape de la recette comporte donc "un risque d'écart". "Tous les sondeurs le diront : les projections sont réalisées de la manière la plus rationnelle possible, mais elles restent un outil assez imprécis", confie Jean-Philippe Dubrulle, dans un exercice d'humilité.

Les projections relèvent du "fictif"

Mais au-delà de cette technique "imprécise", d'autres éléments propres à cette élection pourraient venir changer la donne. Parmi eux, les nombreuses inconnues du scrutin. Jean-Philippe Dubrulle en liste quelques-unes : "Est-ce-que les jeunes vont se mobiliser, l'union de la gauche a-t-elle encore un réservoir de voix, la Nupes va-t-elle faire les frais d'une campagne 'tout sauf Mélenchon' et combien de voix de la droite traditionnelle remportera la majorité présidentielle ?" Autant d'interrogations auxquelles s'ajoutent évidemment les "divers aléas" d'une campagne de l'entre-deux-tours.

Le directeur d'étude à l'Ifop appelle donc à interpréter ces résultats "avec prudence". D'autant plus avec la campagne actuelle. "Avec une offre électorale aussi mouvante dans son offre et ses positionnements, le vote est moins évident", souligne-t-il, citant notamment le positionnement du camp Macron, qui rend l'exercice particulièrement périlleux. Ce camp central, qui sert traditionnellement de boussole aux instituts, fait désormais la girouette. "La majorité présidentielle a d'abord esquissé un rapprochement avec la gauche pour contrer le Rassemblement national à la présidentielle, avec de se désolidariser de la Nupes aux législatives", rappelle-t-il.

En résumé, on ne peut pas trancher catégoriquement dans un sens ou dans l'autre. La seule conclusion qu'on peut d'ores et déjà tirer, est qu'une majorité pour la Nupes reste dans le domaine du possible. Mais que la partie est loin d'être gagnée.

▶️ Découvrez les résultats définitifs du 1er tour des législatives, circonscription par circonscription.

Vous souhaitez nous poser des questions ou nous soumettre une information qui ne vous paraît pas fiable ? N'hésitez pas à nous écrire à l'adresse lesverificateurs@tf1.fr. Retrouvez-nous également sur Twitter : notre équipe y est présente derrière le compte @verif_TF1LCI.


Felicia SIDERIS

Sur le
même thème

Tout
TF1 Info