Rachel Keke, porte-parole de la grève des femmes de chambre à l'Ibis Batignolles, à Paris, a battu l'ex-membre du gouvernement dans le Val-de-Marne au second tour.Cette syndicaliste franco-ivoirienne, l'une des figures fortes issues de la société civile de l'alliance de gauche Nupes, promet de "secouer le cocotier" à l'Assemblée Nationale.
Avec l'ambition de "porter la voix des sans voix", elle fait partie des candidats de l'alliance de gauche à avoir infligé un revers au camp présidentiel : l'Insoumise Rachel Keke remporte la 7e circonscription du Val-de-Marne ce dimanche 19 juin. Elle bat une figure du précédent quinquennat d'Emmanuel Macron : l'ancienne ministre des Sports Roxana Maracineanu, qu'elle avait déjà devancée au premier tour.
En remportant un siège ce dimanche, Rachel Keke est la première femme de chambre à entrer au Palais Bourbon. Cette syndicaliste CGT avait été la porte-parole de la longue grève des femmes de chambre de l'hôtel Ibis Batignolles à Paris. Un bras de fer étiré sur 22 mois, finalement remporté par les grévistes, qui avaient obtenu en mai 2021 un accord prévoyant une amélioration de leurs salaires et de leurs conditions de travail.
Le Palais Bourbon, son "deuxième combat"
La candidate de la Nupes a continué d'y travailler pendant le début de la campagne, avant de prendre un congé pour se consacrer exclusivement à la bataille pour le Palais Bourbon. Mais sa profession reste "un grand métier" et "une fierté", a-t-elle assuré à BFMTV. Le scrutin des législatives, lui, représente aux yeux de cette Franco-ivoirienne de 47 ans un "deuxième combat à mener", en attendant "le troisième, à l'Assemblée", avait-elle déclaré avant sa victoire.
Mère de cinq enfants, elle est née en 1974 à Abobo, une commune au nord d'Abidjan, d'une mère vendeuse de vêtements et d'un père conducteur d'autobus. À 12 ans à peine, elle se retrouve en charge de ses frères et sœurs au décès de sa mère. En 2000, Rachel Keke arrive en France et travaille en tant que coiffeuse avant d'entrer dans l'hôtellerie. Elle entame un parcours chaotique, déménage fréquemment de squats en appartements d'amis, avant de se fixer grâce au DAL (Droit au Logement). Naturalisée française en 2015, elle vit désormais aux Sorbiers, une cité de Chevilly-Larue, commune du département d'où elle a lancé sa campagne en mai.
"Féministe", "défenseuse des gilets jaunes", elle espère "secouer le cocotier" à l'Assemblée et se sent légitime à y entrer, même sans formation. "On sait que je n'ai pas de Bac+5, si tu me parles avec le français de Sciences Po, je vais te répondre en banlieusard !", a-t-elle mis en garde auprès de l'AFP. "Pas loin d'une icône, au sens littéral, de notre combat politique" aux yeux de Hadi Issahnane, conseiller municipal LFI, elle est "très populaire" et "sait parfaitement emporter les gens derrière elle", a assuré à Marianne le député insoumis de la Somme François Ruffin.
Roxana Maracineanu avait appelé à un "front républicain"
Son adversaire, Roxana Maracineanu, avait appelé à mener à ses côtés un "front républicain" contre la candidate de la Nupes, affirmant avoir "toujours combattu les extrêmes". Des propos qui ont suscité la colère à gauche, et qui n'ont manifestement pas convaincu les électeurs. Le mois dernier, Roxana Maracineanu s'était défendue des attaques de Rachel Keke, qui lui reprochait de ne "pas habiter les quartiers populaires", en assurant avoir "un parcours assez ressemblant" avec elle.
"Rachel Keke ne me connaît pas : mes parents sont arrivés en France avec deux valises. On a dormi dans la voiture, habité dans des quartiers populaires à Mulhouse ou Blois…", avait raconté cette ancienne réfugiée franco-roumaine à l'AFP. "Moi, je suis quelqu'un de terrain. Je n'ai pas encore vu Rachel Keke sur le terrain. Je ne l'ai même pas rencontrée encore une seule fois." Dans cette circonscription, Jean-Luc Mélenchon était arrivé premier à la présidentielle.