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Une personne fichée S peut-elle se présenter pour devenir députée ?

Publié le 16 mai 2022 à 12h27
Rien ne s'oppose en théorie à ce qu'une personne fichée S se présente à une élection.

Rien ne s'oppose en théorie à ce qu'une personne fichée S se présente à une élection.

Source : Illustration olrat via iStock

Dans la 4e circonscription du Nord, le parti d'Eric Zemmour Reconquête! a fait le choix d'investir Patrick Jardin.
Père d'une victime du Bataclan, il indique avoir été fiché S par les autorités.
Outre le fait qu'il n'est pas censé être au courant d'un tel fichage, rien n'empêcherait qu'il se présente si tel était le cas.

Le 13 novembre 2015, Patrick Jardin perdait sa fille dans l'attentat commis au Bataclan. Un événement qui a bouleversé le cours de son existence et qui n'est pas étranger à son engagement politique. "Si je peux, par mon action, si petite soit-elle, empêcher d’autres attentats, ma fille ne sera pas morte pour rien", a-t-il récemment lancé, en marge de son investiture par le parti Reconquête! d'Eric Zemmour. 

À la mi-juin, c'est devant les électeurs de la 4e circonscription du Nord (Lille, Lambersart, La Madeleine, Comines) que Patrick Jardin va se présenter. Une candidature qui a rapidement attiré l'attention des médias. Vendeur de voitures à la retraite, le sexagénaire est régulièrement présenté comme étant fiché S, ce qui interroge sur les conditions à remplir pour pouvoir prétendre à siéger sur les bancs de l'Assemblée.

Un fichage censé rester secret

Sur son blog en 2019, Patrick Jardin avait réagi aux faits commis par le terroriste de Christchurch (Nouvelle-Zélande). Celui-ci avait ouvert le feu dans deux mosquées de la ville, faisant 51 victimes. "Brenton Tarrant a eu le courage de faire ce que je voulais faire et que je n’ai pas fait", lançait alors le candidat proche d'Eric Zemmour. "Aujourd’hui encore, parfois, j’y pense. Je ne sais pas si c’est par manque de courage, peut-être, mais j’ai encore un fils qui a une petite fille et je crois aussi que c’est pour eux que je ne l’ai pas fait." Des écrits polémiques, qui ont "conduit" à ce qu'il se trouve "fiché S", a-t-il glissé au quotidien La Voix du Nord. Et de préciser ne pas savoir s'il l'est encore aujourd'hui.

Avant de se demander s'il est possible de se présenter aux législatives quand on est fiché S, il faut souligner que les personnes surveillées et inscrites dans ce fichier ne sont pas censées être mises au courant qu'elles y figurent. "L'objectif, c'est que les individus fichés ne soient pas au courant que la DGSI est à leur basque", assurait dans les colonnes de L'Express Louis Caprioli, ancien sous-directeur chargé de la lutte contre le terrorisme à la DGSI. Sur quelles bases, dès lors, s'appuie Patrick Jardin pour évoquer la surveillance dont il ferait l'objet ? Il ne le précise pas, mais l'on peut noter que Le Monde faisait mention d'un tel fichage à l'automne dernier, allant même jusqu'à préciser que celui-ci avait été mis en place "depuis juin 2018"

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En pratique, il ne s'agit pas d'une situation empêchant de se présenter aux élections législatives. Pour se voir empêché de déposer une candidature, il faut en effet avoir fait l'objet d'une condamnation définitive par la Justice et s'être vu infligé une peine incluant la privation de ses droits civiques. Ce qui n'est pas le cas ici, puisque le fait que son nom se trouve sur un fichier de surveillance constitue uniquement une pratique administrative. Il est d'ailleurs tout à fait possible que des candidats se présentent à des élections sans être informés de leur fichage. Une méconnaissance de leur suivi qui se révèle somme toute normal en raison de son caractère confidentiel.

En conclusion, rappelons enfin que la notion de fiché S est quelque peu abusive. En pratique, aucun fichier à ce nom n'existe en France : les personnes qui sont désignées sous ce terme sont en réalité inscrites au Fichier des Personnes Recherchées (FPR). À l'intérieur de ce très vaste fichier (il rassemble 620.000 personnes), on note des sous-divisions, avec notamment les profils siglés de la lettre S, pour "Sûreté de l’État".  Les individus suivis à ce titres ne sont pas tous liés à l'islamisme radical, loin de là. Des militants écologistes peuvent y figurer, tout comme des hooligans ou des membres de réseaux sectaires. "La fiche S n’est [...] ni une condamnation pénale, ni même l’indice d’une surveillance active. Elle ne témoigne ni d’une dangerosité accrue ni d’un passage à l’acte immédiat", résume Yoann Nabat, doctorant en droit privé et sciences criminelles à l'Université de Bordeaux.

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Thomas DESZPOT

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