CHANTAGE - Face au refus de la ville de Paris de reconduire le marché de Noël des Champs-Elysées, l'intersyndicale des forains, dirigée par Marcel Campion, a mené des opérations escargots lundi matin en Ile-de-France et menace toujours de bloquer Paris. D'où vient ce conflit ouvert ?
Des opérations escargots lundi matin à l'entrée de Paris, et toujours la menace de "bloquer Paris". Marcel Campion et une intersyndicale de forains ont décidé d'exercer directement la pression sur la maire de Paris, Anne Hidalgo. Leur objectif : protester contre la suppression du marché de Noël des Champs-Elysées, organisé par le proclamé "roi des forains" depuis 2008.
Un coup d'éclat qui fait suite à la vaine tentative des forains, le 31 octobre, de s'installer sur la célèbre avenue sans autorisation. Ils avaient alors été repoussés par les effectifs de police. D'où vient ce conflit ouvert entre la profession et la mairie de Paris ?
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Décision unanime des élus en juillet
La décision remonte au conseil de Paris de juillet dernier. Les élus de la capitale avaient alors voté à l'unanimité la non-reconduction de ce marché de Noël créé il y a neuf ans. Dans sa délibération, l'exécutif invoquait, pour justifier la fin de la convention d'occupation au profit de la SARL Loisirs Associés, son souhait de "varier les modalités d'animations de l'espace public dans ce secteur", en "valorisant" notamment "une dimension culturelle et esthétique en adéquation avec ce site d'exception". Les élus parisiens, tous groupes politiques confondus, critiquaient notamment l'aspect exclusivement "mercantile" des animations proposées par Marcel Campion, selon le terme utilisé alors par Jean-François Legaret, le maire LR du Ier arrondissement.
La délibération mettait donc fin à la convention d'occupation qui avait été signée en 2015, pour deux ans, avec la société. Cette convention avec les forains était prévue à l'origine pour durer jusqu'en 2020. Mais le principe de la reconduction tous les deux ans a permis à la municipalité d'écourter la durée initiale.
Des conséquences pour les forains
Marcel Campion, qui règne en maître sur l'organisation du marché de Noël depuis son lancement, n'a pas digéré le choix des élus. Dans une lettre à Anne Hidalgo, il avait expliqué cet été n'avoir commis aucun "manquement" à ses obligations, dont celle de payer à la Ville une redevance de 700.000 euros, et annoncé son intention de réclamer des dommages et intérêts pour les "investissements" qu'il disait avoir réalisés, notamment pour les installations électriques. Ces dernières ont d'ailleurs fait l'objet d'un contentieux ces derniers jours entre les deux parties, la mairie accusant Marcel Campion d'avoir installé des câbles électriques le long des Champs-Elysées afin de préparer l'installation illégale de son marché, ce que l'intéressé contestait.
Pour justifier les blocages de lundi, les forains invoquent les répercussions économiques et sociales de l'interruption du marché de Noël. "Un bon nombre de forains avaient fait des investissements pour six ans", a ainsi expliqué Christian Lentz, président du Syndicat associatif pour le maintien et la sauvegarde des fêetes foraines. "On nous supprime deux à trois mois de salaires, on a des crédits, des enfants et aucune possibilité de nous retourner", dénonçait également un forain auprès de l'AFP.
L'affaire semblait très rentable pour le gestionnaire, épinglé plusieurs fois par l'Ursaff, qui avait constaté sur place la présence de salariés en situation irrégulière. L'an dernier, le tarif de location proposée par l'entreprise (qui affiche un chiffre d'affaires de 4.38 millions d'euros) de l'un des 200 chalets installés sur les Champs-Elysées allait de 12.000 à 15.000 euros selon la surface, incluant la fourniture d'électricité, le chauffage et le gardiennage.
Le contexte de la Grande Roue
Le rapport de force entre Marcel Campion et la mairie de Paris s'inscrit également dans un contexte juridique qui a largement contribué à dégrader leurs relations. Le "roi des forains" a été mis en examen au printemps 2017 pour "abus de biens sociaux et recel de favoritisme" dans l'enquête sur la convention passée avec la mairie de Paris, qui s'est portée partie civile, pour l'installation de la grande roue de la place de la Concorde. En 2015, Marcel Campion avait obtenu le droit d'installer sa roue dans le cadre d'un marché "de gré à gré" entre la ville de Paris et la société Fête Loisirs, gérée directement par Marcel Campion (5.1 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2016).
La grande roue de la place de la Concorde, qui doit être réinstallée à partir du 17 novembre, a essuyé par ailleurs de nombreuses critiques, notamment de la part des défenseurs du patrimoine. Alors que la convention prévoit normalement l'occupation de la place six mois par an, le gestionnaire avait débordé, l'an dernier, cette période en prolongeant l'installation d'un mois et demi, mettant la mairie devant le fait accompli.
De façon générale, un pré-rapport de la Chambre régionale des comptes dévoilé cet été par Le Point critique les conventions passées entre la Ville et le forain, invoquant "de nombreuses irrégularités". Sa publication devrait en dire davantage sur les motifs du divorce entre la municipalité et le forain.