EMPLOI - Après avoir été reçues en octobre à l'Elysée, avoir discuté avec le ministère du Travail en décembre, ce jeudi 11 janvier, les organisations syndicales et patronales se retrouvent au siège du Medef pour négocier un accord, sur la base de la feuille de route que leur a remise le gouvernement. Quels en sont les contours de la réforme de l'assurance-chômage, avec quelles incertitudes ? LCI fait le point.
C'est le second volet de la réforme du marché du travail en France. Après les ordonnances controversées modifiant le Code du travail, les partenaires sociaux et le gouvernement entament mercredi les discussions autour de la réforme de l'assurance-chômage.
Cette réforme promise par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle, qui prévoit une refonte complète des indemnités versées aux actifs, licenciés ou ayant choisi de quitter un emploi, promet des échanges musclés entre l'exécutif et les organisations syndicales et patronales, qui ont envoyé mardi un texte revendiquant des positions communes, à commencer par leur souhait de maintenir le régime paritaire adopté depuis 1958.
Si le gouvernement a promis de prendre le temps de la concertation et a écouté les partenaires sociaux en décembre, les grandes lignes ont été esquissées. Voici ce que l'on sait déjà sur le sujet.
Une assurance-chômage "universelle"
La réforme figurait parmi les engagements de campagne d'Emmanuel Macron : "Nous permettrons à tous les travailleurs d’avoir droit à l’assurance-chômage", promettait-il. "Les artisans, les commerçants indépendants, les entrepreneurs, les professions libérales, et les agriculteurs disposeront, comme les salariés, de cette protection."
Dans le système actuel, seuls les indépendants justifiant d'un contrat de travail peuvent prétendre à l'assurance-chômage. Les gérants de SARL, micro-entrepreneurs ou entrepreneurs ne peuvent pas cotiser à l'assurance-chômage ni ouvrir de droits à une allocation chômage.
Dans le projet du gouvernement, il est donc question d'ouvrir des droits pour les indépendants. Reste à savoir quelles professions seront concernées, et quel sera le montant exact des indemnités, certaines sources évoquant désormais une indemnité forfaitaire n'excédant pas 800 euros mensuels. Les syndicats redoutent notamment que ces nouveaux droits soient financés avec les moyens actuels de l'Unedic, endettée à hauteur de 30 milliards d'euros. Le gouvernement s'est engagé à ne pas réduire les droits actuels des salariés.
Des indemnités pour les démissionnaires, sous condition
Autre promesse de campagne qui doit être mise sur la table ce jeudi : ouvrir les droits à l'assurance-chômage aux salariés qui démissionnent. Un droit qui ne serait utilisable "qu'une fois tous les cinq, six ou sept ans".
Pour l'heure, le principe en vigueur ne fait bénéficier des allocations chômages que les personnes involontairement privées de leur emploi - licenciement, fin de CDD, rupture conventionnelle du CDI ou autre rupture de contrat. La démission n'ouvre pas droit au chômage, même si des dérogations existent, comme par exemple dans le cas du conjoint qui doit changer de lieu de résidence pour des raisons professionnelles.
Cette mesure, additionnée à l'indemnisation des indépendants, est évaluée entre "8 à 14 milliards d'euros" par Les Echos, citant des sources gouvernementales, mais ces chiffres ont été qualifiés de "fantaisistes" par la ministre du Travail Muriel Pénicaud. L'Institut Montaigne, de son côté, évalue ces mesures à moins de 3 milliards d'euros. Le gouvernement prévoit de financer le régime, non plus seulement par les cotisations (la part salariale de la cotisation sur l'assurance-chômage a été supprimée dans le buget 2018, ndlr), mais par la CSG, impôt qui va augmenter. Un nouveau mode de financement qui induit une "étatisation" de l'assurance-chômage, au grand dam des partenaires sociaux qui la gèrent depuis 1958.
La menace de suspension des allocations
Présentée comme la "contrepartie" de l'ouverture des droits aux démissionnaires, une mesure qui promet des négociations houleuses prévoit de suspendre les allocations pour ceux qui fourniraient des efforts "insuffisants" pour rechercher un emploi ou qui refuseraient "des offres raisonnables". Emmanuel Macron avait ainsi promis que les "prestations" versées seraient "strictement conditionnées" à ses "efforts de recherches, avec un contrôle drastique".
Actuellement, les allocations peuvent déjà être réduites par Pôle Emploi en cas de manquements, notamment si le chômeur s'avère incapable de justifier une recherche d'emploi, refuse de suivre une formation, de signer un contrat de professionnalisation ou un contrat aidé. La suppression des indemnités est également prévue, mais pour une durée limitée à deux mois, pour un chômeur refusant à deux reprises une offre "raisonnable" (voir sa définition selon Pôle Emploi), ne répondant pas aux convocations de Pôle Emploi ou refusant de se soumettre à une visite médicale d'aptitude. La suppression définitive des indemnités n'est prévue qu'en cas de fausse déclaration ou de fraude.
Un "bonus-malus" contre l'emploi précaire
Le gouvernement veut enfin mettre en place un système de "bonus-malus" sur l'assurance-chômage. Les employeurs "qui entretiennent la précarité en recourant exagérément aux contrats courts paieront plus de charges, ceux qui créent des emplois stables en paieront moins". Une proposition critiquée par le Medef, et que les partenaires sociaux souhaitent négocier dans le cadre des branches professionnelles, afin de tenir compte des pratiques spécifiques en fonction des métiers.
Encore faudra-t-il définir ce qu'est un recours "exagéré" aux contrats précaires, et un "emploi stable". Les emplois à temps partiel ont augmenté de 500.000 unités entre 2007 et 2014, et les emplois temporaires, de 100.000 sur la même période, avec une accélération spectaculaire durant la crise économique. Selon l'OCDE, l'emploi à temps partiel représentait en France 14.2% de l'emploi total en 2016, contre 37.7% aux Pays-Bas, 23.8% au Royaume Uni et 22.1% en Allemagne.
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