La stratégie de respectabilité du RN contrariée par les propos racistes de Grégoire de Fournas

Publié le 4 novembre 2022 à 13h26, mis à jour le 4 novembre 2022 à 14h20

Source : TF1 Info

Jeudi, les propos racistes du député RN Grégoire de Fournas dans l'hémicycle ont ravivé les accusations de xénophobie envers le parti de Marine Le Pen.
L'élu met à mal l'entreprise de dédiabolisation et de respectabilité entreprise par son parti à l'Assemblée depuis juin dernier.
Les députés RN ne sont pas exempts de dérapages et militent toujours en faveur de la préférence nationale.

En juin dernier, 89 députés Rassemblement national ont fait leur entrée au palais Bourbon. Assez pour constituer un groupe - contrairement à la législature précédente où ils étaient dix fois moins -, faire élire des députés aux postes importants comme la vice-présidence, avoir droit à un temps de parole plus conséquent lors des débats et des questions au gouvernement… et donc devoir construire une stratégie politique. Poursuivant ce qu'elle a entrepris au sein de son parti et qui lui a notamment permis d'atteindre à deux reprises le second tour de l'élection présidentielle, Marine Le Pen a opté pour la dédiabolisation et la respectabilité. Au moins en apparence.

L'apparence est d'ailleurs la première chose que les parlementaires RN ont soignée, mettant en place ce qui a été baptisé la "stratégie de la cravate", consistant pour les hommes à siéger vêtus de ce morceau de tissu, symbole de respectabilité et de sérieux, que n'arborent pas la majorité de leurs homologues de la Nupes. Aussi, ils ont fait attention à leur assiduité et à leur présence à l'Assemblée, leur absence ayant été régulièrement épinglée entre 2017 et 2022. Ils évitent également de se montrer bruyants, vindicatifs, de quitter l'hémicycle en groupe, laissant cela à leurs adversaires insoumis.

Pourtant, dès la première séance de la nouvelle Assemblée, présidée par le doyen, le député RN José Gonzalez, l'ADN du parti co-fondé par Jean-Marie Le Pen refaisait surface. À la tribune, il évoquait avec nostalgie l'Algérie française. "Venez avec moi en Algérie, je vais vous trouver beaucoup d'Algériens qui vont vous dire : 'quand est-ce que vous revenez, les Français'", poursuivait-il plus tard dans la salle des Quatre-Colonnes, avant d'ajouter : "Je ne suis pas là pour juger si l'OAS a commis des crimes ou pas".

Des incidents de plus en plus nombreux

Par la suite, d'autres incidents sont venus faire dérailler cette stratégie bien huilée. Par exemple fin juillet, un député RN qualifiait d'"ambassadeur du Bundestag" (le Parlement allemand, ndlr) le député Renaissance du Bas-Rhin Charles Sitzenstuhl. Jean-Philippe Tanguy, nouveau visage des députés RN, s'illustrait également en assurant qu'Emmanuel Macron s'était servi de ses talents de "séducteur", notamment envers les hommes, pour se rendre coupable de "corruption" et que lors de son passage chez Rothschild "il savait solliciter les aspirations homo-érotiques d’un certain nombre de cadres"

Les accrocs se sont encore multipliés à la rentrée parlementaire du mois d'octobre. Les députés RN se sont fait de plus en plus remarquer, notamment lors des questions au gouvernement du 12 octobre au cours desquelles Alexandre Loubet qualifiait de "lâche" le ministre de l'Économie Bruno Le Maire. Mais ce même jour, quand une députée de la majorité traitait le Rassemblement national de parti "xénophobe" et écopait d'un rappel à l'ordre, la sanction avait été très mal perçue, les parlementaires y voyant une victoire de Marine Le Pen et de sa stratégie de dédiabolisation.

Puis ce jeudi 3 novembre, alors que l'insoumis Carlos Martens Bilongo s'exprimait, a surgi des bancs RN un "qu'il retourne en Afrique", adressé au député LFI lui-même ou selon le RN au bateau de migrants qu'il était en train d'évoquer dans son intervention. "Ils ont beau mettre des cravates (...) C'est un mouvement profondément raciste", a dénoncé le président du groupe Renaissance par intérim Sylvain Maillard. "Il y a bien un ADN d’extrême droite. Le racisme, voilà ce qui différencie l’extrême droite de la droite", a abondé le président du groupe LR Olivier Marleix. "Aujourd’hui, l’extrême droite a montré son vrai visage", ajoutait la cheffe des insoumis Mathilde Panot, saisissant elle aussi l'occasion de pointer du doigt cet adversaire et ses désirs de respectabilité. 

Toujours la préférence nationale en ligne de mire

Le Rassemblement national adapte cette stratégie également dans ses votes. "Nous n'avons qu'une seule boussole : l'intérêt de la France et des Français et nos votes se sont illustrés au cours de ces semaines sans sectarisme, contrairement aux autres groupes, et sans volonté de faire tomber les institutions, contrairement à certains autres groupes", disait la présidente du groupe RN en août dernier. Son groupe s'attache à se montrer "constructif", votant par exemple pour le projet de loi d'urgence pour le pouvoir d'achat et se posant comme les premiers défenseurs du porte-monnaie des Français, quitte à ne pas apparaître comme une opposition réelle au pouvoir.

Pourtant, le parti n'a jamais abandonné la préférence nationale mise en avant pendant la campagne présidentielle. Lors de l’examen du projet de loi sur l’assurance-chômage, il a ainsi défendu des amendements pour réduire les droits au chômage d’étrangers hors Union européenne, interdire la présence d’étrangers au sein des instances représentatives des entreprises ou encore limiter le droit de vote des travailleurs précaires aux élections professionnelles. De quoi rappeler aux électeurs quels sont les fondamentaux du Rassemblement national.


Justine FAURE

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