Le gouvernement a présenté lundi un projet de loi visant à accélérer la construction de centrales nucléaires.Alors qu'il souhaitait concerter les associations de défense de l'environnement sur le sujet, celles-ci ont refusé, dénonçant un "passage en force".Elles regrettent notamment l'absence d'études d'impact de ces constructions sur l'environnement, et craignent des atteintes à la biodiversité.
La construction des premiers EPR nouvelle génération devrait intervenir avant mai 2027, pour une mise en service en 2035-2036. Le gouvernement a présenté ce début de semaine son projet de loi visant à accélérer l'installation de nouveaux réacteurs nucléaires. Le début du processus impliquait une étude du texte par le Conseil national de la transition écologique (CNTE) qui regroupe syndicats, patronat et ONG. Ils ont reçu le texte lundi, devaient tenir leur première réunion ce mercredi et avaient une semaine pour donner leur avis sur le projet de loi. Mais des associations de défense de l'environnement et des animaux ont refusé de se réunir, dénonçant un "passage en force". Face à leur contestation, le ministère a fait savoir ce jeudi 29 septembre que le CNTE rendrait finalement son avis le mercredi 19 octobre.
"Il n'est pas acceptable que nous soyons prévenus lundi soir pour une réunion mercredi et que nous devions statuer en moins de huit jours sans avoir une étude d'impact sur les projets", a expliqué à TF1info Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue de protection des oiseaux (LPO). Réseau action climat estime de son côté que le gouvernement "écrase au bulldozer le dialogue environnemental" et "essaie de passer en force une loi pour simplifier l’implantation de centrales nucléaires qui ne produiraient pas d’électricité avant au moins 15 ans".
Les associations regrettent notamment qu'aucune étude sur l'impact de ces constructions sur la biodiversité ne leur ait été communiquée. "Il y a une opacité totale à ce sujet. Certaines données sur l'impact du nucléaire sur la biodiversité existent à l’international, mais très peu en France. Nous tentons de le faire sur les éoliennes et le photovoltaïque, il n’y a aucune raison que le nucléaire échappe à notre réflexion", explique le président de la LPO. "Je pense notamment à l’effet du réchauffement de l’eau, aux turbines qui captent beaucoup de petits organismes, aux impacts sur les oiseaux des aménagements aériens ou des pylônes installés aux sorties des centrales."
On tord le bras à la biodiversité pour sauver la question climatique."
Allain Bougrain-Dubourg
Selon Allain Bougrain-Dubourg, "on tord le bras à la biodiversité pour sauver la question climatique". "On peut concevoir l’intérêt général, mais on ne peut pas rétrograder sur l’élémentaire environnemental, ça procède aussi de l’intérêt général. Il y a un paradoxe qui n’est pas clair", a-t-il poursuivi.
L'ambition du gouvernement est de faire construire six réacteurs de nouvelle génération, dits EPR2. Le projet de loi prévoit notamment d'autoriser des réacteurs dans les zones relevant de la loi Littoral, avec certaines dérogations pour les projets situés en continuité de sites nucléaires existants, en bord de mer. Aussi, les projets répondront à "une raison impérative d’intérêt public majeur, leur permettant de bénéficier d’une des conditions d’octroi des dérogations relatives aux espèces protégées", stipule le texte.
À ce sujet, le ministère de la Transition énergétique se défend en expliquant "si on ne sait pas éviter [la destruction d'un habitat où niche une espèce protégée], on fait en sorte que le projet porte le moins atteinte possible à cet espace. Et puis, à la fin, si on n’a vraiment pas le choix, on compense. C'est-à-dire qu'on va aller recréer ailleurs, idéalement le plus proche possible du site existant, un habitat où cette espèce pourra se développer". Pour Allain Bougrain-Dubourg, "la compensation n'est pas une méthode". "Le problème qui se pose, c'est : est-ce qu’on peut admettre qu’il va y avoir une dégradation de la biodiversité constante pendant toute l’utilisation de la centrale, et qu’est-ce qui nous permet d’avoir une compensation de cette dégradation ?", interroge-t-il.
Réseau action climat juge que la construction de nouveaux réacteurs qui ne produiront "pas d’électricité avant au moins 15 ans" n'est pas prioritaire. "La moitié des réacteurs nucléaires sont aujourd’hui à l’arrêt et c’est ce problème structurel, en plus du retard sur le développement des énergies renouvelables et sur les mesures d’économie d’énergie, qui met en péril l’approvisionnement en électricité cet hiver", juge-t-il.