Selon des sondages récents, les Français sont au moins un tiers à justifier et comprendre les violences des manifestants dans les cortèges se mobilisant contre la réforme des retraites.Comment l'expliquer ? TFIinfo a interrogé le politologue Olivier Rouquan.
Les dernières manifestations contre la réforme des retraites, organisées et spontanées, ont été émaillées de violences à Paris comme en province. Et à en croire les sondages publiés ces derniers jours, plus d'un tiers des Français ne les condamnent pas voire les approuvent et les encouragent. Des chiffres qui interrogent.
Selon un sondage Harris interactive pour LCI du 22 mars, 20% des Français approuvent le recours à la violence dans le cadre de la mobilisation, c'était 15% au moment des Gilets jaunes. Ce taux grimpe à 30% chez les sympathisants insoumis, 29% chez ceux du Rassemblement national. En revanche, il n'est que de 6% chez les militants Renaissance, 7% chez ceux de LR.
Ils sont même 26% chez ceux qui soutiennent le mouvement.
Selon une étude Odoxa publiée le 23 mars, 30% des sondés pensent que le gouvernement a provoqué les débordements et les violences. 44% estiment qu'elles sont acceptables et justifiables. Une étude Elabe pour BFMTV également datée de ce jeudi indique que 25% des Français ne condamnent pas les actes violents et les affrontements avec les forces de l'ordre, et 42% les comprennent. L'enquête précise également que 23% ne réprouvent pas les menaces envers les élus favorables à la réforme, et 39% les comprennent.
L'insatisfaction, la colère s'accumulent."
Olivier Rouquan
Comment expliquer ces chiffres ? "L'insatisfaction, la colère s'accumulent", commente le politologue Olivier Rouquan auprès de TF1info. "Il y a une accumulation qui fait qu'aujourd'hui l'exaspération touche une part croissante des Français. Ils éprouvent de l'empathie pour les manifestants plutôt que pour les institutions. Ils se sentent plus proches des personnes qui s'opposent durement à la réforme que des institutions", ajoute-t-il. "Oui, le curseur bouge sur la compréhension que certaines personnes puissent devenir violentes", constate Olivier Rouquan, précisant tout de même que "la condamnation de la violence" reste la norme.
Selon lui, le président de la République a une "grande, grande part de responsabilité" dans cela. "On a l'impression qu'il n'a rien appris de son premier quinquennat" marquée par la crise des Gilets jaunes, estime Olivier Rouquan. "L'entêtement en politique, c'est une chose, mais il y a un style qui manifestement ne prend toujours pas et ne lui permet pas d'avoir une communication apaisée avec toute une partie des Français. Dans la marge de manœuvre qui est la sienne, on ne peut pas dire qu'il ait fait beaucoup d'efforts et de progrès."
Une cohésion sociale fragile
Le politologue pense que le chef de l'Etat n'est pas bon dans sa capacité à rassembler les Français. "Ces violences sont un indice de cohésion sociale fragile. On ne peut pas préjuger de ce qu'il pourrait se passer en cas de dégradation du conflit, ni sur les retraites ni ultérieurement sur d'autres textes. Mais on a l'impression que le tissu social est devenu inflammable."
Ce constat est également à expliquer du côté d'éléments plus structurels, "sur l'état des forces politiques dans le pays, l'incapacité à forger des compromis, l'état de la représentation parlementaire et sa faible capacité à discuter et à résoudre les conflits". "Il y a des problèmes institutionnels qui se sont aggravés du fait qu'il n'y a pas de majorité absolue", "mais nous sommes incapables de bâtir un programme de coalition comme le font les sociales démocraties", regrette-t-il.
Les oppositions ont-elles intérêt à entretenir cette division et la violence, l'extrême gauche ayant du mal à la condamner ? Non, estime le politologue : "La Nupes ne tire pas profit de la mobilisation sociale dans les sondages, contrairement aux syndicats. Je ne suis pas sûr que l'intérêt des partis d'opposition soit d'arriver à une situation institutionnelle de désordre, car rien ne garantit qu'ils puissent représenter une alternance".
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