La réforme des retraites promulguée, la colère ne faiblit pas

Manifestations : d'où vient le terme "factieux", employé par Macron et Darmanin ?

par T.G.
Publié le 24 mars 2023 à 12h45
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Source : TF1 Info

Que ce soit Emmanuel Macron ou Gérald Darmanin, le pouvoir a vilipendé des "factieux" à l'œuvre dans les rues de France cette semaine en marge des manifestations.
Déjà utilisé lors de la crise des Gilets jaunes, ce mot a été réhabilité ces dernières années.
Il existe pourtant depuis plusieurs siècles.

Des "factieux" à la manœuvre dans les rues de plusieurs villes de France. C'est le point de vue de l'exécutif, qui a décrit de la sorte les heurts observés cette semaine en marge des rassemblements contre la réforme des retraites. Si ce terme n'est pas nouveau – du latin "factiotus" signifiant "enclin à séparer" –, son utilisation soulève une question : des factieux, littéralement ceux qui "fomentent des troubles contre le pouvoir établi" (dixit le Larousse) se sont-ils immiscés dans les rangs des manifestants ?

Gérald Darmanin, lui, en est convaincu. "Le pays doit se réveiller et condamner l'extrême gauche et les factieux. Ils sont peu nombreux, mais ils sont extrêmement violents", a lâché jeudi soir le ministre de l'Intérieur après les violents affrontements dans la capitale. Mercredi, c'est Emmanuel Macron qui avait qualifié les auteurs de violences de "factieux". 

De l'histoire romaine à la Révolution française

Ce vocabulaire dans la bouche des politiques est devenu récurrent ces dernières années. En particulier lors de la crise des Gilets jaunes : fin novembre 2018, l'ex porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux avait évoqué "des mouvements qui sont factieux, qui sont séditieux, des mouvements qui en appellent à la violence contre des parlementaires". "Aujourd'hui, c'est assez factieux, je crois qu'il faut arrêter d'être naïfs et d'être irresponsables dans un certain nombre de commentaires", disait quelques jours plus tard le patron de la CFDT, Laurent Berger.

Devenu commun, ce vocabulaire remonte pourtant à plusieurs siècles, plus exactement à l'histoire romaine. Il faudra cependant attendre la Révolution française pour qu'il se fasse une place dans la langue de Molière. "Il est utilisé contre les sections et les sans-culottes qu'on accuse de vouloir 'dévoyer' les nouvelles institutions qui se mettent en place, et comploter en vue de prendre le pouvoir", avait expliqué à LCI l’historien Michel Pigenet, spécialiste des mouvements sociaux, lors de la crise des Gilets jaunes.

"Louis XVI, roi de France immolé par les factieux"

Et de préciser : "Ce vocabulaire se répand puis est utilisé à son tour par les sans-culottes contre les aristocrates. Et au moment où la guerre éclate, les factieux sont des ennemis de l'intérieur, adossés aux ennemis de l'extérieur. Les factieux sont ceux qui, par leur projet et leur souhait de renverser l'ordre nouveau, portent atteinte à l'unité de la Nation. Ce sont ceux qui 'séparent'." Le terme se retrouve ainsi un peu partout. En 1794, une médaille à l'effigie de Louis XVI est par exemple éditée. L'inscription qui l'accompagne ? "Louis XVI, roi de France immolé par les factieux".

Si l'utilisation du terme "factieux" est fréquente au cours de la Révolution française, son utilisation ces dernières années renvoie à une période plus récente de notre histoire. À savoir les années 1930. C'est en tout cas l'avis de Michel Pigenet : "L'action des Ligues est un moment où le terme de factieux revient en force. Non sans raison, car il y a à ce moment-là des organisations qui veulent mettre à terre 'la gueuse', la République (le surnom qui lui était donné par les Camelots du Roi, NDLR)". 

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Au fil des crises, ce vocabulaire semble se faire une place dans le débat public, selon l'historien. "Cela va revenir durant la guerre d'Algérie : dès lors que l'armée est utilisée dans des opérations de maintien de l'ordre et joue un rôle de plus en plus politique. On le voit peu vers mai 1968, quand la République est remise en cause. Le terme de factieux revient pour désigner les partisans de l'Algérie française. Il est utilisé jusqu'à la fin de la guerre, notamment concernant l'OAS, dont les partisans sont considérés comme des factieux. Quand les généraux prennent le pouvoir à Alger, le putsch est une action qui entre dans cette interprétation, une action de "factieux".


T.G.

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