Les trois défis qui attendent le Rassemblement national en cette rentrée

Après un été discret, l’heure de la rentrée a sonné pour Marine Le Pen ? Voici les trois grands défis qui l’attendent elle et son parti ces prochains mois. 

Marine Le Pen a quitté la présidence du parti pour se consacrer à la bataille parlementaire et diriger le groupe RN au palais Bourbon. La députée du Pas-de-Calais estime que c’est là que va se jouer le prochain quinquennat d’Emmanuel Macron, alors que le camp présidentiel n’a pas réussi à décrocher la majorité absolue et que, contre toute attente, le Rassemblement national a réussi à faire élire 89 députés, devenant ainsi le premier groupe d’opposition (les membres de l’alliance de gauche Nupes sont divisés en quatre groupes). 

Mais bien que majoritaires, les députés RN ne sont pas les plus en vue de ce début de législature. Marine Le Pen a fait le choix de la respectabilité et du sérieux, alors pas question de se faire remarquer pour les mauvaises raisons. Mais sa stratégie ne fait pas l’unanimité. Son père a notamment conseillé aux élus RN "d’être agressifs à l’égard du pouvoir", et déploré leur "absence médiatique". "Lorsqu’on fait référence à la droite, on entend parler en permanence des Républicains, mais jamais du RN", a-t-il constaté, or selon lui "en politique, il ne suffit pas d’exister, il faut le faire savoir". Aussi, quelques députés RN s’affranchissent des consignes et prennent quelques libertés lorsque leur cheffe ne siège pas. Marine Le Pen aura donc du travail pour maintenir l’ordre qu’elle veut dans ses rangs. 

D’autant plus qu’elle aura des difficultés à peser réellement politiquement. Comment espérer faire passer des textes quand la majorité vous ignore ? Car contrairement aux Républicains, que le camp présidentiel est obligé de chouchouter pour obtenir la majorité absolue sur certains textes, il n’a pas prévu de compter sur le Rassemblement national, et n’a donc aucune intention de l’aider à faire adopter des amendements ou des propositions de loi. 

Marine Le Pen devra aussi définir la stratégie de vote de son groupe sur les projets de loi importants qui seront votés à l’automne à l’Assemblée nationale. Elle souhaite être dans une opposition constructive mais est également souvent accusée de faire le jeu d'Emmanuel Macron (ils ont voté pour le projet de loi d'urgence pour le pouvoir d'achat et n'ont pas pris part au vote lors du deuxième volet du projet de loi de finances rectificative). Sur le budget, Jordan Bardella a déjà indiqué que le parti ne dialoguerait pas avec le gouvernement, et qu’il ne le voterait pas, sans préciser s’il voterait contre ou s’abstiendrait. 

Puisqu’elle souhaite se consacrer au groupe parlementaire, Marine Le Pen laisse vacante la tête du parti, occupée par intérim depuis septembre 2021 par Jordan Bardella. Deux cadres du parti et proches de la députée sont candidats : l'eurodéputé Jordan Bardella et le maire de Perpignan Louis Aliot. L'ex-candidate à la présidentielle a refusé de dire quelle était sa préférence, estimant que les deux étaient "sur [sa] ligne politique". 

Si en apparence la campagne est bon enfant, en coulisses, elle est plus rugueuse. Le camp Aliot pointe du doigt les inclinations "identitaires" de proches de Bardella, en rappelant que ce dernier a évoqué sans la nommer la "théorie du grand remplacement" dans une tribune cet été. Ils alertent également sur le fait qu'une victoire de Jordan Bardella, favori, le placerait en bonne position pour 2027, au détriment de Marine Le Pen. Le camp Bardella joue sur le choc des générations, rappelant que Louis Aliot a débuté sa carrière politique auprès de Jean-Marie Le Pen, notamment écarté du parti pour ses propos négationnistes.  

Ceux qui observent tout cela de loin s'inquiètent des divisions qui pourraient naître de ce combat, et reprochent à Marine Le Pen d'avoir ouvert la porte à ce risque de fracture. Le nom de son successeur sera connu le 5 novembre. 

Au milieu de tous ces défis, une autre question, plus historique et mémorielle, est venue embarrasser les leaders du parti : faut-il fêter les 50 ans du Front national, co-fondé le 5 octobre 1972 par Jean-Marie Le Pen ? La question a été tranchée il y a quelques jours ; "il n’y a pas de célébration particulière qui est prévue", a déclaré Jordan Bardella. "On a un congrès le 5 novembre et donc probablement ce congrès éclipse la date du 5 octobre" 1972, a-t-il justifié. 

Même s’il "ne renie pas l’histoire. Je m’apprête, si les Français le décident, à prendre la présidence d’un parti qui a été (co)-fondé par Jean-Marie Le Pen", en tant que membre de la jeune génération du RN, Jordan Bardella n’est pas attaché à célébrer ces 50 ans et l’héritage du FN. Au contraire des plus anciens, plus attachés à la mémoire et à l’héritage du Front national. 

Toutefois, un colloque sera organisé à l’Assemblée nationale pour "tordre le cou à un certain nombre de récits qui sont faits depuis des années", selon un membre du bureau exécutif. Jean-Marie Le Pen ne sera pas invité, son entourage a expliqué qu’il organiserait son propre événement à son domicile auquel "ceux qui voudront venir viendront".