INTERVIEW - La députée du Pas-de-Calais fête samedi 16 janvier ses dix ans à la tête du Rassemblement national. L'occasion de revenir sur les transformations du parti d'extrême droite depuis qu'elle le dirige avec le politologue Gilles Ivaldi.
Marine Le Pen fête ce samedi 16 janvier ses dix ans à la tête du Rassemblement national, ex-Front national. Élue le 16 janvier 2011 présidente du parti en battant Bruno Gollnisch, elle prenait alors la suite de son père. C'est à ce poste qu'elle se présentera pour la troisième fois à une élection présidentielle en 2022. Mais avec quel bilan ? LCI a interrogé Gilles Ivaldi, chargé de recherche CNRS au Cevipof-Sciences Po Paris.
Quels étaient les objectifs de Marine Le Pen à son arrivée à la tête du parti il y a dix ans ?
Pour l’époque c’était très clair : elle était celle qui allait moderniser le Front national. Elle arrivait avec l’ambition de le renouveler idéologiquement, stratégiquement, et de le dédiaboliser. Son enjeu était de faire du FN un parti qui soit capable à terme de prendre le pouvoir en France.
A-t-elle réussi ?
Elle a réussi à élargir la surface électorale du parti en attirant des jeunes et des femmes, mais elle n’a pas profondément transformé sa nature. À l'époque, lorsqu’elle parlait de dédiabolisation, elle expliquait bien qu’il ne s’agissait pas de changer profondément le Front national mais la façon dont les gens le percevaient. Et idéologiquement, le Rassemblement national de Marine Le Pen reste assez proche de celui de Jean-Marie Le Pen. Elle a entamé un processus qu’elle n’a pas mené jusqu’à son terme, à savoir arriver à donner au RN une crédibilité, le sortir du ghetto de l’extrême droite où il est relativement enfermé. Aujourd'hui, le parti est encore à la croisée des chemins ; il est très marqué par la radicalité de son positionnement, de ses stratégies et de son idéologie.
Marine Le Pen doit rétablir son leadership
Quels défis se présentent à elle d'ici 2022 ?
Tout d'abord, Marine Le Pen doit mieux définir le programme du parti sur deux questions essentielles : l’Europe et l’économie. Ce sont les deux talons d’Achille du RN, ils lui ont coûté la dernière présidentielle puisque le manque de crédibilité de Marine Le Pen est d’abord un manque de crédibilité sur ces questions. L'attend aussi un défi stratégique : le parti est toujours tiraillé entre la construction d'une alliance à droite avec Les Républicains et Nicolas Dupont-Aignan ou le dépassement du clivage gauche-droite. Marine Le Pen pense que le RN a vocation à devenir un parti transversal quand les proches de Marion Maréchal pensent que son avenir est à droite. Elle devra choisir et construire les bonnes alliances car seul, le parti ne peut pas accéder au pouvoir. La présidente doit également rétablir son leadership, prouver sa motivation, alors même qu'il lui manque des cadres et des militants de terrain.
Incarne-t-elle toujours le futur du Rassemblement national ?
Tout dépendra de la performance du RN en 2022. Et cette performance dépendra de sa capacité à capitaliser sur la grande colère sociale qui devrait gronder à l'issue de la crise sanitaire et économique.
Marion Maréchal est-elle appelée à lui succéder ?
Elle reviendra probablement un jour dans l’orbite du RN. Mais elle présente un handicap : même si elle est compatible avec la droite traditionnelle, elle représente une droite dure et classique. Donc ce qu’elle pourrait apporter au RN d'un côté, elle le ferait perdre de l'autre avec son image très marquée à l'extrême droite. Mais assurément, au sein du RN, si Marine Le Pen échoue en 2022, il y aura pas mal de monde pour scruter l’arrivée de Marion Maréchal, et elle aura l'opportunité de reprendre le parti et de le façonner à son image.
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