DÉFENSE - Après la mort de treize soldats français lors d'une opération au Mali, les élus LFI, dont Jean-Luc Mélenchon, ont demandé un débat et une commission d'enquête parlementaire, sur l'opération Barkhane. Dans le droit et dans les faits, le Parlement exerce un contrôle extrêmement limité sur les "Opex" de l'armée française.
"Que fait-on là-bas ?" Premier député à s'exprimer en séance, mardi, sur la mort des treize soldats français la veille lors d'une intervention au Mali, Bastien Lachaud (LFI) a fait entendre une voix dissonante sur la présence française au Sahel, décidée en janvier 2013 par François Hollande à travers l'opération Serval, puis Barkhane, pour contenir la guérilla djihadiste qui menaçait de s'emparer de la région. "En février 2018, nous avons demandé, en vain, un bilan géostratégique", a indiqué le député, rappelant que l'opération, particulièrement meurtrière pour l'armée française - 41 morts en six ans - avait coûté "3,5 milliards d'euros".
Dans la foulée, le chef des Insoumis Jean-Luc Mélenchon a estimé sur son blog qu'il était "temps de se demander ce que l'on fait là-bas", et qu'il faudrait que l'Assemblée nationale se penche sur cette "guerre qui a été décidée par une personne", en l'occurrence François Hollande. Une position en rupture avec l'unanimité de la classe politique sur le sujet, qui a suscité l'ire de l'ancien Premier ministre, Bernard Cazeneuve, mercredi sur LCI. "Je ne l'ai jamais vu tenir une parole qui était une parole d'apaisement, de responsabilité", a fustigé ce dernier.
Au même moment, un autre député Insoumis, Adrien Quatennens, allait plus loin et réclamait la création d'une commission d'enquête parlementaire.
Que prévoit la Constitution ?
En matière d'opérations extérieures (Opex), comme Barkhane dans le Sahel, les parlementaires disposent d'un pouvoir extrêmement limité. La Constitution donne la prérogative au pouvoir exécutif, et en particulier au chef de l'Etat, qui valide les interventions armées, comme François Hollande l'a fait en 2013 au Mali, suivi d'un arrêté du ministère des Armées portant ouverture d'un théâtre d'engagement précisant la zone et la période concernées. Il y a près de vingt ans, un rapport parlementaire sur "le contrôle parlementaire des opérations extérieures" soulignait déjà qu'en dehors de la motion de censure à l'encontre du gouvernement (article 49 de la Constitution) ou l'autorisation en cas de déclaration de guerre (article 35, jamais utilisé), le Parlement ne disposait d'aucun instrument pour influer a priori sur une décision d'intervention.
La réforme constitutionnelle de 2008 a légèrement changé la donne, en instaurant une obligation pour le gouvernement d'informer le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l'étranger "au plus tard trois jours après le début de l'intervention", et d'en préciser les objectifs. L'information transmise peut susciter un débat - comme pour l'opération Chammal en Irak (2014) ou l'intervention aérienne en Syrie (2015) -, mais sans vote à la clé. Une autorisation parlementaire est toutefois requise si l'intervention excède quatre mois. Ce fut le cas en septembre 2008 pour l'Afghanistan, en juillet 2008 pour la Libye, en avril 2013 pour l'opération Serval au Mali (342 votes pour, 10 abstentions à l'Assemblée), en février 2014 pour l'opération Sangaris en Centrafrique (428 votes pour, 14 contre, 21 abstentions), en janvier 2015 pour l'opération Chammal en Irak (488 votes pour, 13 abstentions, 1 contre), ainsi qu'en novembre 2015 pour l'intervention aérienne en Syrie.
En revanche, la Constitution ne dit rien sur une Opex qui s'étendrait sur plusieurs années. Considérée comme une prolongation de Serval, Barkhane n'a donc jamais fait l'objet d'une telle autorisation, comme le signalait en 2016 un rapport du Sénat qui évoquait une forme de "clause d'éternité". De la même manière, le Parlement n'a pas son mot à dire sur l'arrêt d'une Opex.
Un contrôle limité a posteriori
Signe de la faiblesse du Parlement sur le sujet, la définition des Opex est donnée par le ministère des Armées - il s'agit "d'interventions des forces militaires françaises en dehors du territoire national" - mais le terme n'apparaît pas dans la loi de finances initiale, pourtant votée par le pouvoir législatif. S'il apparaît dans la loi de programmation militaire (2019-2025) et son rapport annexé, où est mentionnée la hausse prévue des crédits des Opex à 1,1 milliard d'euros par an à partir de 2020, aucun détail n'est fourni sur le coût de chaque opération. Celui n'apparaît qu'a posteriori. Le coût de l'opération Barkhane est ainsi évalué autour de 600 millions d'euros par an.
A l'instar du Sénat, la Cour des comptes avait d'ailleurs pointé en novembre 2016 le manque de clarté budgétaire sur ces opérations, appelant à inscrire "une dotation réaliste et sincère" dans la loi de finances initiale, d'autant que le budget des Opex, qui mobilisent actuellement 5.500 militaires dans le monde, a été multiplié par deux en une décennie.
Les parlementaires disposent d'un autre moyen de contrôle a posteriori, à travers les Commissions de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale et du Sénat. S'agissant de Barkhane, les sénateurs ont ainsi envoyé une délégation au Mali en mars 2018. Les députés ont fait de même en septembre 2018. Mais là encore, il ne s'agit pas d'influer sur la stratégie de l'exécutif mais de s'enquérir des conditions d'intervention des militaires, de leurs équipements ou encore de leurs conditions de vie.
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