SCANDALE - En 1979, le "Canard Enchaîné" révèle que Valéry Giscard d'Estaing a reçu des années auparavant du président centrafricain Jean Bedel Bokassa une plaquette de trente carats de diamants. Le scandale tourne en affaire d'État jusqu'à la présidentielle de 1981.
"Il faut laisser les choses basses mourir de leur propre poison". Quand il prend la parole en cette fin du mois de novembre 1979 sur Antenne 2, Valéry Giscard d'Estaing est encore convaincu que ce qui n'est pas encore "l'affaire des diamants de Bokassa" va doucement s'éteindre. Las, le scoop du Canard Enchaîné va empoisonner les derniers mois du mandat du président. Et, pour beaucoup, lui coûter sa réélection en 1981.
Retour en 1979. À l'époque, les relations entre Jean-Bedel Bokassa – qui avait pris le pouvoir en 1965 en Centrafrique avant de se faire sacrer "empereur" deux ans plus tard – et VGE sont électriques. Devenu infréquentable après le massacre de plusieurs dizaines d'étudiants qui protestent contre l'instauration du port obligatoire de l'uniforme, Bokassa cherche alors à se détacher du soutien de Paris, l'ancienne puissance coloniale. Après avoir clamé sa volonté de doter son pays de l’arme atomique, il tente de se rapprocher du colonel Mouammar Kadhafi, le dictateur libyen. C'en est trop pour Paris, qui enclenche une opération destinée à renverser son allié. Dans la nuit du 20 septembre, alors que l'empereur est en voyage à l’étranger, un commando appartenant au service action du SDECE, l’ancêtre de la DGSE (le renseignement extérieur), prend le contrôle de l'aéroport international de Bangui M'poko. Un mois plus tard, l'affaire des diamants éclate.
Des diamants remis "à quatre reprises au couple présidentiel"
Le 10 octobre 1979, l'hebdomadaire satirique écrit que "VGE", alors ministre des Finances, a reçu en 1973 du président Bokassa une plaquette de trente carats de diamants. Au fil des semaines, le Canard égrène ses informations : la semaine suivante, il affirme que la valeur de la plaquette est de 1 million de francs et précise que d'autres diamants lui ont été offerts à l'occasion de ses déplacements à Bangui, entre 1970 et 1975. Après avoir ignoré la polémique, le président s'exprime le 27 novembre, opposant un "démenti catégorique et méprisant" aux allégations concernant la valeur des cadeaux qu'il aurait reçus.
L'hebdomadaire, lui, relance l'affaire un an plus tard : le 16 septembre 1980, en publiant un entretien téléphonique avec l'ancien empereur centrafricain Jean Bedel Bokassa, déposé de son trône le 20 septembre 1979. Il affirme "avoir remis à quatre reprises des diamants au couple présidentiel. Vous ne pouvez pas imaginer ce que j'ai remis à cette famille-là".
Je règle mes comptes avec ceux qui ont provoqué ma chute
Jean Bedel Bokassa
Le 10 mars 1981, VGE déclare à la télévision qu'il "n'y a aucun mystère dans l'affaire des diamants" et que "le produit de ces cadeaux a été versé à des œuvres humanitaires centrafricaines". Il précise que les diamants ont été vendus "au profit de la Croix-rouge centrafricaine, d'une maternité, d'une pouponnière et d'une mission". Selon Le Point du 22 mars 1981, qui a consulté la comptabilité des cadeaux officiels à l’Élysée, les diamants ont en effet été vendus pour une somme de 114.977 francs remise à des œuvres de bienfaisance centrafricaines.
Dans une interview au Washington Post du 8 mai 1981, l'empereur déchu réaffirme avoir offert des diamants à VGE, en présence de témoins, à quatre occasions en huit ans. Contrairement aux indications du président français, pour qui les diamants reçus n'étaient que de petites pierres, Bokassa affirme lui avoir offert des diamants de 10 à 20 carats. Il soutient également avoir offert à la famille Giscard d'Estaing, dont deux cousins, plus de diamants qu'à n'importe qui d'autre. "Je les ai gâtés", déclare-t-il, ajoutant : "Ils sont pourris". Bokassa reconnait accorder cette interview, à la veille du second tour de l'élection présidentielle, dans le but d'empêcher la réélection de VGE. Avant de glisser : "Je règle mes comptes avec ceux qui ont provoqué ma chute". Le 10 mai, François Mitterrand l'emporte.
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