Triomphants à leur élection en juin dernier, les députés de la Nupes font depuis face à la difficulté de faire cohabiter des sensibilités, personnalités et idées différentes.Ces derniers mois, ils ont dû faire face à diverses polémiques, aux affaires Bayou et Quatennens et maintenant aux accusations de complaisance avec le Rassemblement national.Malgré les fissures, les partenaires font (encore) face.
La France insoumise a signé seule, sans ses alliés de la Nupes, sa nouvelle motion de censure. "Cela signe-t-il la fin de la Nupes ? Bien sûr que non", assure le Premier secrétaire du PS Olivier Faure ce vendredi dans Libération, après avoir expliqué pourquoi les socialistes – tout comme les écologistes et les communistes – ne s'y associeront pas. "Chaque groupe a toujours conservé sa liberté d'appréciation. Une coalition, ce n'est pas un parti unique. Chacun conserve son identité", poursuit-il. Mais ces dernières semaines, ces libertés et ces identités s'exacerbent, jusqu'à avoir du mal à composer ensemble.
Peut-être que tout a commencé très vite après l'élection des députés de la Nupes à l'Assemblée nationale en juin dernier. Quand Jean-Luc Mélenchon plaide pour la formation d'un groupe unique à l'Assemblée nationale, qui aurait fait de lui le premier groupe d'opposition devant le Rassemblement national, ses partenaires refusent. Déjà un signal de fortes dissensions internes et d'incapacités à s'entendre sur des sujets comme l'Union européenne et le nucléaire.
Les vraies difficultés ont commencé à la fin de l'été, au cours duquel les quatre alliés ont organisé leur université d'été chacun de leur côté. Le 27 août, Sandrine Rousseau appelle à "changer de mentalité pour que manger une entrecôte cuite sur un barbecue ne soit plus un symbole de virilité", déclenchant passions et polémiques. Le communiste Fabien Roussel lui répond même : "On mange de la viande en fonction de ce qu'on a dans le porte-monnaie et pas de ce qu'on a dans son slip". Ce dernier suscite ensuite le débat en se posant comme le défenseur de la "gauche du travail" face à "celle des allocations". L'écologiste citée plus haut, réclamant un "droit à la paresse", estime de son côté que "la valeur travail est de droite".
Les affaires Quatennens et Bayou
Après les écologistes et les communistes, c'est au tour des insoumis de faire la Une. Quelques jours après le dépôt d'une main courante par son épouse, Adrien Quatennens reconnaît des violences à son encontre. Un tweet de Jean-Luc Mélenchon saluant le "courage" de son protégé et lui faisant part de toute son "affection", met le feu aux poudres. LFI s'enfonce dans la crise, incapable de parler d'une voix commune pour condamner fermement et sans ambiguïté les actes du député. Cette affaire pointe également du doigt la mainmise de Jean-Luc Mélenchon sur le parti, et le peu de débat et démocratie interne au sein de LFI. Aussi, alors qu'il se met en retrait de son mandat ses collègues du groupe refusent de le voir démissionner, au contraire de personnalités comme Fabien Roussel, décidément rarement d'accord avec ses alliés.
L'affaire Quatennens en percute une autre, l'affaire Bayou. Des féministes rappellent au parti écologiste que leur cellule d'enquête interne est saisie depuis la fin du mois de juin par une ex-compagne de son secrétaire national Julien Bayou, qu'elle accuse de violences psychologiques. L'affaire est mise en lumière par Sandrine Rousseau, qui confirme avoir reçu la plaignante. Cette dernière lui aurait fait part de "comportements de nature à briser la santé morale des femmes". Julien Bayou démissionne de la tête du parti et met en place sa défense, accusant Sandrine Rousseau de calculs politiques, notamment en vue du congrès de décembre.
Sur la même longueur d'onde pour faire tomber le gouvernement ?
Il aurait pu rester le terrain social et politique pour resserrer les rangs de la Nupes. Mais lorsque La France insoumise décide d'organiser une marche contre la vie chère et l'inaction climatique le 16 octobre, le parti communiste traine des pieds pour y participer. Ce qu'il consentira à faire finalement, au contraire de la CGT. Après le déclenchement du premier 49.3 par Elisabeth Borne le mercredi 20 octobre, la Nupes semblait également sur la même longueur d'onde, et a déposé très vite sa motion de censure dans l'espoir de faire tomber le gouvernement.
Mais le "coup politique" de Marine Le Pen lundi, qui a décidé d'accorder ses voix à celles de la gauche pour voter sa motion, a semé la zizanie. Accusé par des membres du Parti socialiste hostiles à la Nupes et par la majorité d'avoir amendé sa motion pour recueillir les voix de l'extrême droite, la gauche est dans l'embarras. Si le texte ne semble pas avoir été modifié, il est certain que sa rédaction a été compliquée et a fait l'objet de nombreuses discussions entre les partisans d'une motion simple et d'une motion plus identitaire, à savoir LFI qui assumait vouloir d'un texte facile à voter pour tous versus EELV et le PS. Aussi, la France insoumise votera seule la future motion de la gauche qui sera discutée lundi prochain, ses alliés ne voulant pas banaliser ces outils.
Face aux fortes personnalités de la Nupes, aux attaques et déstabilisations de leurs opposants, aux combats politiques à venir, l'alliance de gauche tiendra-t-elle ?