INTERVIEW – Mesures pour encourager l'apprentissage, en perte de vitesse depuis deux ans, réforme encore contestée des rythmes scolaires ou encore retour de Nicolas Sarkozy sur la scène politique : la ministre de l'Education Najat Vallaud-Belkacem a répondu aux questions de Metronews.
Donner un véritable coup d'accélérateur à l'apprentissage en perte de vitesse depuis deux ans : vendredi, François Hollande a fait un nouveau geste en faveur des entreprises qui emploient des apprentis, en annonçant un certain nombre de mesures.
Parmi elles notamment, la nouvelle prime de 1000 euros destinée aux entreprises qui embauchent un premier apprenti, votée cet été à l'Assemblée. Celle-ci va désormais être élargie à "tout apprenti supplémentaire" et ouverte aux entreprises jusqu'à 250 salariés, contre 50 initialement. Au regard du contexte actuel de crise économique, ce coup de pouce peut-il être suffisant ? La ministre de l'Education nationale Najat Vallaud-Belkacem, qui était présente aux côtés de François Hollande vendredi, répond à Metronews. Mais nous parle aussi de la réforme controversée des rythmes scolaires et du retour de Nicolas Sarkozy sur la scène politique .
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► Pourquoi l'apprentissage a eu autant de mal, jusqu'ici, à décoller en France ?
Au delà des difficultés économiques des entreprises, je pense surtout que, culturellement, l'apprentissage n'a jusqu'ici pas assez été valorisé. Quand on interroge les Français, on se rend compte que l'apprentissage a beau être plébiscité pour lutter contre le chômage des jeunes (prés de 90% des Français lui font confiance pour cela), il reste mal connu et mal considéré : on l'imagine toujours comme réservé à des jeunes en difficulté scolaire.
► On estime aussi souvent qu'il débouche sur des métiers faiblement rémunérés...
Absolument. Alors on évite d'y pousser ses propres enfants... L'apprentissage recouvre une réalité bien plus diverse, pourtant. Ces dernières années, il s'est ainsi beaucoup développé pour les niveaux post-bac : master, ingénieur... Et il conduit à des métiers très pointus. Au fond, l'apprentissage répond à la fois à une envie de se former différemment, en alternance, exprimée par un nombre de plus en plus grand de jeunes, et à un besoin des entreprises. Pour que ces deux-là se rencontrent, il nous faut collectivement cesser de le déconsidérer.
60.000 APPRENTIS POUR 2017
► En temps que ministre de l'Education, quelle est concrètement votre marge de manœuvre ?
L'Education nationale forme aujourd'hui 40.000 apprentis. Nous souhaitons en avoir 60.000 en 2017. Nous actionnons tous les leviers possibles pour y parvenir. Le 11 octobre, déjà, sera lancée une grande campagne de promotion de l'apprentissage. De mon côté, j'ai demandé aux recteurs de mettre en place dans toutes les académies une journée d'information sur les métiers où l'apprentissage tiendra une place toute particulière. Je leur ai aussi demandé d'intégrer l'information sur l'apprentissage dans les outils d'orientation et d'affectation notamment à la sortie de la 3eme et du bac. Au-delà, je souhaite développer les campus des métiers et des qualifications, qui sont des lieux où les jeunes peuvent être pour partie sous statut scolaire et pour partie sous statut d'apprenti, ce qui leur permet de suivre des cursus de très grande qualité. Etre apprenti, pour un jeune, ne doit plus signifier qu'il arrête ses études très tôt : au contraire, nous devons lui permettre d'élever son niveau de qualification en valorisant ses acquis d'un niveau à l'autre, et ainsi passer d'un CAP à un bac pro puis à un master.
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► Vous semblez préconiser de sortir de cette rigidité qui est parfois reprochée à l'Education nationale...
Oui, et cela commence par arrêter de raisonner en voie "noble" et voie "moins noble". L'enseignement professionnel et l'apprentissage sont des voies aussi nobles que les autres. Et je veillerai à les valoriser à leur juste mesure. J'ai une obsession : que l'école offre à chaque jeune un parcours de réussite qu'il puisse choisir et dont il puisse aussi changer si celui-ci ne lui convient pas. Sans pour autant devenir un déclassé du système, comme cela peut être le cas à l'heure actuelle.
► Jusqu'ici, l'apprentissage semble être surtout choisi par des garçons. Votre plan d'action prévoit-il aussi plus de mixité ?
C'est en effet un enjeu majeur qui devient central dans le nouveau service public d'orientation que nous sommes en train de créer, et qui sera effectif sur tout le territoire en 2015. Les conseillers d'orientation seront chargés de combattre l'autocensure qu'on constate souvent à l'égard de métiers qu'on considère "pas faits pour soi". Plus généralement, dans quelques jours sortira la campagne "mixité des métiers" qui donne à voir la palette infinie des opportunités professionnelles pour les filles et pour les garçons. Mais, au-delà de cette question, se pose celle de l'égalité d'accès à l'apprentissage pour tous les jeunes tentés par cette voie. Les enquêtes montrent que, trop souvent encore, l'adresse ou l'origine des jeunes constitue un frein quand il s'agit de trouver une entreprise. Vendredi, le président a clairement demandé aux organisations patronales et aux branches professionnelles de lutter contre ces discriminations.
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L'EXEMPLE DE L'ALLEMAGNE
► François Hollande a annoncé plusieurs mesures pour encourager l'apprentissage, comme une nouvelle prime de 1000 euros pour les entreprises qui embauchent : pensez-vous réellement qu'à l'heure où les carnets de commande sont quasiment vides, ce genre de mesure soit suffisante ?
Il est vrai que les difficultés de l'apprentissage s'expliquent aussi par la situation économique actuelle, mais je pense vraiment que les décisions annoncées par le Président vendredi sont suffisamment fortes pour être incitatives et ce, dès cette rentrée. Pour les entreprises, petites comme grandes, il devient vraiment plus intéressant de prendre un apprenti que de ne pas en avoir. Je pense en particulier à la prime de 2000 euros proposée aux entreprises de moins de 11 salariés.
► Dans le cadre de ce coup de pouce donné aux entreprises, vous calquez-vous sur un modèle européen en particulier ?
On parle beaucoup de l'Allemagne où l'apprentissage est très développé, mais c'est là-bas une véritable tradition dans un système scolaire dual, dans lequel la formation en alternance est financée à plus de 90% par les entreprises. Il ne faut pas nécessairement calquer ce qui existe à l'étranger. Notre système a ses avantages. Je suis sensible aux exigences portées par la communauté éducative française de garantir aux jeunes en apprentissage un niveau élevé de connaissances et de compétences générales qui leur seront évidemment indispensables, au-delà des connaissances techniques et du geste, dans une vie professionnelle de plus en plus marquée par la mobilité. Utiles aussi pour trouver leur place de citoyen.
► Samedi, une manifestation contre les rythmes scolaires a encore eu lieu, cette fois à Marseille. Entendez-vous et surtout, comprenez-vous cette grogne, qui perdure ?
Bien sûr. J'ai d'ailleurs demandé au rectorat de recevoir les parents et de dialoguer avec eux. Car même si c'est la responsabilité de la ville de Marseille que d'avoir, contrairement aux autres villes, si peu anticipé cette rentrée, nous devons tout faire pour essayer de trouver des solutions. C'est l'occasion pour moi de redire que le périscolaire a beau être de la compétence des communes, l'Etat contribue bel et bien à son financement. Grâce à ses aides, chaque commune de France bénéficie de 50 à 150 euros, par enfant et par an, pour mettre en œuvre les activités périscolaires. Contrairement à ce que certains prétendent, nous ne laissons pas les communes se débrouiller toutes seules.
LA REFORME DES RYTHMES SCOLAIRES MAINTENUE
► Vous ne ferez pas machine arrière sur cette réforme ?
Non, bien sûr que non. Nous ferons en sorte que cette réforme obéisse à ses deux ambitions premières, à savoir, pour les enfants, un meilleur apprentissage et un accès favorisé à des activités artistiques, culturelles, sportives et citoyennes de qualité, quelles que soient les ressources de la famille.
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► La question de l'ABCD de l'égalité a été abandonnée avant l'été, pour faire place aux "plans pour l'égalité entre les filles et les garçons a l'école" , censé lutter pour l'égalité fille-garçons. Où en sommes-nous de ce projet ?
Il avance. Comme cela avait été annoncé, les outils pédagogiques destinés à assurer la formation des enseignants et à accompagner leurs échanges en la matière dans les classes seront prêts en novembre.
►Nicolas Sarkozy a annoncé son retour sur la scène politique ce week-end. Comment le prenez-vous ?
Dans tout autre pays, ce retour semblerait surréaliste. Que revienne celui qui a dirigé pendant cinq ans ce pays avec des conséquences que l'on subit encore aujourd'hui – notamment sur la dette –, je ne suis pas sûre que cela soit véritablement souhaitable. Ni ardemment espéré par les Français. Je ne pense pas non plus qu'il soit en mesure d'incarner l'exemplarité qu'exige le moment . Maintenant, au moins, ce retour, c'est la fin de l'insoutenable suspense qui dure depuis plusieurs mois (sourire). Et cela va sûrement avoir pour effet de clarifier le débat public, entre une gauche qui gouverne pour redresser le pays et une droite qui, en réalité, voudrait administrer à ce pays une potion ultra-libérale.
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