Nicolas Sarkozy a-t-il vraiment perdu la présidentielle de 2012 à cause de l'affaire Kadhafi ?

Publié le 22 mars 2018 à 14h13, mis à jour le 22 mars 2018 à 23h08
Nicolas Sarkozy a-t-il vraiment perdu la présidentielle de 2012 à cause de l'affaire Kadhafi ?

ELECTION - Dans sa déclaration aux magistrats qui a précédé sa mise en examen, mercredi 21 mars, Nicolas Sarkozy a imputé sa défaite à la présidentielle de 2012 aux révélations de Mediapart entre les deux tours du scrutin et au clan du dictateur Kadhafi. L'affaire des présumés financements libyen a-t-elle joué ce rôle ? LCI s'est replongé dans les analyses de l'époque.

L'entourage du colonel Kadhafi a-t-il voulu déstabiliser Nicolas Sarkozy avant l'élection présidentielle de 2012 ? C'est en tout cas ce qu'affirme l'ex-chef de l'Etat dans la déclaration faite aux magistrats, avant sa mise en examen mercredi dans l'enquête sur des soupçons de financement libyen de sa campagne de 2007.

Dans sa défense, Nicolas Sarkozy a indiqué que l'entourage de l'ancien dictateur libyen avait diffusé l'information en mars 2011, à partir du jour où l'ancien président avait reçu à l'Elysée les représentants de l'opposition libyenne, préalable à l'intervention militaire française dans ce pays qui a entraîné la chute du régime Kadhafi. 

Mais Nicolas Sarkozy est allé plus loin dans cette déclaration. Voici ce qu'il a dit aux juges : "J'ai déjà beaucoup payé dans cette affaire. Je m'en explique : j'ai perdu l'élection présidentielle de 2012 à 1.5%. La polémique lancée par Kadhafi et ses sbires m'a coûté un point et demi. Le document Mediapart ayant été publié entre les deux tours, le 28 avril 2012, alors que je me trouvais à Clermond-Ferrand en présence de Brice Hortefeux." Une référence au document - une note attribuée aux services libyens - que le site d'investigation avait révélé avant et pendant le scrutin, faisant état d'un "accord de financement libyen" pour la précédente campagne de 2007, dont l'ancien Président conteste toujours l'authenticité. 

Un impact réel...

Les révélations de Mediapart, entre les deux tours de l'élection présidentielle, n'étaient pas passées inaperçues. On le constate à la lecture des réactions de l'époque au sein de l'équipe de campagne de Nicolas Sarkozy, qui accusait à demi-mot Mediapart de travailler pour le candidat François Hollande. François Fillon, à l'époque Premier ministre, avait accusé le site d'investigation d'être "une officine financée par de riches amis de François Hollande", tandis que la porte-parole d'alors, Nathalie Kosciusko-Morizet, dénonçait "une diversion grossière". Les premières informations de Mediapart concernant cette "note" avaient été diffusées dès mars 2012, et non en avril, soit plus d'un mois avant le premier tour de la présidentielle.  De quoi plomber une campagne qui avait déjà... du plomb dans l'aile.

... Mais des intentions de vote en hausse

Lorsqu'on se replonge dans les mesures données à l'époque de la campagne de Nicolas Sarkozy, l'affaire des financements présumés libyens était loin d'être la seule explication à ce décrochage de "1.5 point" de l'ancien Président - 3.28 points d'écart exactement à l'arrivée entre François Hollande et Nicolas Sarkozy au second tour du scrutin. 

Sur le plan des baromètres d'opinion réalisés en 2012, ces révélations ne correspondent à aucun décrochage spécifique de Nicolas Sarkozy au cours de la campagne. Au contraire, pourrait-on dire, même s'il n'a jamais réussi à rattraper son retard sur François Hollande. Sur l'ensemble de sa campagne, de janvier à avril 2012, l'ex-chef de l'Etat avait au pire stagné, au mieux remonté la pente dans l'ensemble des études réalisées sur la période. Parti d'une cote de 24 à 26% au premier tour, en fonction des instituts, en décembre 2011, il était arrivé à 26-29.5% d'intentions de vote à la veille du premier tour.  Les sondages de second tour, qui le plaçaient entre 40 et 45% seulement en décembre 2011, l'avaient porté jusqu'à 47% en avril. Il s'était finalement incliné, lors du vote, avec 48.36% des voix, dépassant toutes les prévisions. 

D'autre motifs d'impopularité

Si l'on reprend les analyses formulées à l'époque par les responsables politiques et les médias sur l'incapacité de Nicolas Sarkozy à prendre le leadership de la campagne, l'affaire libyenne était un sujet mineur. La raison la plus couramment invoquée à l'époque, y compris par l'équipe du candidat elle-même : les effets de la crise financière de 2008-2009, avec une montée brutale du chômage et une croissance en berne, qui ont poussé nombre d'électeurs de Nicolas Sarkozy en 2007, déçus, vers la candidate du Front national. 

En outre, l'opposition de gauche, menée par Jean-Luc Mélenchon et François Hollande, puis relativement unie sous le giron de ce dernier, avait largement fait campagne contre la façon de gouverner de Nicolas Sarkozy - le fameux "Moi Président" du candidat socialiste -, profitant de surcroît de la droitisation de la campagne du président sortant pour capter des électeurs centristes avec son programme "modéré". D'autres critiques portaient sur son entrée en campagne trop tardive, ou encore sur le caractère illisible de sa campagne sur le plan économique, ou sur celui de l'immigration, avec notamment les revirements sur l'Europe lors du meeting de Villepinte en mars 2012. D'"affaires", il aura finalement été assez peu question durant cette campagne de 2012. Loin de la présidentielle de 2017, au cours de laquelle l'enquête visant François Fillon a littéralement fait exploser sa candidature en vol. 


Vincent MICHELON

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