RÉACTIONS - L'annonce de la condamnation de Nicolas Sarkozy en première instance dans l'affaire des "écoutes téléphoniques" a suscité lundi de vives réactions au sein de sa famille politique. À gauche, hormis chez les écologistes, les réactions ont été plutôt mesurées.
Le jugement rendu lundi en première instance dans l'affaire des "écoutes téléphoniques" à l'encontre de Nicolas Sarkozy a fait l'effet d'une déflagration dans sa famille politique ce lundi. Après la condamnation de l'ancien président à trois ans de prison, dont un ferme, pour "corruption", ses soutiens ont réagi très vivement, plusieurs d'entre eux n'hésitant pas à mettre en cause "une justice politique" et à cibler le Parquet national financier (PNF), qui avait conduit l'enquête.
Un état d'esprit illustré par le message du patron de LR, Christian Jacob, qui a apporté son "soutien indéfectible" à l'ancien président de la République. "La sévérité de la peine retenue est absolument disproportionnée et révélatrice de l'acharnement judiciaire d'une institution déjà très contestée", a-t-il avancé. "Toute la lumière devra être faite sur les méthodes et l'indépendance du PNF", a-t-il ajouté, entretenant de fait le flou entre le PNF, qui conduit l'enquête en amont, et le délibéré du tribunal rendu ce lundi.
Une décision "hallucinante", a également fustigé le député du Nord Sébastien Huygues, expliquant que "l'accusation ne reposait que sur des hypothèses non prouvées malgré des investigations tous azimuts". "Une condamnation extrêmement dure dans un dossier particulièrement faible", expliquait aussi le sénateur LR Bruno Retailleau. Sur LCI, la sénatrice LR des Bouches-du-Rhône Valérie Boyer a exprimé de son côté son "trouble", se disant "profondément choquée" que le PNF soit "intervenu dans cette affaire pour un pacte de corruption qui vraisemblablement n'a pas eu lieu". "Nous avons des juges qui entrent dans la vie politique de façon inédite", a ajouté cet ancien soutien de François Fillon, lui-même mis en cause par le PNF dans une affaire d'emploi fictif durant la présidentielle.
"Malgré ce jugement de première instance, et après sept ans de procédure, le travail de la justice n’est pas terminé", a plus sobrement estimé Renaud Muselier, président de la région Paca, témoignant de sa "confiance" envers l'ex-chef de l'État, au même titre que la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse.
Une indignation qui s'étend jusqu'au RN
Le jugement a suscité des réactions similaires au RN, qui met régulièrement en cause, lui aussi, des décisions de justice lorsqu'elles le visent. "Je ne vois pas comment, juridiquement, la condamnation a pu être fondée", s'est étonné le député RN Gilbert Collard, lui-même avocat. "Dans le pire des cas, dans cette affaire, on est en présence d'un pacte de corruption illusoire, irréalisé, fantasmatique. Même si Nicolas Sarkozy fait appel, même s'il est relaxé, il est marqué par le fer rouge de la condamnation. Sur le plan politique, c'est l'élimination pure et simple d'un potentiel recours pour Les Républicains."
Le porte-parole du RN Sébastien Chenu s'est dit de son côté "très hostile à l'acharnement judiciaire" sur France Info. Ancien ministre de Nicolas Sarkozy passé au RN, l'eurodéputé Thierry Mariani a également volé au secours de l'ancien chef de l'État. "Si vous doutiez qu’en France, la justice peut être politique, vous avez désormais la réponse", a-t-il réagi.
Pour Jean Messiha (ex-RN), Nicolas Sarkozy est condamné "alors que rien n’est formellement prouvé contre lui. Par contre, ceux qui agressent, attaquent, blessent y compris des flics ou des élus écopent... D’un rappel à loi avant d’être remis en liberté. Dingue". Dans la même veine, Nicolas Dupont-Aignan (DLF) a dénoncé "l'éclatant deux poids deux mesures avec la condamnation de Nicolas Sarkozy. Quand la justice sera-t-elle aussi sévère avec les délinquants qui trafiquent de la drogue et agressent nos policiers ?"
La gauche reste sobre
Si le jugement a suscité la bronca à droite, la gauche s'est montrée pour le moins discrète pour l'heure, au même titre d'ailleurs que la majorité présidentielle. Côté PS, le seul message du premier secrétaire Olivier Faure, lundi soir, était "sans commentaire", et ciblait le "soutien amical" adressé plus tôt par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin à son ancien mentor. Le leader Insoumis Jean-Luc Mélenchon s'est contenté d'un laconique mais évocateur "Sarkozy condamné, Macron débarrassé d'un sérieux rival". Sur LCI, le député LFI Michel Larive s'est simplement étonné des "réactions indignées" à droite, affirmant "respecter les décisions de justice". "Des justiciables passent chaque jour en jugement, on en parle beaucoup moins", a-t-il relevé.
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Le jugement a en revanche été salué par de nombreuses personnalités écologistes, à commencer par le secrétaire national EELV Julien Bayou, pour qui "on reconnaît une démocratie à sa capacité à juger ses dirigeants". "La corruption mine notre pacte démocratique et coûte des milliards chaque année", a-t-il ajouté. Le maire de Grenoble Eric Piolle s'est contenté d'un message ironique sur Twitter, reprenant à son compte un ancien tweet publié par Nicolas Sarkozy en mars 2012 : "Il faut que les peines soient exécutées. La non-exécution des peines, c’est l’impunité."
Le patron du PCF, Fabien Roussel, a quant à lui fait une référence à une autre déclaration de Nicolas Sarkozy, qui souhaitait en 2015 qu'il n'y ait "pas de mesure d'aménagement de peine pour les peines supérieures à six mois". "La justice a fait son travail", a déclaré le secrétaire national du PCF. "Il ne s'agit pas de le commenter, mais je suis curieux de savoir si ce qui était vrai en 2015 l'est toujours...", a-t-il ajouté.