À LA LOUPE - Après le vote sur de possibles amendements à la directive sur le droit d'auteur - rejeté à cinq voix près -, dix-neuf eurodéputés ont fait savoir qu'ils s'étaient trompé dans leur choix. Le sujet n'est pas nouveau : les députés européens font très régulièrement des erreurs quand ils votent et l'indiquent ... a posteriori. Des corrections purement symboliques. A La Loupe a voulu en savoir plus.
Que s'est-il dont passé dans l’hémicycle du Parlement européen le 26 mars dernier ? Avant de voter pour ou contre la directive sur le droit d'auteur, les députés européens devaient se prononcer sur la possibilité de rouvrir l’examen d’un grand nombre d’amendements. Pour les défenseurs d'un Internet libre et ouvert, cela aurait notamment permis de modifier le décrié article 13 réclamant, entre autres, un outil de filtrage sur les plateformes de mise en ligne comme Youtube.
317 parlementaires s'y sont opposé, 312 y étaient favorables, un vote serré donc. Et pourtant, dix-neuf députés ont ensuite assuré s'être trompés et ont signalé leur réelle intention de vote : 13 voulaient voter pour, 4 souhaitaient voter contre et 2 s'abstenir, comme on peut le lire sur le procès-verbal des votes par appel nominal. En clair, le résultat du vote aurait pu basculer. Nous disons bien "aurait pu" car s'il est possible de modifier son vote et de l'inscrire dans les archives du Parlement, cela n'a aucune incidence sur le vote. Ce qui est voté en plénière est voté une bonne fois pour toutes. Dix-neuf erreurs d'inattention ? De ripage sur le bouton ? Intrigant, voire inquiétant. À La Loupe s'est intéressé au sujet, qui est loin d'être un cas isolé.
Ce système de correction du vote est bien encadré. "Toute demande de correction communiquée par un député est consignée dans la liste des 'résultats des votes par appel nominal' imprimée et publiée sous format électronique sur la page internet de la plénière, mais le résultat du vote n'est en rien modifié", détaille le guide la plénière. Un député peut donc signaler qu'il s'est trompé, mais sans grande incidence. "Ça arrive de temps en temps", reconnait Marie-Alix Verhoeven, assistante parlementaire de Michèle Rivasi, contactée par LCI. "Les votes s'enchaînent, parfois ce sont des longues sessions, il peut effectivement y avoir une erreur, ce que l'on regrette forcément." "Signaler son erreur permet de clarifier son positionnement", ajoute-t-elle.
Les élus ou leurs assistants doivent pour cela alerter avant 18h30, le jour du vote en question, pour que la correction apparaisse directement sur le procès-verbal et au plus tard dans les quinze jours pour que la véritable intention de vote soit inscrite dans le Journal officiel - le "vendredi de la deuxième semaine suivant la période de session, à midi", très exactement. Après ces deux semaines, l'erreur ne sera pas notifiée.
Une erreur, cela peut se comprendre, mais en épluchant les différents procès-verbaux, on réalise que cela arrive très régulièrement et certains députés font figure d'habitués.
Les champions des erreurs... sont Français
Ces habitués sont en grande majorité... des Français. Le site VoteWatch.eu a réalisé un classement, son "top ten" à partir des erreurs enregistrées depuis le début du mandat (de juin 2014 jusqu'au 19 mars dernier). Sur la première marche du podium, on retrouve Brice Hortefeux (Les Républicains - Groupe du Parti Populaire Européen) qui a usé du mécanisme 292 fois. Non loin derrière, arrive Jean-Luc Mélenchon (266 fois). Si le leader de la France Insoumise n'avait pas quitté le Parlement pour se lancer dans la campagne présidentielle en 2017, il aurait certainement explosé ce score. À la troisième place, une femme : Rachida Dati (LR - PPE) et ses 198 corrections.
Suivent Jacek Sarysz-Wolski (parlementaire polonais du PPE - 193 corrections), Anna Maria Corazza Bildt (Suédoise - PPE - 169 corrections), Kostadinka Kuneva (Grecque - Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique - 167 corrections), Cláudia Monteiro de Aguiar (Portugaise - PPE - 139 corrections), Franck Proust (PPE - 133 corrections), Juan Fernando López Aguilar (Espagnol - Alliance progressiste des socialistes et des démocrates - 131 corrections) et Javier Nart (Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe - 131 corrections).
Au total, parmi les 751 députés, 100 ont déjà changé leur vote plus de 50 fois. A l'inverse, ils ne sont que 37 à n'avoir jamais utilisé ce mécanisme de correction en cinq ans.
Un système de votation complexe ?
Un brin agacé par notre appel et l'annonce de sa "victoire" dans le domaine, Brice Hortefeux tient à souligner que ces corrections sont la preuve de sa rigueur : "Cela montre que je vérifie à chaque fois si j'ai bien voté et si j'ai suivi la ligne de mon parti." Quand on fait remarquer qu'il ne la suit donc pas tant que ça, l'eurodéputé préfère écourter l'échange : "Cela n'a aucun intérêt", évacue-t-il, arguant que seul le fond l'intéresse.
Jean-Luc Mélenchon s'était expliqué dans un long post à ce sujet en 2016. Il reconnaissait pouvoir se tromper, voire oublier de voter. La raison est selon lui très simple : la complexité du vote au Parlement. "Nous votons en cadence à un rythme intensif. Un seul texte peut faire l'objet de plusieurs votes (jusqu'à une centaine) car nous votons les textes par paragraphe ou par morceau de paragraphe, par amendement et par un vote final sur la proposition législative ou la résolution", indiquait-il. "Avec en moyenne cinq votes par minute, un toutes les 12 secondes. À ce rythme, les erreurs sont des plus probables."
A la décharge de nos élus, il est vrai que les votes sont regroupés et s'enchaînent une fois les débats clos. Chaque vote est désigné par une appellation technique, par exemple, "A8-0245/2018 - Axel Voss - Vote procédural", pour le vote dont nous parlions en introduction. Mieux vaut avoir potassé ses dossiers. Pour faciliter les choses, chaque groupe et/ou parti fournit sa liste de vote avec des repères et les consignes de vote.
Tactique politique
Pour Magnus Anderson, une autre raison peut expliquer ces nombreuses erreurs : la couverture politique. Certains parlementaires n'assumeraient pas pleinement leur vote et le modifierait après coup, soit pour se montrer en adéquation avec leur parti ou leur groupe politique, soit à l'inverse pour se démarquer de leur parti et assurer à leurs électeurs qu'ils souhaitaient se rebeller, mais qu'ils s'étaient trompés. Le Suédois, leader du parti pirate, estime ainsi que le rejet des amendements de la directive sur le droit d'auteur arrangeait bien certains députés et que leur correction n'est que façade (14 eurodéputés ont assuré vouloir voter pour, après coup).
Autre explication avancée par VoteWatch : certains parlementaires indiqueraient leur vote a posteriori, alors qu'ils n'ont pas voté, soit pour éviter qu'ils ne paraissent absents lors de la séance ou qu'ils aient l'air de ne pas être attentif lors d'un vote pourtant crucial.
Des sujets plus propices aux corrections
Si certains élus concentrent plus d'erreurs que d'autres, c'est aussi le cas de certains sujets abordés. Certains votes n'enregistrent aucune modification, tandis que d'autres affichent jusqu'à 65 corrections. Ce record, en ce qui concerne le dernier mandat, portait sur "le résultat du référendum au Royaume-Uni". Quelques jours après le vote du Brexit, un amendement était proposé, indiquant que les habitants d'Irlande du Nord avaient voté pour le maintien dans l'Union Européenne et que l'Irlande du Nord devait donc être intégré à l'UE après le Brexit. 56% des députés avaient voté contre mais 65 députés ont dit regretter leur vote en apportant une correction a posteriori. La grande majorité d'entre eux indiquait que leur "intention" était de voter pour...
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