Coronavirus : l'impact économique de la pandémie

Perriscope #5 - La bourse ou la vie ?

Pascal PERRI, économiste
Publié le 15 avril 2020 à 7h00, mis à jour le 17 avril 2020 à 10h53
JT Perso

Source : JT 20h Semaine

TRIBUNE - Mise au second plan derrière la santé, l'économie occupait cependant une place importante dans l'allocution présidentielle de lundi. Et pour cause : les deux sont nécessaires pour relancer la croissance, un but auquel le gouvernement s'attache ce mercredi avec le projet de loi finances rectificative. L'éclairage de Pascal Perri, économiste et sur LCI avec Perriscope du lundi au vendredi.

L’intervention du président Macron lundi soir a emprunté un étroit chemin de crête. On en retiendra un message au-dessus des autres : la santé des Français d’abord et avant tout. L’économie y occupait une place secondaire mais non négligeable : solidarité avec les familles les plus en difficulté, sans doute sous la forme d’un chèque de quelques centaines d’euros, préparation du retour de la production en association avec les partenaires sociaux, accroissement et simplification des aides aux entreprises mises à l’arrêt. L’Etat est là, il a même sorti l’artillerie lourde pour maintenir les agents économiques en vie.

En pleine pandémie, les questions économiques peuvent paraître secondaires. Elles vont cependant se rappeler à notre attention à très brefs délais. La crise ne doit pas nous faire oublier que c’est la production de richesses dans nos entreprises, association du capital et du travail, qui finance notre bien être collectif et notre modèle social. Nous avons besoin et de la bourse et de la vie. D’une certaine façon, nous ne pouvons pas nous permettre le luxe du choix entre l’une et l’autre. On évalue déjà le manque à gagner fiscal et social de la crise à 75 milliards d’euros. Moins d’activité, c’est moins de cotisations qui alimentent les caisses de retraite, l’Assurance maladie, la distribution des revenus sociaux. 

C’est aussi moins de fiscalité. Or l’Etat se finance à 90% avec les impôts et cet Etat n’est pas une fiction abstraite. C’est chacun d’entre nous, c’est la quantité et la qualité des services publics que nous finançons en grande partie par notre activité. Il est essentiel de trouver les voies et moyens de rallumer la machine économique. Nous ne le ferons pas pour alimenter les dividendes des actionnaires si souvent critiquées mais simplement pour maintenir un niveau satisfaisant de financement du modèle social auquel nous sommes attachés. En premier lieu et dans la situation actuelle, songeons à nos hôpitaux, aux agents qui y travaillent, aux investissements matériels qui permettront aux personnels soignants de maintenir en vie des patients fragiles et menacés. En substance, la bourse, c’est la vie.  

Aujourd’hui, le gouvernement réuni en Conseil des ministres examine le projet de modification de l’exercice budgétaire en cours (projet de loi de finances rectificative). Avec la crise, tout est à refaire. Il n‘y a pas d’argent magique, ni pour le marché, ni pour les services non marchands comme la santé. Le Haut conseil des finances publiques qui assiste les ministres et leurs services estime que le PIB devrait chuter (à ce stade) de l’ordre de 9% cette année. Sur la base d’un PIB à 2.350 milliards d’euros, ces 9% de croissance en moins représentent 211 milliards de richesses non produites. La richesse produite assure le service de l’impôt, les salaires et les cotisations sociales qui vont avec, l’investissement et la rémunération du capital investi. 

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Notre économie, si elle devait repartir (aussitôt que possible) ne répond cependant pas à la logique binaire du ON/OFF et inversement. Les entreprises coopèrent dans des filières de production. Si un maillon vient à manquer, soit parce qu’il fait défaut, soit parce qu’il est trop faible, c’est la marche en avant de la production qui sera menacée. Le mois qui vient ne sera pas un mois d’inaction mais celui de la préparation de la contre attaque du secteur productif. La bourse et la vie sont associées dans cette course poursuite avec notre croissance perdue.


Pascal PERRI, économiste

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